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Les tailleurs de pierre en quête de statut en Algérie

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  • Les tailleurs de pierre en quête de statut en Algérie

    Les tailleurs de pierre exercent leur métier en dehors de toute réglementation ni statut qui puisse leur garantir une retraite.

    La pierre bleue, ou précisément la pierre d’Ath Mansour ne cesse d’attiser les convoitises. Il n’y a pas une seule des luxueuses villas, qui n’orne sa façade de la célèbre pierre bleue.

    À Alger, Oran, Bouira, Tizi Ouzou ou Annaba, pour ne citer que ces wilayas, les nantis préfèrent cette pierre pour le charme qu’elle ajoute aux bâtisses. Outre le domaine de la construction, elle est aussi très recherchée comme pierre tombale.

    Aussi, tout le monde a entendu parler de la région d’Ath Mansour, rien que pour le commerce de la pierre. Mais ce qui reste toujours loin des regards, c’est l’artisan ouvrier qui extrait, taille et ensuite commercialise sa marchandise. Des centaines, voire des milliers de personnes qui contribuent, en s’usant, à enjoliver les villas et faire le bonheur des riches. Depuis des dizaines d’années, les conditions dans lesquelles travaillent ces tailleurs ne s’améliorent pas. Et ce, malgré les incessants appels qu’ils ont lancé aux autorités locales.

    Le métier de tailleur de pierre existe encore. Dans la commune d’Ath Mansour, une localité située à une quarantaine de kilomètres à l’extrême-est de la wilaya de Bouïra, des milliers de personnes ont fait de cette besogne leur unique source de revenus.

    A quelques encablures seulement du chef-lieu de la commune, des dizaines de parcs sont aménagés aux abords de la RN05 par des particuliers, pour exposer leur marchandise. De la pierre bleue de différentes formes, des morceaux taillés sous forme de briques et des plaques de 1 à 2 m², selon les commandes faites par les acheteurs. Par le passé, ce métier, tel que transmis par l’histoire des civilisations anciennes, était réservé aux forçats et aux esclaves. Aujourd’hui, il ne suscite aucunement l’indignation. Bien au contraire, l’homme le choisit de son propre gré. Ce qui l’attire à prendre le marteau et se mettre à exécuter la plus pénible des tâches, ce n’est pas le fait que cela rapporte beaucoup d’argent, mais c’est l’unique solution pour sortir de l’ornière du chômage et subvenir aux besoins de sa famille. Cela fait partie de la guerre que l’homme, à travers le monde et l’histoire, a déclaré contre la faim et la misère. Une guerre qui s’annonce déjà perdue, puisqu’au jour d’aujourd’hui, la profession se poursuit sous sa forme la plus anarchique.

    Châtiment hier et gagne-pain aujourd’hui

    L’Algérie, comme tous les pays du monde, ne déroge point à la règle. Des centaines, voire des milliers de familles végètent, à ce jour, dans cette activité, que des hommes, soucieux de nourrir leurs enfants, et d’échapper aux griffes de la misère, entretiennent au détriment de leur santé. Les tailleurs de pierre exercent leur métier loin de toute réglementation, ni statut leur garantissant une retraite bien méritée après avoir dépensé toute leur sève et leur force. Voire toute leur vie.

    Des années se sont écoulées et les responsables continuent de tourner le dos à cette tranche de la société.

