Par Youssef Ziraoui
et Mehdi Sekkouri Alaoui
Enquête exclusive. Prison Break saison 2et Mehdi Sekkouri Alaoui
Prison de Salé. La trentaine de prisonniers entassés dans une cellule exiguë du bâtiment s’occupe comme elle peut : une partie de dames
Muraille, miradors et matons
Retour en arrière. Novembre 2007, Prison centrale de Kénitra, aux abords de l’oued Sebou et de l’océan Atlantique. L’établissement, un pentagone étendu sur une vingtaine d’hectares, abrite bon an mal an entre 1500 et 2000 pensionnaires. Parmi eux, 180 détenus islamistes, installés dans le hay Alif, un des six quartiers du lieu. Dans les cellules 46 et 48, le temps paraît long, très long, pour un groupe de prisonniers condamnés, entre autres faits d’armes, pour leur implication dans des réseaux terroristes.
Allons-y pour le casting. Abdelhadi Eddahbi et Hamou El Hassani croupissent dans le couloir de la mort. Le quatuor Tarik El Yahyaoui, Mohamed Mouhim, Hicham Alami et Abdellah Boughmir en a pris pour perpét’, imités plus tard par les frères Chatbi et Mohamed Chadli. En tout neuf gaillards plus ou moins promis à une mort certaine, prochaine, un peu plus que la moyenne des détenus de Kénitra.
“Nous nous faisions confiance, nous dormions ensemble, nous priions ensemble, chrekna t3am…”, nous lance un des évadés, joint au téléphone. Tous partagent un même sentiment d’injustice, estimant ne pas être à leur place derrière les barreaux, mais aussi (et surtout) une terrible envie de se faire la malle. Forcément, ça crée des liens… Embastillée pour un séjour longue durée, la bande dispose d’une ressource quasi inépuisable : le temps. Assez pour penser un plan d’évasion qui permettra de détourner le dispositif hautement sécuritaire : des gardiens armés jusqu’aux dents, des guérites dressées tous les 50 mètres, trois miradors surplombant l’édifice et équipés de projecteurs, et, dernier obstacle, une muraille de douze mètres de hauteur.
Vous avez beaucoup prié, maintenant il faut creuser
Plusieurs options, plus ou moins réalistes, pouvaient s’offrir à la bande. Au hasard : graisser la patte aux gardiens, comme l’avait fait avec succès un certain El Nene ? Sauf que lui l’a joué discret, en solo. A la tête d’une fortune estimée à plusieurs dizaines de millions d’euros, le narcotrafiquant avait de quoi faire plier le plus droit des gardiens. Se lancer dans une prise d’otages ? Trop farfelu. Et puis, même dans les fictions américaines, le happy end est rarement au rendez-vous. De fil en aiguille, une idée finit par s’imposer. Ce sera la voie souterraine. La voie la plus réaliste, mais de loin la plus longue, parce que nécessitant une logistique laborieuse.
Tout reste à faire : trouver une brèche, rassembler des outils de travail, établir un planning des tâches, etc. L’hiver s’annonce rigoureux… Le QG des candidats à l’évasion, la cellule 46, est aussi le point de départ des travaux. Et pour cause, celle-ci est située à quelques encablures d’un des remparts de la prison, que le groupe croit deviner par la lucarne de la geôle. Le sol, en mosaïque, est impossible à perforer, du moins avec les outils drainés ici et là, des cuillers, des casseroles, un tournevis, etc. La solution est toute trouvée : la percée se fera au niveau des toilettes turques, que les prisonniers pourront démonter et remonter à l’envi.
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