Kateb Yacine : écorché vif génial, complice des humbles
par Mohamed Benrebiai
Le 28 octobre 1989, s'éteignait Kateb Yacine, une figure emblématique de la littérature algérienne de langue française, un personnage et un génie, inclassable, de l'écriture..
Kateb Yacine est né en 1929, à Constantine d'un père, «Oukil« ayant une double culture et d'une mère, douée pour la poésie, »Véritable théâtre en arabe«. Il fréquente l'école coloniale après avoir connu l'école coranique.
Auteur de l'une des oeuvres majeures de son siècle, Nedjma, il a suscité, autant pour sa plume que pour son personnage, admiration et passion que jalousie et médisance.
Beaucoup se souviennent certainement de cet imam égyptien, vivant en Algérie aux frais des contribuables algériens, qui, au comble de son ignorance de ce qu'est réellement «Mohamed prend ta valise», dont le thème a trait à l'immigration, traita Kateb Yacine, à sa mort, de mécréant ne méritant pas d'être enterré en Algérie ! Lui, le digne fils de cette terre, avec l'Algérie dans la peau, et qui, dès l'âge de 16 ans, en 1945, participa aux manifestations de Sétif où il est arrêté et emprisonné pendant quatre mois.
Sa mère, «Yasmina la rose noire», le croyant mort, sombre dans la folie. Il est exclu du collège. Son père l'envoie au lycée de Annaba, ville dans laquelle il rencontre sa cousine, Zouleikha Kateb, transfigurée à jamais en Nedjma, dont il deviendra éperdument amoureux. Le personnage de « Nedjma » hantera toute son oeuvre.
C'est aussi à Annaba, que le premier recueil de poèmes, Soliloques (1946), a paru. Kateb Yacine vouera une grande gratitude à l'éditeur, Carven, au bord de la faillite, mais, qui, séduit par ce jeune poète inconnu, imprima Soliloques. Cependant, le «père spirituel« de Kateb est Mohamed-Tahar Bellounis, alias Si Mokhtar dans Nedjma, personnage haut en couleur de Constantine, qui l'encouragea et en fut le premier distributeur. L'expérience de la prison lui a révélé « les deux choses qui sont les plus chères : la poésie et la révolution ». Proche des milieux nationalistes, il se rapprocha puis adhéra au Parti communiste. Omar Chaalal, un ami de l'écrivain, souligne, pour l'avoir bien connu, «Le génie de Kateb s'est nourri des souffrances de son peuple. Son attachement viscéral à l'Algérie, sa révolte permanente contre l'injustice, son affection pour les humbles, les gens simples, ceux qui vivent de leur sueur, quelles que soient leur race ou leur religion, l'ont amené de façon naturelle au parti communiste algérien. Mais son adhésion n'a rien de dogmatique, je ne me rappelle pas l'avoir vu plus de deux ou trois fois à une réunion de cellule». Lors d'un premier et court voyage en France, il donna, à dix-huit ans, une conférence à Paris sous le titre Abdelkader et l'indépendance algérienne, consacrée à l'Emir Abdelkader. En 1948, il entre au quotidien «Alger Républicain», où il se vit confier des reportages notamment en URSS et en Arabie Séoudite. Il y reste jusqu'en 1951, année durant laquelle il s'exile en France. Kateb Yacine y fait de nombreux petits boulots avant de publier son premier roman.
Omar Chaalal, qui a également collaboré à «Alger Républicain», décrit dans son livre «Kateb Yacine l'homme libre», l'enthousiasme exprimé par Aragon à la lecture de «quelques-uns des manuscrits de Yacine» que lui-même et Bachir Hadj-Ali, lui ont remis, mettant à profit leur mission à Paris pour assister à un congrès d'intellectuels. Cela se passait durant l'année 1950. Résultat : «Les Lettres françaises, le plus grand journal littéraire de France qui fait un numéro spécial sur Kateb Yacine ! Quelle magnifique nouvelle», écrit Omar Chaalal. De 1952 à 1959, il habite à Paris où il rencontre Brecht et côtoie de nombreux écrivains. C'est alors que commence sa collaboration avec Jean-Marie Serreau. En 1955, Le Cadavre encerclé, première pièce de théâtre d'un auteur algérien, paraît dans la revue Esprit. Mise en scène par Jean-Marie Serreau, la pièce est interdite en France. Elle sera montée par Jean-Marie Serreau dans la clandestinité à Bruxelles en 1958.
Kateb publie «Nedjma», en 1956. Le roman qui l'imposa comme «un écrivain majeur de la modernité littéraire en langue française». L'indépendance de l'Algérie proclamée, l'écrivain revient dans son pays en juillet 1962. Son second roman Le Polygone étoilé paraît en 1966. Son voyage au Viêt-Nam, en 1967, lui inspire une pièce de théâtre intitulée L'Homme aux sandales de caoutchouc. En 1967, avec Issiakhem, son ami intime et de combat, ils publient un journal à Alger, «Le Chameau prolétaire». Dès le quatrième numéro, il connaît la censure.
par Mohamed Benrebiai
Le 28 octobre 1989, s'éteignait Kateb Yacine, une figure emblématique de la littérature algérienne de langue française, un personnage et un génie, inclassable, de l'écriture..
