Les Algériens ne peuvent pas nous dire : “négociez, mais à condition que vous soyez prêts à tout perdre”. Les négociations, ça ne marche pas comme la roulette russe.
“L’élection de Barack Obama à la présidence des Etats-Unis est pour nous un motif d'espoir”, a déclaré Mohamed Abdelaziz. Ah, et pourquoi donc ? Parce que, dit le chef du Polisario, “il s’intéressera plus que ses prédécesseurs à la question sahraouie, dernière colonie en Afrique, continent dont il est originaire”. Mouais. Et il s’intéressera plus à l’Asie
aussi parce qu’il a été à l’école en Indonésie, et aux îles tropicales parce que ça lui rappellera Hawaï… Brave Abdelaziz. Cet homme ne rate aucune occasion pour espérer en vain. La vérité, c’est que l’élection d’Obama, pour enthousiasmante qu’elle soit à un niveau global, n’aura sans doute aucune répercussion sur le Sahara.
Oui, l’administration Bush a soutenu notre plan d’autonomie. Mais elles n’est pas allée plus loin. Où voudriez-vous qu’elle aille ? Jusqu’à faire pression sur l’Algérie et le Polisario pour qu’ils acceptent notre solution ? Bush ne l’a pas fait, Obama ne le fera pas. Pour faire vite, le dossier Sahara, vu de l’étranger, est une équation à somme nulle : si on contente le Maroc, on mécontente l’Algérie, et vice-versa. Il se trouve que nos poids géostratégiques sont comparables et que pour cette raison, aucune puissance étrangère (les Etats-Unis notamment) n’a envie de mécontenter personne. C’est aussi bête que ça.
Si cette histoire doit avancer un jour, ce sera par des négociations directes – à condition que chacune des parties soit prête à renoncer à quelque chose. C’est tout l’esprit du plan marocain, justement : le Maroc est prêt à concéder diverses choses (la gestion centralisée depuis Rabat, une grosse partie des ressources naturelles, on en oublie…), mais pas à renoncer à sa souveraineté symbolique (la monnaie et le drapeau). Considérations patriotiques mises à part, la monnaie et le drapeau sont, dans une stricte optique de négociations, les moindres des choses auxquelles on puisse s’accrocher. Si on les perd, on perd tout le reste. Une partie ne peut pas dire à l’autre : “D’accord, négocions, mais à condition que vous soyez disposés à tout perdre”. La négociation, ça ne marche pas comme la roulette russe.
Alors, qu’est-ce qu’on fait ? Je l’ai écrit maintes fois dans ce même éditorial : on fait l’autonomie tout seuls, sans demander l’avis de personne. Mais on la fait vraiment, sérieusement et de bonne foi. On met en place des structures d’auto-gouvernance (Parlement, justice et gouvernement locaux), une nouvelle allocation des ressources qui permette aux Sahraouis de profiter de leur poisson, de leurs phosphates… Et, surtout, on met le Sahara au niveau de Casa-Rabat en termes de libertés publiques. Ce n’est pas le Pérou, sachant que nous autres, en haut, on ferraille toujours contre le Makhzen pour moult raisons. Mais enfin, si les Sahraouis sentent qu’ils ne sont pas plus brimés que les Casaouis, ce sera déjà un pas de franchi. Ces gens, on ne le répètera jamais assez, ont soif de dignité et d’égalité. Ce qu’ils ne peuvent pas supporter c’est de se sentir méprisés, réduits à la condition de “sous-citoyens”. On les comprend, et on souhaite que Rabat finisse par les comprendre aussi.
Bien sûr, il ne s’agit pas non plus de les favoriser. Si le Sahara doit avoir un nouveau statut plus avantageux, il est souhaitable que les autres régions du Maroc y aient droit aussi. D’où l’option du fédéralisme, qui revient régulièrement dans le débat. Mohammed VI, dans son dernier discours, a parlé d’une “conception générale de la régionalisation” qui nécessitera une “réforme structurelle globale”. Dommage qu’il n’ait pas lâché le mot “fédéralisme” franchement – encore une occasion perdue de frapper les esprits avec un mot qui claque. Mais bon, c’est le style M6, que voulez-vous. Espérons juste que la timidité rhétorique du roi ne l’empêchera pas d’avancer vite et bien sur ce dossier. Sinon, pour les sorties rêveuses de notre ami Abdelaziz, on est toujours preneurs. Ça fait passer le temps.
