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Des enseignants «prédateurs»

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    ILS PROFITENT DU VIDE JURIDIQUE ET DU SILENCE DES VICTIMES
    Des enseignants «prédateurs»



    Pour leur assurer un examen de fin d’année, un module et parfois même un diplôme, des «enseignants» sans scrupules abusent de leur autorité.

    Ce ne sont pas des illettrés inconscients de leur acte de violence, ni encore des barons de la drogue recherchés par les services de sécurité. Il s’agit bel et bien des enseignants universitaires. «Ils sont intelligents, ils partent à la chasse, ce sont des prédateurs,....» résume le Dr Belhadj, médecin légiste au CHU Mustapha-Pacha.
    Ce sont ceux affirmant avec orgueil, trop d’orgueil même, être diplômés des meilleures universités de l’Occident qui sont, aujourd’hui, accusés de harcèlement quotidien. Un harcèlement subi silencieusement par des milliers d’étudiantes à peine sorties de l’adolescence. Une vérité qui blesse et qui choque. Ces «érudits» appelés à donner des leçons d’éthique usent et abusent de leur position, de leur autorité. Ce dépassement est «scandaleux, immoral...», dénonce un cadre au ministère de l’Enseignement supérieur.
    Argumentant ses propos, il estime que l’«Etat ne peut en aucun cas se substituer à la communauté universitaire. En multipliant ses efforts, cette dernière doit bannir de ses rangs ce genre de comportement inhumain considéré comme un tabou, au même titre que la pédophilie». La société algérienne, conservatrice dit-on, où l’argent, l’alcool et le sexe sont devenus des «dieux vénérés», est «gangrenée» par ce phénomène de harcèlement qui étend de plus en plus ses tentacules.
    Comme dans les cas de viol, les témoignages pour harcèlement sexuel ne courent pas les rues. Il est une expression qui convient à cette situation: le rêve du muet. Lui ne peut le raconter, les autres ne peuvent le deviner.
    Le regard de la société, la hantise des représailles des enseignants... sont autant de facteurs qui empêchent des milliers de victimes de crier tout haut ce qu’elles endurent sur les bancs des amphithéâtres.
    Toutefois, certaines de ces étudiantes ont décidé de rompre le silence au risque de se faire lyncher dans tous les sens du terme. Elles ont osé briser le silence. Favorables à une discussion conditionnée par le rapport de leurs propos tels que dits, elles acceptent péniblement de raconter leur calvaire. Certaines avouent même avoir déposé des plaintes contre leurs bourreaux, leurs enseignants pour ainsi dire.
    La démarche de ces victimes demeure un coup d’épée dans l’eau. La machine judiciaire, mal préparée, peine à les soutenir. «En 2007, j’ai poursuivi mon enseignant de civilisation arabe pour m’avoir quotidiennement harcelé, en me demandant des faveurs de nature sexuelle pour l’obtention d’un module. Cependant, après qu’il ait tout nié, la justice m’a tourné le dos en innocentant le professeur...» explique Houda, étudiante en 2e année d’histoire. Dans les textes de la loi, précisément l’article 341 bis du Code pénal, «il est réputé avoir commis l’infraction de harcèlement sexuel (...) toute personne qui abuse de l’autorité que lui confère sa fonction ou sa profession en imposant à autrui des ordres (...) dans le but d’obtenir des faveurs de nature sexuelle.» Cette définition qui minimise cet acte agressif à une «simple infraction», est considérée comme une flagrante défaillance par nombre de spécialistes interrogés.
    Le responsable du ministère de l’Enseignement supérieur, estime que la situation où végètent nos étudiantes est due en premier lieu, à ce vide juridique. Pourtant, il y a une nouvelle disposition introduite par la loi du 20 décembre 2006. Censée aider les victimes, cette nouvelle loi rend confuse une situation déjà complexe.
    Comme pour en finir, Sabrina victime de la tyrannie de son enseignant et titulaire d’un master en sociologie, relate: «Avant 2006, c’était plus compliqué, maintenant ça l’est beaucoup plus.» Et si une étudiante compte déposer plainte contre son «bourreau»? L’ensemble des personnes contactées tiennent le même langage: «Comme toutes les infractions, il faut avoir des preuves à l’appui.» A cela, les messages que sont les e-mails, SMS, lettres ainsi que les cadeaux doivent être conservés et produits devant le juge, ont insisté les magistrats. C’est cette preuve qu’on ne peut pas toujours détenir, conjuguée à la lenteur avec laquelle se font les procédures administratives, qui ont empêché Ahlam, Feriel et...Ikram, respectivement licenciées en sociologie, en sciences politiques et étudiante en 4e année de langue anglaise, avoir gain de cause. «Il ne faut pas prendre le harcèlement sexuel tel que prévu dans le Code du travail. Dans le milieu scolaire, l’on est loin d’une relation de subordination», précise H.M., juriste internationale.
