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Le crépuscule de l'automobile américaine : La chute d'un géant

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  • Le crépuscule de l'automobile américaine : La chute d'un géant

    On entend et on lit désormais aux Etats-Unis des choses inconcevables il y a peu. Des choses comme : "L'automobile était le symbole de l'American Way of Life. Or ce mode de vie s'est avéré être une catastrophe. Il faut absolument changer notre façon d'être et de consommer" (Michael Robinet, vice-président d'une société de conseil spécialisée dans l'industrie automobile). Ou encore : "Par philosophie, je suis contre l'interventionnisme de l'Etat. Mais là, il faut mettre ses idées de côté, sinon, sans fonds publics, c'est la fin, et pas seulement de l'automobile" (David Cole, président de CAR, la première société d'études américaine sur l'automobile).

    On entend aussi le contraire : débloquer des fonds d'Etat pour sauver les constructeurs américains de la faillite reviendrait à "jeter notre argent au feu". Car attendre d'eux qu'ils accèdent aux nouvelles exigences du marché et de l'environnement, "vu leur bilan, c'est aussi ridicule que demander aux fabricants de cigarettes de lutter contre le cancer" (David Yermack, professeur de finances à l'université de New York, dans le Wall Street Journal du 15 novembre).

    Stupéfaits ou désemparés, rageurs ou désabusés, les Américains assistent à ce qui hier encore semblait impensable : l'effondrement possible d'une de leurs gloires à l'aura longtemps inaltérable, la voiture américaine.

    Dans la salle d'attente de CSM Worldwide, la société où travaille M. Robinet, un seul livre trône sur la table basse. Un album intitulé Ces voitures que les Européens n'ont jamais construites. Celles d'un temps où l'automobile américaine avait le triomphe peu modeste. L'album regorge de photos de vieilles Cadillac, de Buick, de Chevrolet, des merveilles de design au profilage extravagant et aux couleurs criardes. Le rêve américain sur quatre roues.

    A l'époque, ses constructeurs ne se prenaient pas pour les rois du monde, ils l'étaient. Dans l'Amérique-monde du véhicule, les Européens, eux, n'existaient pas. Aucun autre n'existait, d'ailleurs. A ce jour encore, Volkswagen ne représente toujours que 3,2 % du marché intérieur des Etats-Unis; Mercedes 1,7%, Volvo 0,5%. Mais, depuis, les Asiatiques ont réussi : Toyota (16,8 % de parts de marché), Honda, Nissan, Hyundai et autres vendent désormais 42,9 % des véhicules que conduisent les Américains. Les "Trois de Detroit" (D3) – comme on appelle General Motors, Ford et Chrysler – détiennent désormais moins de la moitié de leur propre marché. Pire, mondialement, les Européens sont encore là. Les constructeurs américains, eux, ont un pied dans la tombe.

    MORGUE ET AVEUGLEMENT

    Chacun y va de son explication, pointe les responsabilités. Neal Boudette, chef du bureau du Wall Street Journal au Michigan, évoque la morgue et l'aveuglement. Longtemps, les D3 ont méprisé la capacité des Asiatiques à conquérir leur marché. Ils ont aussi "tout misé sur un seul produit" qui les enrichissait au-delà de toute raison : les véhicules utilitaires (SUV) et les 4×4, très gourmands en carburant. Surtout, ils n'ont pas compris la modification du rapport de leurs concitoyens à la notion de sécurité après le 11-Septembre. "Quand sont apparues des publicités négatives du type Jésus conduirait-il un 4×4 ? , ils n'ont pas voulu voir le danger, l'évolution des modes de consommation." Lorsque le baril a atteint 150dollars, il était trop tard.

    M. Robinet remonte à plus loin, au premier choc pétrolier. Bien sûr, les constructeurs auraient dû anticiper les difficultés, prendre le tournant écologique. Mais les politiques ont leur part de responsabilité. "Il y a eu une faillite du leadership. Aucun gouvernement n'a voulu taxer l'essence lourdement, comme les Européens. Nous, Américains, avons continué de vivre dans le déni de la valeur réelle de l'énergie. Et, aujourd'hui, nos consommateurs sont bien plus sensibles à l'environnement. Ils veulent des véhicules que nos constructeurs ne produisent pas."