TelQuel Magazine
“L’élection de Barack Obama à la présidence des Etats-Unis est pour nous un motif d'espoir”, a déclaré Mohamed Abdelaziz. Ah, et pourquoi donc ? Parce que, dit le chef du Polisario, “il s’intéressera plus que ses prédécesseurs à la question sahraouie, dernière colonie en Afrique, continent dont il est originaire”. Mouais. Et il s’intéressera plus à l’Asie
aussi parce qu’il a été à l’école en Indonésie, et aux îles tropicales parce que ça lui rappellera Hawaï… Brave Abdelaziz. Cet homme ne rate aucune occasion pour espérer en vain. La vérité, c’est que l’élection d’Obama, pour enthousiasmante qu’elle soit à un niveau global, n’aura sans doute aucune répercussion sur le Sahara.
Oui, l’administration Bush a soutenu notre plan d’autonomie. Mais elles n’est pas allée plus loin. Où voudriez-vous qu’elle aille ? Jusqu’à faire pression sur l’Algérie et le Polisario pour qu’ils acceptent notre solution ? Bush ne l’a pas fait, Obama ne le fera pas. Pour faire vite, le dossier Sahara, vu de l’étranger, est une équation à somme nulle : si on contente le Maroc, on mécontente l’Algérie, et vice-versa. Il se trouve que nos poids géostratégiques sont comparables et que pour cette raison, aucune puissance étrangère (les Etats-Unis notamment) n’a envie de mécontenter personne. C’est aussi bête que ça.
Si cette histoire doit avancer un jour, ce sera par des négociations directes – à condition que chacune des parties soit prête à renoncer à quelque chose. C’est tout l’esprit du plan marocain, justement : le Maroc est prêt à concéder diverses choses (la gestion centralisée depuis Rabat, une grosse partie des ressources naturelles, on en oublie…), mais pas à renoncer à sa souveraineté symbolique (la monnaie et le drapeau). Considérations patriotiques mises à part, la monnaie et le drapeau sont, dans une stricte optique de négociations, les moindres des choses auxquelles on puisse s’accrocher. Si on les perd, on perd tout le reste. Une partie ne peut pas dire à l’autre : “D’accord, négocions, mais à condition que vous soyez disposés à tout perdre”. La négociation, ça ne marche pas comme la roulette russe.
Alors, qu’est-ce qu’on fait ? Je l’ai écrit maintes fois dans ce même éditorial : on fait l’autonomie tout seuls, sans demander l’avis de personne. Mais on la fait vraiment, sérieusement et de bonne foi. On met en place des structures d’auto-gouvernance (Parlement, justice et gouvernement locaux), une nouvelle allocation des ressources qui permette aux Sahraouis de profiter de leur poisson, de leurs phosphates… Et, surtout, on met le Sahara au niveau de Casa-Rabat en termes de libertés publiques. Ce n’est pas le Pérou, sachant que nous autres, en haut, on ferraille toujours contre le Makhzen pour moult raisons. Mais enfin, si les Sahraouis sentent qu’ils ne sont pas plus brimés que les Casaouis, ce sera déjà un pas de franchi. Ces gens, on ne le répètera jamais assez, ont soif de dignité et d’égalité. Ce qu’ils ne peuvent pas supporter c’est de se sentir méprisés, réduits à la condition de “sous-citoyens”. On les comprend, et on souhaite que Rabat finisse par les comprendre aussi.
Bien sûr, il ne s’agit pas non plus de les favoriser. Si le Sahara doit avoir un nouveau statut plus avantageux, il est souhaitable que les autres régions du Maroc y aient droit aussi. D’où l’option du fédéralisme, qui revient régulièrement dans le débat. Mohammed VI, dans son dernier discours, a parlé d’une “conception générale de la régionalisation” qui nécessitera une “réforme structurelle globale”. Dommage qu’il n’ait pas lâché le mot “fédéralisme” franchement – encore une occasion perdue de frapper les esprits avec un mot qui claque. Mais bon, c’est le style M6, que voulez-vous. Espérons juste que la timidité rhétorique du roi ne l’empêchera pas d’avancer vite et bien sur ce dossier. Sinon, pour les sorties rêveuses de notre ami Abdelaziz, on est toujours preneurs. Ça fait passer le temps.
TelQuel Magazine
Commentaire