Une faculté d’organisation surprenante
· Comment la confrontation avec les forces de l’ordre a été évitée
Le soleil est au zénith ce jeudi 1er septembre à Tamassint. Dès 8 heures 30, un important dispositif sécuritaire est mis en place à 5 kilomètres du village, non loin de la commune de Lota. Brigades antiémeutes, gendarmerie, forces auxiliaires et autorités locales sont sur pied de guerre. Les forces de l’ordre sont arrivées cette fois-ci munies de boucliers, casques, gourdins et chiens. Elles s’attendent au pire.
De l’autre côté à Tamassint, la marche promise est maintenue. Jeunes et vieux se rassemblent devant le siège de la commune d’Imrabten. Le plus âgé d’entre eux a 75 ans, M’hamed Aberkane. Il vient de purger 2 mois de prison à Nador à cause d’une marche effectuée à Tamassint en mai.
A Tamassint-centre, tous les commerces du village sont fermés. Les habitants craignent le pire, une confrontation avec les manifestants. En revanche, quelques quinquagénaires, désabusés et nonchalants, restent à l’écart fumant le calumet (sebssi).
· Slogans virulents en tarifit
A partir de 9 heures, elles sont près de 600 personnes venues de différents douars manifester leur “colère”. Ce sont dans leur majorité des étudiants et des diplômés chômeurs. Moyenne d’âge, la trentaine. Contrairement aux marches précédentes, cette fois-ci, aucun parti ni association des droits de l’homme, encore moins des ONG, ne soutiennent la marche de protestation des Tamassinois. Aucune femme ni jeune fille dans la marche, les islamistes non plus. “Les femmes n’ont pas de place dans notre marche pour des considérations traditionnelles et conservatrices. Elles peuvent la suivre depuis la montagne si elles le souhaitent”, précise Azerkane, un lieutenant de Moatassime El Ghalbzouri.
Les manifestants, apparemment habitués à cette forme de protestation dans les campus universitaires, sortent la grande artillerie: haut-parleurs, banderoles, pancartes… Tout a été pensé dans le moindre détail: les vieux et les enfants devant, le noyau dur de l’association derrière et au milieu et les figures de proue surveillent le côté latéral.
Les manifestants alignent leurs rangs avant de donner le coup d’envoi à une marche de 35 kilomètres qui, sauf empêchement, devrait se terminer par un sit-in devant la wilaya d’Al Hoceïma. “Notre marche est légitime, elle rentre dans le cadre des libertés publiques”, souligne un organisateur étudiant en droit public, très sûr de lui.
Dès 9 heures 20, El Ghalbzouri livre un discours virulent pour motiver ses troupes avant de donner le coup d’envoi à la marche. A peine quelques mètres parcourus par des équipes très structurées et rodées, des slogans virulents en arabe et tarifit fusent de toutes parts: colère envers les autorités et conspuation du makhzen. Parmi les slogans scandés: “Al Makhzen, ce pillard. Où sont les logements des Rifains?”, “incarcérations, humiliations ne font qu’attiser notre militantisme”, “le séisme est naturel, l’exclusion est une politique”, ou encore “détenu, repose-toi. Nous poursuivons la lutte”. Tout au long de la marche vers Lota, des jeunes et des enfants des douars avoisinants rejoignent les manifestants en guise de solidarité sous un soleil de plomb et avec en toile de fond des montagnes et des amandiers dispersés. Le peloton de tête semble déterminé à aller jusqu’au bout. “Nous bénéficions du soutien de milliers de MRE dans le monde qui font du lobbying dans leur pays d’accueil”, confie l’un des meneurs.
La presse étrangère est très solidaire avec nous et les ONG internationales sont nombreuses à vouloir nous aider financièrement. Seulement, elles n’ont pas confiance: “Qu’est-ce qui leur garantirait que les aides vont vraiment arriver à Tamassint?” s’interroge un manifestant étudiant en 4e année de droit privé à l’Université d’Oujda. Au bout de 5 kilomètres, les manifestants se trouvent devant un mur de gendarmes et de forces auxiliaires. On redoute l’affrontement.
· Maîtres-chiens et hélico
Quelque 100 mètres les séparent du mur sécuritaire. Un hélicoptère de la gendarmerie survole la zone des manifestants qui hésitent. Ils ont encore le choix: rebrousser chemin ou affronter une intervention musclée des forces de l’ordre, nous souffle un agent d’autorité. Habitué à ces dilemmes cornéliens, le chef d’orchestre, El Ghalbzouri, intervient. “En cas de dérapage, les autorités doivent assumer leur responsabilité”, lance-t-il aux forces de l’ordre, sur un ton narguant, pour les dissuader. “Aucune manifestation au Maroc n’est contrée de cette manière”, ajoute-t-il. Les manifestants temporisent et scandent d’autres slogans. “Est-ce cela le dialogue? Un mur de militaires! Ils nous ont promis le dialogue et ils sortent le gourdin”. Et d’ajouter: “ni la terreur, ni la violence n’arrêteront la marche d’un peuple”, ou encore, pas de compromis au détriment d’un relogement digne des sinistrés.