Kateb Yacine est né en 1929, à Constantine d'un père, «Oukil« ayant une double culture et d'une mère, douée pour la poésie, »Véritable théâtre en arabe«. Il fréquente l'école coloniale après avoir connu l'école coranique.
Auteur de l'une des oeuvres majeures de son siècle, Nedjma, il a suscité, autant pour sa plume que pour son personnage, admiration et passion que jalousie et médisance.
Beaucoup se souviennent certainement de cet imam égyptien, vivant en Algérie aux frais des contribuables algériens, qui, au comble de son ignorance de ce qu'est réellement «Mohamed prend ta valise», dont le thème a trait à l'immigration, traita Kateb Yacine, à sa mort, de mécréant ne méritant pas d'être enterré en Algérie ! Lui, le digne fils de cette terre, avec l'Algérie dans la peau, et qui, dès l'âge de 16 ans, en 1945, participa aux manifestations de Sétif où il est arrêté et emprisonné pendant quatre mois.
Sa mère, «Yasmina la rose noire», le croyant mort, sombre dans la folie. Il est exclu du collège. Son père l'envoie au lycée de Annaba, ville dans laquelle il rencontre sa cousine, Zouleikha Kateb, transfigurée à jamais en Nedjma, dont il deviendra éperdument amoureux. Le personnage de « Nedjma » hantera toute son oeuvre.
C'est aussi à Annaba, que le premier recueil de poèmes, Soliloques (1946), a paru. Kateb Yacine vouera une grande gratitude à l'éditeur, Carven, au bord de la faillite, mais, qui, séduit par ce jeune poète inconnu, imprima Soliloques. Cependant, le «père spirituel« de Kateb est Mohamed-Tahar Bellounis, alias Si Mokhtar dans Nedjma, personnage haut en couleur de Constantine, qui l'encouragea et en fut le premier distributeur. L'expérience de la prison lui a révélé « les deux choses qui sont les plus chères : la poésie et la révolution ». Proche des milieux nationalistes, il se rapprocha puis adhéra au Parti communiste. Omar Chaalal, un ami de l'écrivain, souligne, pour l'avoir bien connu, «Le génie de Kateb s'est nourri des souffrances de son peuple. Son attachement viscéral à l'Algérie, sa révolte permanente contre l'injustice, son affection pour les humbles, les gens simples, ceux qui vivent de leur sueur, quelles que soient leur race ou leur religion, l'ont amené de façon naturelle au parti communiste algérien. Mais son adhésion n'a rien de dogmatique, je ne me rappelle pas l'avoir vu plus de deux ou trois fois à une réunion de cellule». Lors d'un premier et court voyage en France, il donna, à dix-huit ans, une conférence à Paris sous le titre Abdelkader et l'indépendance algérienne, consacrée à l'Emir Abdelkader. En 1948, il entre au quotidien «Alger Républicain», où il se vit confier des reportages notamment en URSS et en Arabie Séoudite. Il y reste jusqu'en 1951, année durant laquelle il s'exile en France. Kateb Yacine y fait de nombreux petits boulots avant de publier son premier roman.
Omar Chaalal, qui a également collaboré à «Alger Républicain», décrit dans son livre «Kateb Yacine l'homme libre», l'enthousiasme exprimé par Aragon à la lecture de «quelques-uns des manuscrits de Yacine» que lui-même et Bachir Hadj-Ali, lui ont remis, mettant à profit leur mission à Paris pour assister à un congrès d'intellectuels. Cela se passait durant l'année 1950. Résultat : «Les Lettres françaises, le plus grand journal littéraire de France qui fait un numéro spécial sur Kateb Yacine ! Quelle magnifique nouvelle», écrit Omar Chaalal. De 1952 à 1959, il habite à Paris où il rencontre Brecht et côtoie de nombreux écrivains. C'est alors que commence sa collaboration avec Jean-Marie Serreau. En 1955, Le Cadavre encerclé, première pièce de théâtre d'un auteur algérien, paraît dans la revue Esprit. Mise en scène par Jean-Marie Serreau, la pièce est interdite en France. Elle sera montée par Jean-Marie Serreau dans la clandestinité à Bruxelles en 1958.
Kateb publie «Nedjma», en 1956. Le roman qui l'imposa comme «un écrivain majeur de la modernité littéraire en langue française». L'indépendance de l'Algérie proclamée, l'écrivain revient dans son pays en juillet 1962. Son second roman Le Polygone étoilé paraît en 1966. Son voyage au Viêt-Nam, en 1967, lui inspire une pièce de théâtre intitulée L'Homme aux sandales de caoutchouc. En 1967, avec Issiakhem, son ami intime et de combat, ils publient un journal à Alger, «Le Chameau prolétaire». Dès le quatrième numéro, il connaît la censure.
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