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Dans l'enfer des enfants des rues en Egypte

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  • Dans l'enfer des enfants des rues en Egypte

    De frêles silhouettes se détachent dans le faisceau des phares de la fourgonnette, perçant la nuit tombée depuis plusieurs heures sur le quartier résidentiel de Maadi, au sud du Caire. À peine le véhicule rangé le long du trottoir, les portes s'ouvrent à la volée sur une brochette de visages rigolards. Les salutations fusent, les mains s'entrechoquent. Autour de l'équipe du Samu social international, une dizaine de gamins se pressent. Le plus jeune n'a pas 10 ans, l'aîné en a 17. La rue est leur seul monde. En Égypte, ils seraient près d'un million à vivre ainsi, laissés-pour-compte d'une société qui préfère les ignorer. Ils y sont poussés par la misère, le décès d'un parent, la maltraitance, une grossesse hors mariage. Ils se regroupent face aux agressions du monde des adultes et des bandes rivales. Ils vivent de petits boulots, de mendicité, de prostitution, dans un univers de violence et de drogue.

    Une loi sur la condition de l'enfant votée cet été à l'initiative du Conseil national pour la mère et l'enfant, présidé par la première dame, Suzanne Moubarak, a bien décriminalisé les enfants des rues, jusqu'alors considérés comme délinquants. Mais rares sont les structures qui leur viennent en aide. Depuis six mois, le Samu social international est l'une d'elles. Plusieurs fois par semaine, les «maraudes» conduisent le Dr Youssef Naguib et son équipe jusqu'à ce petit groupe de Maadi, auquel il propose des soins médicaux de base et des «conseils de vie».

    Abus omniprésents

    «Le plus dur, c'est de gagner leur confiance, souligne le médecin. Ils ont peur des adultes car les rapports qu'ils ont avec eux sont souvent faits d'abus et de violence. Au début, ils étaient très réticents à l'idée même de monter dans notre véhicule. Ils s'attendent toujours au pire, ils ont très peur des vols d'organes. Quand ils voient les mousquetons fixés au plafond pour les perfusions, ils sont persuadés que c'est pour y accrocher des menottes.»

    Sur le trottoir défoncé, Sherif Abd el-Fattah, l'assistant social de l'équipe, a improvisé une partie de ballon. Une façon de briser la glace. «C'est difficile de connaître leur vraie histoire car pour eux, mentir est devenu un réflexe», déplore-t-il. Au passage, il «les guide un peu», en les mettant par exemple en garde contre les maladies sexuellement transmissibles. Car les abus sont omniprésents : viols par les adultes, entre enfants, prostitution auprès des pédophiles. «Un jour, un gamin de 12 ans est parti avec un étranger. Quand je l'ai rattrapé, il m'a dit qu'il allait faire du jogging», soupire Shérif.

    Sur l'échelle infernale de la rue, ces gosses de Maadi sont «privilégiés». La proximité d'un fast-food et d'un magasin abandonné transformé en squat leur assure la nourriture et un endroit sûr pour dormir. Mais la violence n'est jamais loin. Dans la fourgonnette, Amal se fait examiner par le Dr Naguib. Elle a le dos bleu, sa cheville a doublé de volume. Amal a une dizaine d'années. C'est la seule fille du groupe. La seule, aussi, à dormir encore chez elle. Au médecin, elle explique qu'elle est tombée du deuxième étage en se penchant du balcon pour étendre le linge. Dehors, les enfants racontent une autre histoire : depuis la mort de son père, sa mère la maltraite, au point de la mordre jusqu'au sang. Un jour, Amal s'est rebellée. Sa mère l'a défenestrée.

    La conversation s'interrompt. Le chef d'une bande voisine vient revendiquer le «territoire» du groupe. En une fraction de seconde, le ton monte, les coups pleuvent. Diaa, l'aîné du petit groupe, ne fait pas le poids. Seule l'intervention de l'équipe du Samu met fin à la correction. Quelques larmes coulent, vite retenues. La rue ne tolère pas la faiblesse. «Heureusement qu'ils n'avaient pas de lame de rasoir, comme c'est souvent le cas», souffle Shérif. Pour tenir le coup, beaucoup d'enfants sniffent de la colle «un demi-kilo par jour en moyenne», précise le Dr Naguib, inquiet de la propagation rapide d'un «phénomène qui n'existait pas il y a dix ans». «Quand les enfants en prennent, ils ne sentent plus la douleur. Ils peuvent se faire percuter par une voiture sans s'en rendre compte.» Autre plaie, les amphétamines et autres médicaments vendus par des dealers ou des pharmaciens peu scrupuleux. De quoi enfoncer davantage les enfants des rues dans un monde d'où, malgré les efforts des associations comme le Samu social, il leur est de plus en plus difficile de revenir.

    Par le Figaro
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