    Ils sont plusieurs à se trouver actuellement sans travail. Des anciens tailleurs de pierre d’Ath Mansour, qui ont tiré bénéfice de ce métier durant de longues années, n’ont aujourd’hui que le mauvais souvenir d’une époque où toute leur jeunesse et leur force ont été sacrifiées pour leur raison de vivre. A.Saïd, un ancien professionnel de la pierre taillée, a réussi à décrocher le poste d’agent de sécurité dans un établissement scolaire de la région, et ce, après plus de deux décennies, toutes vouées au travail de la pierre. Agé de 51 ans, Saïd raconte cette tranche de vie qu’il a passée entre «Tassedart», endroit où on extrait la pierre, se trouvant au coeur de la forêt, à quelques kilomètres au sud de la commune d’Ath Mansour, et «Dallas», la région qui se situe juste avant le chef-lieu de la commune, et abritant des dizaines de parcs, où sont exposées des tonnes de pierre bleue. «J’ai travaillé la pierre pendant plus d’une vingtaine d’années, j’étais parmi les premiers qui ont eu l’idée de commercialiser la pierre taillée en aménageant des aires le long de la RN05, cela remonte aux années 70», raconte Saïd. Au départ, la pierre est vendue sans être taillée. La nouvelle méthode de commercialiser le produit sous la forme la plus attirante revient à une autre personne, «Boubkeur», un homme qu’on n’a pu joindre lors de notre visite dans cette commune.
    Mais, les autres, ses collègues d’autrefois témoignent, en sa faveur, qu’il est le premier dans la région à qui revient l’idée de vendre la pierre taillée. «C’est à ce moment-là que les gens, qui travaillent à ´´Tasseddart´´, ont eu cette nouvelle option d’aménager des aires proches des deux côtés de la RN05, et depuis, le lieu a une renommée nationale comme marché de la pierre bleue», ajoute Saïd.

    Si ce dernier a réussi à dénicher un travail qui lui épargne tout effort physique et gagner sa vie, ses amis, eux, n’ont par encore trouvé le saint à qui se vouer. Avoir une fiche de paie et une carte d’assurance devient un rêve parmi les mille et un rêves impossibles. «Quel intérêt pouvait-on avoir, après toutes ces années où nous avons travaillé pour améliorer notre situation et nous y voilà à la case départ!», s’interroge un sexagénaire qui a consacré près de la moitié de sa vie au travail de la pierre. «C’était la période la plus difficile qu’un homme ait pu vivre. A ce moment-là nous n’avions pas d’autres choix pour travailler, donc se lancer dans le métier de l’extraction de la pierre puis la tailler, c’était pour des milliers de personnes la seule occupation.

    Faute d’emploi», enchaîne-t-il. Et d’ajouter que «pour pouvoir survivre aujourd’hui, ce sont nos enfants qui ont pris la relève. Nous n’aimerions en aucune manière qu’ils soient héritiers de ce métier, mais c’est la vie. On a atteint le cap, travailler ou mourir de faim», a-t-il ajouté. C’est ainsi que va la vie de ces tailleurs de pierre d’Ath Mansour, un métier qui se transmet de père en fils et devient de plus en plus une tradition, une histoire de famille. La situation risque de se maintenir encore des années, si les officiels n’écoutent pas de la bonne oreille, les revendications de ces artisans oubliés.

    Un métier en quête de statut

    A Dallas, le célèbre marché de la pierre se trouve à un kilomètre avant d’arriver au chef-lieu de la commune. Le soleil était à son paroxysme et les lieux sont désertés. Il n’y reste que les tas de pierre qui occupent les deux côtés de la RN 05. «A cette heure-ci, personne n’y travaille, il faudrait y arriver tôt le matin ou bien, en fin d’après-midi», nous ont-ils dit. Quand même, nous nous y sommes rendus.

    A notre arrivée, nous avons rencontré un jeune tailleur, le seul, d’ailleurs, qui travaillait à ce moment-là. Sous l’olivier d’à côté, petit marteau à la main, il taille une pierre. «C’est un travail difficile, mais, du moment qu’on n’a pas autre chose à faire, vaut mieux la pierre que le chômage», dit-il. Beaucoup de jeunes sont en chômage dans cette localité. «Nous demandons aux autorités de nous aider à avoir un statut d’artisan, comme ça on aurait une chance de continuer à travailler, quoique péniblement, mais, pourvu que nous trouvions de quoi subvenir aux besoins de nos familles», ajoute-t-il en continuant de tailler la pierre.

    Depuis presque un demi-siècle, ces tailleurs de pierre sont exposés aux différents risques. Une simple fausse manoeuvre de marteau pourrait provoquer de grandes blessures, lesquelles parfois finissent par être un handicap. Et dans ce cas, que va-t-il faire cet artisan qui n’a que cette besogne, laquelle avait fait vivre des générations, si sa situation ne s’améliorait pas?

    Par l'Expression
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