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Saïdal produira l’insuline en Algérie

mercredi 19 mai 2004, par Hassiba

Le groupe pharmaceutique algérien, Saïdal, aura le monopole de la production de l’insuline en Algérie.

Annoncé comme imminent à plusieurs reprises, le lancement des travaux a été à chaque fois reporté. Malgré le nombre incalculable d’obstacles, le PDG de Saïdal et, ensuite, les responsables de la santé tiennent à la concrétisation de cet investissement pour, notamment, assurer une disponibilité du produit. “Selon nos prévisions, la demande sur l’insuline ne cessera pas d’augmenter”, estime M. Slim Belkacem, directeur de la communication au ministère de la Santé et de la Réforme hospitalière.

En réalité, cette usine ne sera appelée à réaliser qu’une part des plus-values. Il est clair, en effet, que la matière première (les cristaux d’insuline) sera importée, car étant la chasse gardée de quelques géants de l’industrie pharmaceutique. Seuls quatre pays au monde produisent les cristaux et maîtrisent ainsi toute la chaîne de production : les USA, le Danemark, l’Allemagne et, depuis peu, la Chine. Toutes les autres nations importent, soit l’insuline élaborée, soit la matière première en vue de sa transformation.

UNE IDÉE, UN PROJET ET DES PÉRIPÉTIES

L’idée de monter une telle manufacture en Algérie remonte à la fin des années 1980, quand le laboratoire Novo Nordisk avait réalisé une étude sur la faisabilité de la chose.
L’avènement du terrorisme et l’évolution du marché mondial ont sonné le glas pour le programme du groupe danois. Les responsables de Novo Nordisk n’hésiteront pas pourtant à accepter de signer en 1994 un protocole d’accord avec les trois Pharms et le laboratoire Pierre-Fabre pour la création de la société de droit algérien Aldaph, appelée à produire l’insuline avant 1999.

Renvoyé aux calendes grecques, ce projet est abandonné à son tour après la dissolution des trois Pharms. C’est Ali Aoun qui déterre le dossier quelques mois après son installation à la tête de Saidal en 1995. Ainsi acculés, les dirigeants des deux groupes étrangers consentent à relancer la société Aldaph avec Saidal cette fois.
C’est en grande pompe que Yahia Guidoum, alors ministre de la Santé, avait posé la première pierre de l’usine à Draâ Ben Khedda, en 1998. Quelques mois plus tard, la direction de Novo Nordisk torpille ce programme en estimant que le site retenu est inconstructible.

Les autorités de la wilaya de Tizi Ouzou dégagent une assiette à Oued Aïssi qu’elles proposent à un prix défiant toute concurrence, et c’est Saidal qui prend en charge les travaux de déblaiement. Prétextant, par la suite, les aléas du terrorisme et les obstacles liés à la situation en Kabylie, les deux partenaires ne cessent alors de reporter l’échéance. Pendant ce temps, l’insuline danoise, les produits de beauté et les quelques médicaments de Pierre Fabre envahissent en exclusivité le marché algérien. Les textes, encore en vigueur aujourd’hui, accordent des largesses aux partenaires disposés à investir en Algérie.
En 2002, c’est-à-dire après huit ans d’attente, le Pr Aberkane, en sa qualité de ministre de la Santé, décide d’appliquer la loi et il interdit l’importation de l’insuline par Aldaph, tant que les deux partenaires étrangers ne respectent pas les termes du contrat relatif au montage de la manufacture. La piste danoise est définitivement abandonnée et Saidal se rabat automatiquement sur un autre leader mondial de l’industrie pharmaceutique, l’américain Lilly. Les pourparlers entamés début 2003 n’aboutissent pas, puisque la partie US propose des prix de vente très au-delà du pouvoir d’achat de l’Algérien moyen. Une autre étape commence alors pour Saidal : il s’agit désormais de réaliser le projet en solo.
Il faut trouver pour cela un partenaire disposé à fournir les cristaux et l’assistance technique. L’égyptien Vaxera tentera une percée mais après des pourparlers préliminaires, sa proposition est écartée, car il s’agit d’un petit laboratoire qui élabore son insuline avec des cristaux chinois. Les contacts entre Saidal et les laboratoires franco-allemands, Aventis, connaîtront un coup de pouce non négligeable lors de la visite du président Chirac le 3 mars 2003.

Enfin un défi !