    Il va sans dire que même si la preuve existe, la sanction dans ce milieu demeure quasi inexistante. L’enseignant est très souvent muté ou sermonné par son administration, histoire de le rendre «plus docile.» Quant à la justice, elle a limité la peine à un an - au maximum - d’emprisonnement et une amende de 50.000 à 200.000DA.
    Par contre, si un(e) étudiant(e) agresse son enseignant, systématiquement il écopera d’une «lourde peine». Les exemples ne manquent pas. Ainsi, l’Université algérienne est devenue un milieu où la violence se conjugue au pluriel. «Mésaventure», «une année perdue», ou encore «honteux», sont autant de vocables que des étudiantes, écoeurées, répètent avec tant de regrets. Tout a paru normal et ordinaire pour Nadjet quand son enseignant des sciences de l’information...lui a demandé «gentiment» de s’asseoir dans la première rangée de l’amphithéâtre si elle fait réellement preuve d’assiduité et si elle a l’intention de «finir en apothéose son cursus.» C’était en 2004 quand la belle fille des Ouadhias (Kabylie), commence à découvrir les intentions «malsaines» et «purement charnelles» de son professeur.
    Rencontrée à la bibliothèque de l’Institut des sciences de l’information et de la communication, Nadjet veille à ne pas être entendue: «En dépit de mon rendement durant mon premier examen, il (son enseignant) m’a infligé une note éliminatoire», se souvient l’étudiante dans sa dernière année. Le regret de ne pas dénoncer son harceleur dans l’immédiat, lui reste en travers de la gorge. Rongée par le souvenir douloureux, elle poursuit: «En recevant la même note durant le second semestre, j’ai saisi l’administration qui m’a fait comprendre que seul l’enseignant concerné peut revoir ma note.» Stupéfaite, Nadjet était à la recherche de celui qui lui a gâché une année de sa vie. Peu scrupuleux, l’enseignant lui suggère -et quelle suggestion! - de l’«accompagner» chez lui à son appartement luxueux situé à Zéralda pour «étoffer sa note» dans l’examen de fin d’année. Devant le niet catégorique que la fille lui a opposé, l’enseignant «titulaire d’un doctorat» lui signifie avec des propos acerbes: «Tu vieilliras sur les bancs de l’Institut.
    Elles sont nombreuses celles qui vont accepter ma proposition...» En effet, elles sont plusieurs centaines d’étudiantes qui répondent à ces avances afin de réussir leur examen. L’Université nous apprend également que le passage d’une année à l’autre peut coûter trop cher. Parfois, ce sont même les cancres qui réussissent au détriment de ceux qui aspirent à décrocher un «diplôme noble» et celles qui refusent qu’on touche à «leur dignité», voire leur honneur. A ce propos, le Pr Mustapha Khiati, président de la Forem, suggère la mise en place d’un mécanisme de prévention qui concerne la notation des travaux, comme c’est le cas aux USA. Afin d’éviter ce contact direct enseignant-étudiante ou, en d’autres termes, cette cohabitation du loup et de l’agneau, «les notations doivent être anonymes», a-t-il proposé. Plus explicite, le Pr Khiati souligne que le nom de l’étudiant(e) ne doit pas paraître sur la copie.
    C’est à l’administration de divulguer les résultats sur Internet. Par ailleurs, notre vis-à-vis croit dur comme fer que le comportement «équivoque» et «inconscient» des étudiantes, est derrière la prolifération dudit phénomène. «La tenue vestimentaire peut être, pour certains, une invite à faire des propositions d’ordre sexuel», soutient-il.
    Ce constat n’est pas le bienvenu chez les étudiantes concernées. «On se demande si la gent féminine n’est pas libre dans sa peau et de mettre la tenue qu’elle désire», s’offusque Fatma-Zohra, une autre victime, co-propriétaire d’une pharmacie à Alger. Et de laisser déferler un torrent de paroles avec une «belle violence»: «des professeurs de haut rang viennent à la fac avec un esprit d’érotisme, pas pour assurer leur cours et donner des leçons d’éthique...C’est honteux...» Sur le plan psychologique, ce harcèlement peut laisser de graves séquelles chez la victime, notamment en cas de réponse défavorable de la justice. La dépression, inévitable, peut aller jusqu’au suicide.
    Définissant ce phénomène comme étant un «viol psychique», un éminent psychiatre exerçant dans l’est du pays, contacté par téléphone, explique que «la victime se sent humiliée, ses douleurs sont muettes. Certaines peuvent avoir des ulcères, des troubles du sommeil et de l’alimentation, dépendre de l’alcool et de la drogue».
    Comme nombre de ses pairs, jouissant «impunément» du harem à ciel ouvert, le professeur a définitivement perdu son honneur et son âme. En attendant d’être rattrapé par la justice - si justice des hommes il y a! -, il persistera à distribuer ses notes aux «plus méritantes»...
    L'expression
    Mieux vaut un cauchemar qui finit qu’un rêve inaccessible qui ne finit pas…
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