    David Cole, fils d'un ex-PDG de General Motors, est le seul à défendre les constructeurs nationaux : "Dans une économie de marché, on ne peut blâmer des entrepreneurs d'être allés là où était le profit. Si faute il y a eu, c'est celle des gouvernants." Mais, au fond, les responsabilités apparaissent de peu d'importance : les profits se sont évanouis, les pertes sont abyssales, le secteur doit d'abord survivre. Il faut être un financier de New York, ou un sénateur de l'Alabama comme Richard Shelby, qui, évoquant les D3, a déclaré "laissez-les tomber !", pour imaginer qu'une des étoiles du drapeau américain pourrait cesser de scintiller.

    Au Michigan, personne ne le veut. "On peut changer l'histoire, on ne peut l'oublier : ces mains ont construit ce pays", estime M. Robinet. Chacun admet que Chrysler est trop malade. Ses derniers propriétaires, Mercedes puis le fonds Cerberus, n'ont pu enrayer son déclin. Chrysler disparaîtra. Mais si GM ou Ford sombrait, M. Cole évoque "une onde de choc inouïe sur l'économie, plus forte que la crise de 1929". Sans l'automobile, tous le disent, "un savoir-faire essentiel disparaîtrait", aux ramifications dans la défense, l'informatique… Un coup supplémentaire serait porté à l'ingénierie américaine, déjà en pâle posture.

    Responsable de l'automobile chez Plante & Moran, une société d'audit et de conseil, Craig Fitzgerald ajoute un argument qu'il veut définitif : l'enjeu "dépasse de loin la consommation privée"; l'automobile, dit-il, est un secteur stratégique sur le plan géopolitique. Quelles chaînes de montage ont fourni les véhicules blindés et les chars américains pour deux guerres mondiales ? "Sans elles, leur savoir-faire, pas de capacité militaire indépendante."


    Pour sauver le secteur, les spécialistes évoquent des sommes allant de 50 à 75milliards de dollars (39 à 59milliards d'euros), dont la moitié très vite, pour lui fournir les liquidités qui font défaut. Ensuite… "Rien qu'en recherche et développement, pour reconstituer des gammes de produits adaptés aux normes émergentes, cette industrie aurait besoin de 100milliards de dollars", estime M .Fitzgerald. Et s'il n'y avait que cela. La réadaptation de l'automobile américaine est un chantier immense. Le consultant énumère : réduire fortement le nombre des marques (General Motors passerait de 8 à 3), leur donner une identité cohérente, se séparer de 30 % à peut-être 50 % des salariés, coopérer avec leurs fournisseurs au lieu de leur donner des ordres, renégocier les contrats avec les concessionnaires. On en passe.

    Barack Obama envisage la désignation d'un "czar", un haut responsable qui superviserait l'utilisation efficiente des fonds que l'Etat insufflerait. "Il n'y a pas d'autre choix qu'une nationalisation partielle temporaire", admet M. Cole. Mais il ne faut pas que l'Etat "se mêle du management". Oh que si, juge au contraire M. Robinet. "Bien sûr qu'il faut nationaliser. Ce secteur a besoin d'un contrôle gouvernemental. Son modèle industriel est mort. Sa restructuration sera difficile et longue. Seul l'Etat peut imposer ses choix stratégiques aux manageurs, obtenir des concessions des syndicats et des concessionnaires. S'il apporte l'argent, il est normal que le czar décide." "Il est inconcevable d'avoir une économie basée sur les seuls services. Il faut replacer la création de biens au cœur de l'économie américaine", conclut M. Fitzgerald. Et voilà pourquoi il faut sauver le soldat General Motors. On entend décidément des choses inouïes dans l'Amérique en crise.


    Sylvain Cypel (Le Monde)

  • #2
    C'est une catastrophe pour des centaines de milliers de familles.
    Des millions de personnes au chomage...... ca fait mal au coeur....
    c'est incroyable à quel point l'economie mondiale est fragile.....

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