Le projet devient une affaire d’État et les responsables politiques s’investissent à fond, puisqu’un comité de suivi du programme insuline est créé avec à sa tête le ministre de la Santé, le Pr Redjimi. Les cristaux sont fabriqués par le partenaire allemand Hoechest du groupe Aventis. Le rachat de ce groupe par le laboratoire français Sanofi semble de bon augure, car le président Chirac est pour la concrétisation de ce vieux dossier. “Notre groupe a accepté de fournir l’assistance technique, son savoir-faire et, bien entendu, les cristaux. Nous prévoyons une facture de 78 000 euros pour le seul chapitre de l’assistance technique”, déclare Abbas Terki, DG d’Aventis Algérie. Il ajoute : “Il est clair que nous n’interviendrons qu’après le montage de l’usine.” Il espère, par ailleurs, que les pouvoirs publics puissent permettre l’importation de l’insuline de son groupe en attendant le démarrage de l’unité algérienne. Il regrette enfin de se retrouver avec 40 000 flacons d’insuline en vrac, importés pour Saidal qui était disposée à les conditionner, mais le ministre de la Santé a opposé son niet catégorique. C’est à Constantine que sera finalement construite l’usine, et le département de la santé suit de très près cette réalisation eu égard à son importance. “L’insuline est un produit stratégique et vital pour les diabétiques insulinodépendants dont le nombre ne cesse d’augmenter ces dernières années, à cause notamment du stress induit par le terrorisme”, explique M. Slim Belkacem.

Il rappelle aussi les nombreuses ruptures de stocks enregistrées ces dernières années. “Ces ruptures se répercutent de manière néfaste sur la santé des malades, c’est pourquoi les experts ont défendu le projet de produire localement ce médicament par Saidal et un partenaire étranger”, ajoute le même interlocuteur.
Ce dernier aborde aussi les largesses accordées au premier partenaire durant 5 ans, ce qui lui a permis évidemment d’engranger des dividendes importants dont il aurait dû injecter une partie dans cet investissement. “Saidal a pris une décision responsable de dénoncer ce partenaire et de chercher un autre associé pour produire l’insuline en Algérie”, dit M. Belkacem. Il revient à la charge encore une fois : “Cet intérêt s’inscrit dans le cadre plus global de la promotion de la fabrication et non du conditionnement. Le ministère de la Santé, en collaboration avec d’autres départements, œuvre à encourager la production locale par l’exonération de taxes et de droits en matière d’importation des intrants. Nous avons sollicité M. Aoun en sa qualité d’initiateur de ce projet, mais il a refusé de faire une quelconque déclaration.” “Je suis un homme de terrain et ce sont mes résultats et réalisations qui plaideront en ma faveur le moment venu”, nous a-t-il déclaré lors d’un bref entretient téléphonique. Une source bien introduite à Saidal assure que le projet sera mené à terme d’autant que l’usine est réalisée à 70%. Le coût s’élève à 1,100 milliard de DA. Trois formes d’insulines (lente, médiane et rapide) seront élaborées à l’unité de constantine. Quelque 2 millions d’unités-vente seront produites chaque année. “Il faut savoir que l’étape de conditionnement aurait permis aux techniciens algériens de maîtriser la chaîne de froid indispensable dans cette spécialité. Par ailleurs, les délégués médicaux auraient pu se familiariser entre-temps avec la promotion de ce produit auprès des prescripteurs”, ajoute notre source. Selon certaines indiscrétions, c’est à la fin de l’année en cours que les équipements et les premiers lots d’insuline seront validés par une commission technique. Il semblerait que cette fois, le projet est en voie de réalisation.

C’est pour l’insuline que le Danemark a été occupé EN 1940
L’occupation des usines de Novo Nordisk est la principale raison qui a poussé Hitler à envahir le Danemark en 1940.
C’est ainsi que l’Allemagne n’a jamais connu de pénurie d’insuline durant toute la période allant de 1940 à 1944.
Certaines sources estiment même que l’armée allemande a ainsi permis aux laboratoires Hoechest de maîtriser l’isolation de l’insuline et l’élaboration des cristaux.

Au-delà du prix, le projet est fiable

Les experts de l’industrie pharmaceutique estiment que même si le prix de vente sera légèrement plus cher, le projet demeure bénéfique car il permet d’acquérir une technologie, sans compter les emplois qui seront créés.

Les cristaux se conservent à -20°

L’importation des cristaux nécessite la maîtrise de la chaîne de froid, puisqu’ils doivent être maintenus à une température de -20°. Les laboratoires Aventis assurent que la matière première sera acheminée dans des conditions excellentes.

Saidal a, pour sa part, réalisé des installations adéquates à Constantine et dans les points de stockages au Centre et à l’Ouest.

Par Saïd Ibrahim , Liberté