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Congo: Massacre à Kiwandja

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  • Congo: Massacre à Kiwandja

    Pour prendre l'exacte mesure de la tuerie qui a eu lieu à Kiwandja entre mercredi 5 et jeudi matin 6 novembre, il faudrait passer chaque quartier, voire chaque habitation de la bourgade du Nord-Kivu au crible, tant les morts y sont nombreux et dispersés. Mais il est évident que la petite localité de l'est de la République démocratique du Congo (RDC) a subi un ratissage sanglant. L'essentiel de la responsabilité en incombe aux rebelles du Congrès national pour la défense du peuple (CNDP) du général Laurent Nkunda, composé en grande partie d'éléments tutsis et engagé depuis la veille, face à un ennemi souvent en civil, dans la reconquête de quartiers hostiles, habités par de nombreux Hutus congolais.

    Dans une minuscule maison du quartier de Mabongo II, les morts appartiennent, selon des voisins apeurés, à la même famille : deux adultes, un enfant, deux adolescents. Sur quelques centaines de mètres, d'autres cadavres sont dissimulés dans d'autres maisons. Surtout des hommes, jeunes. Mais aussi une femme. Plus loin, un vieillard avec une balle dans la tête.

    En fin de journée, plusieurs journalistes ayant pénétré dans Kiwandja avaient recensé une dizaine de morts, chacun de leur côté (seize dans le cas du Monde) dans deux quartiers. L'étendue de l'agglomération interdisait de considérer ces chiffres comme définitifs. Un habitant de la ville, seul rescapé d'une famille, affirme avoir été épargné par les soldats "pour aller dire aux autres de ne pas rejoindre les maï-maï dans la forêt" où se trouvent le maquis de ces guerriers traditionnels alliés du pouvoir central.

    CASQUES BLEUS CLAQUEMURÉS

    Mercredi, le CNDP avait lancé une offensive pour reprendre Kiwandja aux maï-maï appuyés par des groupes de FDLR (rebelles hutus rwandais) et des éléments des forces gouvernementales qui en avaient pris le contrôle la veille, et se fondaient dans la population. Ordre avait été donc été donné aux habitants d'évacuer la ville, faisant de tout traînard un ennemi potentiel.

    En ville, le major Muhire, conseiller en matière de sécurité de Laurent Nkunda, ne cherche pas à minimiser les pertes. Il reconnaît n'avoir fait aucun prisonnier mais affirme que seuls des "malintentionnés", les combattants, ont été tués. "Le nombre de morts que j'ai pu voir moi-même sur le champ de bataille dépassait la cinquantaine", affirme-t-il, tout en insistant sur l'hostilité de Kiwandja où, selon lui, "tous les magasins appartiennent à des maï-maï ou à des FDLR". Un autre officier du CNDP, interrogé par un reporter de Radio France internationale, a estimé que la rébellion avait tué "plus de deux cents" personnes.

    Jeudi soir, une porte-parole de la mission de l'ONU en RDC (Monuc) se disait "extrêmement préoccupée" par les rapports qui lui arraivaient. Elle évoquait "des exactions graves contre des civils, y compris des exécutions sommaires".

    Pendant ce temps, la vaste majorité de la population de la ville errait à la recherche d'un abri pour une nouvelle nuit à la belle étoile, sans eau, sans nourriture, sans toilettes, ni aide extérieure, à commencer par celle que les Nations unies auraient pu leur apporter. Dès les premiers combats, les casques bleus se sont claquemurés dans leur base, déployant leurs hommes à l'intérieur, arme en main, prêts à ouvrir le feu sur quiconque, au sein de la population, tenterait de pénétrer dans leur enceinte protégée des barbelés. Les exactions des maï-maï et le ratissage sanglant des soldats du CNDP ont eu lieu à quelques centaines de mètres à vol d'oiseau de leur camp.

    Dans le centre de santé protestant CBK, non loin du centre, une poignée d'infirmiers, hommes et femmes, ont décidé de rester coûte que coûte pour soigner les blessés et les évacuer vers l'hôpital de Rutshuru, à 4 km. Dans sa blouse blanche maculée, l'un d'entre eux explique : "Si des mamans viennent donner naissance, on ne peut pas les laisser accoucher toutes seules, par terre." Comme tous ceux qui pratiquent autour de lui cet héroïsme discret, l'homme se met à trembler de colère en évoquant les ONG internationales qui ont fui la ville dès les premières difficultés, abandonnant la population à elle-même. "Ils ont tous pris fuite, sauf Médecins sans frontières ! Si j'étais au gouvernement, j'interdirais à ces gens de revenir ici."

    Par le Monde
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