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Les aveux de Colin Powell

mardi 18 mai 2004, par Hassiba

Colin Powell n’a certainement pas tout dit de ce qu’il sait de la guerre lancée contre l’Irak par les Etats-Unis, mais son intervention sur une chaîne de télévision dimanche, reste un moment important avec sa succesion d’aveux.

Plus clairement, il dira de manière affirmative que la faute incombe à la CIA, la centrale de renseignements de son pays, qui a mal informé le centre de décision politique, ou plus grave de l’avoir trompé en lui fournissant des renseignements faux, incomplets ou qu’elle n’a pas cherché à confirmer après les avoir obtenus de source non fiable.

La CIA s’est trompée sur l’existence en Irak de laboratoires mobiles capables de fabriquer des armes biologiques, un aspect central de l’argumentaire développé par Washington pour prouver que Baghdad disposait d’ADM (armes de destruction massive), a déclaré le secrétaire d’Etat américain Colin Powell. « Je suis très inquiet », a-t-il déclaré en réponse à une question qui lui était posée dans l’émission « Meet the Press » de NBC sur le recours, dans un discours au Conseil de sécurité de l’ONU, à des arguments jugés aujourd’hui « imprécis et discrédités ». Ou plus simplement des mensonges comme le soulignent des opposants à la guerre ou encore des adversaires au président Bush. « Quand j’ai présenté mon exposé en février 2003, il était fondé sur les meilleurs renseignements que la CIA ait pu me communiquer », a-t-il déclaré. Le mois dernier, Powell avait décrit ses allégations concernant les laboratoires mobiles comme l’aspect le plus « spectaculaire » de son discours du 5 février 2003. Il a reconnu, le 2 avril, que ces informations étaient suspectes, mais n’a pas formulé d’autres conclusions publiquement. « Il s’est avéré que les sources étaient imprécises, voire, dans certains cas, délibérément trompeuses. Je suis déçu et je le regrette », a-t-il déclaré.

Faux laboratoires mobiles

En janvier de cette année, le vice-président américain Dick Cheney présentait encore la découverte de deux camions suspects comme des preuves « concluantes » de l’existence de laboratoires mobiles tels que décrits par Powell. Mais le directeur de la CIA, George Tenet, a déclaré par la suite au Congrès avoir demandé à Cheney de ne pas se montrer aussi catégorique concernant ces informations. Contacté à ce sujet, un porte-parole de la CIA s’est refusé à tout commentaire. Ce qui semble superflu, sachant que la CIA avait présenté ses arguments quand elle était franchement mise en cause, ou encore bien avant qu’il ne soit établi avec certitude que la guerre contre l’Irak avait été décidée par le président Bush dès le mois de novembre 2001, c’est-à-dire deux mois après les attentats anti-américains du 11 septembre de la même année. Bush disait-on alors, voulait un ennemi qui soit visible et il a alors choisi l’Irak de Saddam Hussein. A cet égard, le monde se rappellera de cet instant en février 2003, durant lequel Colin Powell avait exhibé devant les membres du Conseil de sécurité un flacon supposé contenir des substances mortelles prohibées, mais qui constituait une tromperie. Plus grave encore, constatera-t-il durant cette émission, il n’y a pas et il ne risque pas d’y avoir d’ADM (armes de destruction massive). Pourtant, la CIA avait elle-même récusé certaines accusations il y a déjà des mois à l’occasion d’une enquête parlementaire sur ce thème de la guerre contre l’Irak justement. Comme a été démentie avec la plus grande fermeté l’existence d’un contrat de fourniture d’uranium que l’ancien régime irakien était accusé d’avoir conclu avec un pays africain. Que sont au fait devenus ceux qui avaient mis en cause l’authenticité de ce document grossier dans son caractère prétendument officiel, alors qu’il s’agissait d’un faux comportant des erreurs qu’aucun débutant ne se hasarderait à commettre ?

Pourquoi alors parler de l’Irak, de cette manière et en ce moment précis, parce que, à vrai dire, il n’y a pas d’élément nouveau, sauf le fait que le président actuel candidat pour un second mandat en est à douter de ses possibilités de victoire ? On finit par croire que c’est encore une manière de mettre hors de cause l’Administration américaine et d’aider à la réélection de George Bush. Si donc Powell relance de telles accusations, que cherche-t-il au juste, lui l’ancien chef de l’armée américaine qui avait conduit la première guerre contre l’Irak en 1991 ? Et en supposant qu’il n’y ait pas là de considérations de politique intérieure liées à l’élection présidentielle de novembre prochain, qu’en sera-t-il pour l’Irak, son peuple et ses anciens dirigeants pour la plupart emprisonnés ? La coalition leur rendra-t-elle leur pays, avec son Etat, des excuses publiques et un dédommagement conséquent même si rien ne peut réparer cette immense fracture causée par la guerre ?

Par T. Hocine, elwatan.com