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Vers la sauvegarde du patrimoine culturel et architectural en Algérie

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  • Vers la sauvegarde du patrimoine culturel et architectural en Algérie

    En Algérie, au-delà des remous affectant certaines structures de l’administration de la culture- à l’image du départ d’Amine Zaoui de la direction de la Bibliothèque nationale et de quelques anachronismes grevant le Salon international du livre d’Alger -, on ne peut que se réjouir de l’intérêt que les autorités publiques commencent à apporter à la réhabilitation de certains édifices ayant une valeur culturelle ou historique intimement liée à l’histoire du pays et de la société.

    Une fois n’est pas coutume, l’un de ces sites se trouve être la basilique Notre-Dame d’Afrique dominant la baie d’Alger sur les hauteurs de Bouzaréah. En effet, ce lieu de culte chrétien dépasse largement sa vocation originelle strictement liturgique pour se fondre dans la mémoire de la ville d’Alger. Depuis les premiers chantiers, lancés par l’évêque Pavy en 1858 sur la base de plans architecturaux de type byzantin conçus par Fromageau, jusqu’à nos jours, “Madame l’Afrique” - selon la belle et savoureuse contorsion que son nom a subie dans le langage algérois - fait partie intégrante du décor et du paysage de la capitale.

    Sa position géographique privilégiée la mettant en saillie par rapport aux quartiers populaires de Bab El Oued et Bologhine n’a fait que lui attirer un intérêt redoublé des touristes nationaux et étrangers, et ce malgré les années d’horreur qui ont mis temporairement un bémol à son orgue. Désertée par les visiteurs, oubliée des regards, ce n’est qu’à la faveur du projet de réhabilitation de son édifice que la basilique commence à faire parler d’elle. En effet, la wilaya d’Alger s’est associée avec la Commission européenne, le Conseil général des Bouches-du-Rhône, la région Provence-Alpes-Côte-d’Azur et l’État français dans une convention qui les engagent à rafraîchir et rénover cette ‘’dame’’ - légèrement ébranlée par le séisme de 2003 - avec un budget de 5 millions d’euros. Les travaux s’étaleront jusqu’à 2011.

    Un autre projet de nature analogue a été conçu en 2007 par la Direction des Affaires religieuses d’Oran avec l’ambassade des États-Unis d’Amérique pour la restauration de la vieille mosquée d’El Pacha représentant un des précieux vestiges de la période ottomane dans la capitale de l’Ouest. Ces actions de restauration et de réhabilitation de vieux sites et de séculaires édifices sont effectivement d’une certaine complexité technique qui exige l’association de diverses compétences pour les mener à bien dans le respect du cachet originel et de la vocation des objets à restaurer.

    En Kabylie maritime, c’est le site romain de Tigzirt qui est inscrit à l’indicatif de la direction de la Culture de la wilaya pour être restauré selon les normes techniques modernes. À Sour El Ghozlane, les services concernés ont puisé dans le budget spécial Hauts Plateaux pour réhabiliter l’amphithéâtre romain, les remparts coloniaux de la ville construits en 1854 et le mausolée de Takfarinas perché sur une butte dans la commune d’El Hakimia.

    La preuve par l’action sur le terrain

    Malgré le caractère officiel et solennel dont sont empreints des festivals comme celui de Timgad ou d’“Alger, capitale de la culture arabe”, ils ne peuvent reléguer au second plan les autres activités et projets culturels pris en charge par les directions de wilaya ou, mieux encore, par les associations culturelles qui se sont investies à fond dans la réhabilitation de pans entiers de notre patrimoine. L’on ne peut en effet malgré le climat ambiant de morosité et de démission morale caractérisant le paysage culturel de notre pays, faire l’impasse sur les efforts- d’autant plus méritoires qu’ils se déploient dans un environnement d’hostilité et d’adversité patentes- que sont en train de fournir certains acteurs (personnalités indépendantes, associations ou pouvoirs publics) pour redonner à la culture ses lettres de noblesse. Que cela se fasse dans un anonymat temporaire qui, soyons sûrs, prendra fin avec l’émergence de bonnes volontés pour rendre “visible” le produit, ou qu’il ait pour cadre de réalisation des structures publiques officielles gagnées-grâce à la qualité des hommes qui les dirigent- par l’amour des arts et la passion de la défense du patrimoine culturel du pays, le produit qui en sera issu ne peut que profiter à la communauté et à l’enrichissement de ses repères identitaires.

    Le Salon international du livre qui se tient actuellement à Alger constitue un événement pour les professionnels du livre et les quelques “oiseaux rares” que sont les lecteurs assidus, passionnés par la suave graphie des mots, la musicalité des phrases et les galbe des images qui en émanent. Il n’y a pas lieu de faire cas ici des faux aristocrates et des béotiens qui remplissent des vaisseliers de livres qu’ils appellent bibliothèques. Victor Hugo a eu pour eux cette infamante réflexion : "Il y a des gens qui ont une bibliothèque comme les eunuques ont harem". Pour cette raison et pour bien d’autres encore, ce Salon ne constitue nullement un test pour jauger le degré de développement de la lecture en Algérie.

    Ce sont les tares et les dérives de la société algérienne - faites d’un intégrisme religieux ayant happé de larges pans de notre jeunesse et d’un nationalisme ombrageux dont les excès politiciens se retrouvent au sein de l’école algérienne - qui viennent poursuivre leurs surenchères et leur combat de gladiateurs dans une arène, le Sila, destinée théoriquement au ressourcement culturel et à l’inspiration intellectuelle. Dans la pratique, la problématique du livre en Algérie dépasse largement le cadre d’une manifestation conjoncturelle aussi fastueuse soit-elle.

