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Yves-Thibault de Silguy, Président du Comité Algérie du MEDEF

jeudi 3 juin 2004, par Hassiba

Alors que le ministre français de l’Economie et des Finances, M. Nicolas Sarkozy, effectue vendredi et samedi prochains une visite officielle à Alger, le président du Comité Algérie du MEDEF International et délégué général de Suez, M. Yves-Thibault de Silguy, revient sur les relations économiques franco-algériennes et leur évolution.

Où en est le partenariat économique franco-algérien aujourd’hui ? Comment évolue-t-il ?
Le partenariat franco-algérien en matière économique accompagne le renforcement des liens politiques qui existent entre la France et l’Algérie et il s’inscrit dans le cadre de la politique d’ouverture et de réformes entreprise en Algérie sous la direction du président Bouteflika depuis quelques années. Les entreprises françaises ont manifesté et manifestent un intérêt soutenu et permanent pour le renforcement de cette coopération. En matière commerciale, les échanges progressent, même si du côté algérien ils sont, et c’est normal, encore marqués par une très forte dominante d’exportation des produits pétroliers. En matière d’investissements français en Algérie, on constate une ouverture algérienne et une implication progressive des entreprises françaises. Le cadre juridique en Algérie s’est profondément modernisé au cours de ces dernières années, et les difficultés tiennent aujourd’hui plus à des considérations d’ordre pratique et technocratique ou bureaucratique. A moyen terme, je suis optimiste sur l’évolution en cours parce qu’il y a une ouverture de l’Algérie, qui se manifeste notamment par la signature des accords de libre-échange avec l’Union européenne (UE) et les perspectives sur l’OMC, mais aussi parce que dans les années à venir il va y avoir un épuisement des réserves d’hydrocarbures. Et il faut que l’Algérie trouve des bases nouvelles pour son développement. Elle a donc besoin d’investissements directs ou en partenariat. L’Algérie a également besoin du savoir-faire et de l’expérience des entreprises françaises.

La partie algérienne estime que les investissements français ne sont pas à la hauteur de ce qu’il est attendu ? Cela vous semble-t-il justifié ?
Je ne sens pas de la part des entreprises françaises une volonté de ne pas investir, au contraire.

Mais cette volonté ne se manifeste pas de manière conséquente...
Les entreprises françaises rencontrent un certain nombre de difficultés. Le cadre bancaire et le système financier posent encore des problèmes en Algérie. Il y a des difficultés pratiques dans les domaines foncier, des autorisations, du coût du crédit, dans l’importance de l’économie souterraine... pour ne prendre que quelques exemples. Des difficultés qui sont des obstacles à une explosion de l’investissement français en Algérie. Mais ces contraintes sont, une fois encore, plus des contraintes d’ordre technocratique, bancaire, financière.

Est-ce par absence de volonté politique ?
L’entrée de l’Algérie dans la globalisation est récente. Elle sort d’un régime très planifié, très centralisateur, et on ne peut pas faire abstraction de cela du jour au lendemain. Il faut laisser un peu de temps au temps. Mais cela marche. Castel a investi 100 millions d’euros en moins de deux ans, la Société Générale a repris les parts que détenait El Khalifa Bank dans sa filiale, Michelin a ouvert une usine en Algérie... Il y a aujourd’hui un certain nombre d’expériences et de signaux qui me laissent penser que s’il y a encore des difficultés, il n’y a plus d’échec. L’ensemble des secteurs économiques français qui sont intéressés par l’Algérie connaissent cette situation de mieux en mieux, nouent des relations en Algérie, envisagent des projets et, pour réaliser ces projets, cela prend du temps. Nous essayons de les régler au cas par cas.

Le nombre d’entreprises françaises présentes à la Foire internationale d’Alger (FIA) est un peu plus bas que celui de l’année dernière. Y a-t-il une explication à cela ?
Il y a sûrement des explications, mais elles ne tiennent pas à l’Algérie. Elles tiennent probablement au fait que le contexte économique général des années 2002 -2003 a été difficile et les entreprises ont dû serrer leur budget.

Ce n’est pas un signe de désintérêt...
Non. Pour preuve, au MEDEF, quand nous organisons des missions en Algérie - nous avons fait une au mois de janvier -, nous refusons du monde. Il y a un intérêt très soutenu de la part des entreprises françaises.

Autrement dit, les entreprises françaises ne sont plus dans la phase de la découverte et de la prospection de l’Algérie et de son économie.

Aujourd’hui, les entreprises françaises sont dans une étape plus concrète, celle de trouver les moyens de travailler ensemble. Il y a un très bon contact entre les Français et les Algériens. Pourquoi voulez-vous qu’une entreprise française aille travailler à l’autre bout du monde si elle a la possibilité de travailler en Algérie ?

Quels sont les secteurs d’activité en Algérie qui intéressent plus particulièrement les entreprises françaises ?
L’Algérie a, dans le cadre du plan de relance économique - lancé, il y a deux ans, par le président Bouteflika -, engagé un programme d’investissements publics, notamment dans les domaines des infrastructures au sens large, de la santé et de la consommation.

Quel diagnostic feriez-vous de l’économie algérienne ?
L’économie algérienne a la chance d’avoir la rente pétrolière, une population jeune et abondante, un niveau d’éducation et de formation satisfaisant, des fondamentaux macroéconomiques en termes d’équilibre des finances publiques et d’inflation qui sont bons. En outre, l’économie algérienne fait preuve d’ouverture en signant avec l’UE et en négociant avec l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Elle s’est dotée d’un cadre juridique nouveau adapté au monde actuel. Les difficultés sont liées à la mise en œuvre de ces réformes, au système bancaire qui a besoin d’être modernisé, à l’économie souterraine, au problème du foncier... Il faut en moyenne trois ans pour trouver des bureaux. 45% des entreprises cherchent des terrains... Ces difficultés me paraissent solubles. L’intérêt de l’adhésion de l’Algérie à l’OMC est aussi de créer les conditions pour accélérer la mise en œuvre de la réforme.

Le risque Algérie, bien qu’il ait baissé, reste élevé ? A quoi cela tient-il ?
Le risque terrorisme a baissé sans avoir complètement disparu et, à tort ou à raison, le problème de sécurité est toujours pris en compte, notamment par les PME. Mais cela s’améliore. Le risque tient beaucoup au système bancaire. Tant que celui-ci n’est pas en ligne avec le système bancaire des autres pays, il sera de nature à augmenter le risque pour l’appréciation du pays. Le fait que l’Algérie est très orientée sur les hydrocarbures, c’est un monoproducteur, augmente également ce risque.

Un commentaire à faire sur la visite du ministre français de l’Economie et des Finances vendredi et samedi à Alger...
Je me réjouis que le ministre français de l’Economie et des Finances aille à Alger renforcer et accompagner cet effort et cette volonté des entreprises françaises de travailler plus en Algérie. Il y a un lien fort entre le politique et l’économique. Tout ce que nous avons fait dans le cadre de MEDEF International est dans la ligne des actions politiques entre nos deux pays.

Par Nadjia Bouzeghrane, El Watan