    Les limites objectives du Salon du livre

    Le socle primordial censé former le lecteur algérien n’existe pratiquement plus dans le pays. Hormis la génération des 35-50 ans qui a pu profiter des graines semées au lendemain de l’Indépendance, l’école publique s’est recroquevillée sur des programmes secs, sans âme et qui n’ont pas de prolongement dans la vie et la psychologie des élèves.

    Les morceaux choisis de lecture et les lectures dirigées sont réduits à la portion congrue et ont évacué les auteurs qui ont ému et fait rêver les premières générations. Le renouvellement de la matière au fil des années n’a plus de fil conducteur et s’aventure dans des thèmes qui n’accrochent plus l’élève. Quand pourra-t-on avoir de nouveaux textes qui transmettent les beautés et les interrogations du monde moderne comme ceux intégrés dans les livres de lecture en France : poèmes de Georges Brassens, de Brel, actualités extraites de la presse écrite, etc. ? Quand pourra-t-on établir des passerelles entre les programmes d’histoire, de géographie, de sciences naturelles et les contenus des livres de lecture pour ouvrir l’esprit de l’élève à la polyvalence, à l’universalité de la culture et à l’idée de l’unité de l’homme et du monde ?

    Hors de l’école, c’est le désert le plus terrifiant. Les moyens audiovisuels, à commencer par la télévision, ont carrément anesthésié les capacités et les volontés de lecture. Après une hibernation de plus de 20 ans, l’idée des bibliothèques communales refait surface au ministère de la Culture. Le programme des Hauts Plateaux leur réserve un budget conséquent.

    Dans un climat de désert culturel comme celui dans lequel évolue actuellement la jeunesse algérienne et dans l’ambiance stérile où baigne l’école publique - qui n’arrive à former ni de passionnés lecteurs, ni d’invétérés mélomanes, ni des mordus du cinéma et du théâtre -, on ne peut franchement se gargariser d’avoir un personnel formé pour diriger et animer ces grandes infrastructures ni un public averti et assidu au point d’en faire sa “seconde résidence”.

    Le Salon du livre est certainement une bonne chose ; une occasion surtout de faire le constat de nos retards et de nos déficits en la matière. Prolonger le Salon par une véritable politique du livre et par une nouvelle stratégie de l’éducation qui fasse de la lecture son cheval de bataille serait encore plus salutaire.

  • #2
    Un vaste chantier

    L’Algérie constitue à l’évidence un vaste territoire riche de ses vestiges allant de la période préhistorique jusqu’à la colonisation française, en passant par la civilisation berbéro-romaine, les dynasties musulmanes du Maghreb central et les vestiges turcs. De nombreux lieux de culte, des cimetières, des mausolées et des cités entières attendent qu’un geste des pouvoirs publics vienne les sauver non seulement de l’oubli, mais surtout des mains criminelles qui ne cessent de les saccager et de les effacer de la mémoire culturelle du pays. Les exemples ne manquent pas. Des personnalités et des associations se sont élevées contre les dégradations du site de Timgad qui surviennent à chaque édition du festival annuel qui se tient dans cette ville. Les ruines du village de Djouab, dans la wilaya de Médéa, abritant l’histoire de l’antique Rapidi, bastion de Takfarinas, sont tout simplement en état de ruine du fait qu’aucune prise en charge scientifique de ce legs n’y a été réalisée. Dans le meilleur des cas, ce genre de site et d’infrastructure demeurent des éléments du patrimoine laissés à l’abandon et plongés dans un superbe anonymat. La revalorisation de la mémoire culturelle et historique du peuple algérien ainsi que les possibilités d’investissement touristique autour de ces valeurs ont été longtemps obérées par l’ignorance, l’incompétence et l’esprit de rente.

    De même, le troisième Festival des cultures et civilisations des peuples des Déserts que l’Algérie avait organisé en 2007 a été un carrefour d’échanges et d’interactions culturelles entre des peuples anciennement séparés- et que l’on voudrait aujourd’hui voir réunis- par ces océans de sables, de regs et d’ergs. Réunis autour de valeurs culturelles humanistes fondées sur le rétablissement des équilibres écologiques, rompus par une soi-disant modernité d’apparat qui fait fi des richesses naturelles et des dimensions culturelles des peuples autochtones.

    L’année dernière, l’Association culturelle “L’Étoile culturelle’’ d’Akbou avait rendu un bel hommage au grand poète Aït Menguellet qui continue, malgré la baisse d’écoute en matière de poésie et de chanson à texte, à semer la bonne parole, l’invitation à la réflexion et l’espoir.

    Depuis le début de la semaine en cours, c’est la chanson kabyle qui s’invite dans des journées d’étude qui lui sont consacrées à Béjaïa. L’apport d’un homme de culture de l’envergure de Ben Mohammed pour cette manifestation devrait être hautement apprécié par les participants et par tous ceux qui suivent de près le domaine de la poésie chantée en kabyle. Lorsque la société civile sait s’approprier complètement, de leur vivant et non après leur mort, les consciences culturelles de la communauté, l’espoir est certainement permis que le brouillard ayant entaché les repères de la société s’effilochent peu à peu. En tout cas, ce sont des gestes qui comptent. On ne le répétera jamais assez : l’équilibre de l’individu et de la société tout entière repose d’abord sur la mémoire collective que l’esprit rentier a voulu scotomiser et dilapider dans une entreprise lucrative d’abjecte cupidité. Il n’y a pas un seul mois où les services de sécurité n’arrêtent des vandales ou des voleurs de pièces archéologiques qu’ils destinent au commerce illégal, voire même à l’exportation frauduleuse. La culture sera-t-elle candidate à une sérieuse prise en charge en dehors des festivals et des célébrations conjoncturelles ?

    Par Amar Naït Messaoud, La Dépêche de Kabylie

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