Là, des agents d’autorité essaient d’intervenir sur un ton conciliant. “Vous êtes tous nos enfants”, crie un caïd. Une tentative de médiation qui n’aboutit pas. Déçus, les manifestants refusent de négocier avec le caïd et demandent à voir le wali. “Le seul responsable habilité à résoudre nos problèmes”, lance Azerkane au caïd avant de l’interroger: A-t-on le droit de demander audience au wali ou non? Les agents d’autorité demandent un délai pour organiser l’audience ainsi que des revendications et des chiffres à l’association.
Refus catégorique, rétorquent les manifestants. “C’est au wali et à lui seul que nous allons présenter le détail de nos revendications”. Les gendarmes ont eu finalement le dernier mot, sans néanmoins attaquer. Le bruit des bottes conjugué au son des gourdins et des boucliers ont suffi pour dissuader des bambins et des vieux, qui ont pris la fuite vers les montagnes les plus proches. Là encore, des slogans: “Ils ont dit Etat de droit, les sinistrés sont là, les démunis sont là, la zerouata est là. Où sont donc les droits?”
Quelques heures plus tard, vers 13 heures, les manifestants décident de rebrousser chemin et de mener, plus tard, une marche vers la capitale, Rabat. La confrontation a été évitée in extremis.
· Comment la confrontation avec les forces de l’ordre a été évitée
Le soleil est au zénith ce jeudi 1er septembre à Tamassint. Dès 8 heures 30, un important dispositif sécuritaire est mis en place à 5 kilomètres du village, non loin de la commune de Lota. Brigades antiémeutes, gendarmerie, forces auxiliaires et autorités locales sont sur pied de guerre. Les forces de l’ordre sont arrivées cette fois-ci munies de boucliers, casques, gourdins et chiens. Elles s’attendent au pire.
De l’autre côté à Tamassint, la marche promise est maintenue. Jeunes et vieux se rassemblent devant le siège de la commune d’Imrabten. Le plus âgé d’entre eux a 75 ans, M’hamed Aberkane. Il vient de purger 2 mois de prison à Nador à cause d’une marche effectuée à Tamassint en mai.
A Tamassint-centre, tous les commerces du village sont fermés. Les habitants craignent le pire, une confrontation avec les manifestants. En revanche, quelques quinquagénaires, désabusés et nonchalants, restent à l’écart fumant le calumet (sebssi).
· Slogans virulents en tarifit
A partir de 9 heures, elles sont près de 600 personnes venues de différents douars manifester leur “colère”. Ce sont dans leur majorité des étudiants et des diplômés chômeurs. Moyenne d’âge, la trentaine. Contrairement aux marches précédentes, cette fois-ci, aucun parti ni association des droits de l’homme, encore moins des ONG, ne soutiennent la marche de protestation des Tamassinois. Aucune femme ni jeune fille dans la marche, les islamistes non plus. “Les femmes n’ont pas de place dans notre marche pour des considérations traditionnelles et conservatrices. Elles peuvent la suivre depuis la montagne si elles le souhaitent”, précise Azerkane, un lieutenant de Moatassime El Ghalbzouri.
Les manifestants, apparemment habitués à cette forme de protestation dans les campus universitaires, sortent la grande artillerie: haut-parleurs, banderoles, pancartes… Tout a été pensé dans le moindre détail: les vieux et les enfants devant, le noyau dur de l’association derrière et au milieu et les figures de proue surveillent le côté latéral.
Les manifestants alignent leurs rangs avant de donner le coup d’envoi à une marche de 35 kilomètres qui, sauf empêchement, devrait se terminer par un sit-in devant la wilaya d’Al Hoceïma. “Notre marche est légitime, elle rentre dans le cadre des libertés publiques”, souligne un organisateur étudiant en droit public, très sûr de lui.
Dès 9 heures 20, El Ghalbzouri livre un discours virulent pour motiver ses troupes avant de donner le coup d’envoi à la marche. A peine quelques mètres parcourus par des équipes très structurées et rodées, des slogans virulents en arabe et tarifit fusent de toutes parts: colère envers les autorités et conspuation du makhzen. Parmi les slogans scandés: “Al Makhzen, ce pillard. Où sont les logements des Rifains?”, “incarcérations, humiliations ne font qu’attiser notre militantisme”, “le séisme est naturel, l’exclusion est une politique”, ou encore “détenu, repose-toi. Nous poursuivons la lutte”. Tout au long de la marche vers Lota, des jeunes et des enfants des douars avoisinants rejoignent les manifestants en guise de solidarité sous un soleil de plomb et avec en toile de fond des montagnes et des amandiers dispersés. Le peloton de tête semble déterminé à aller jusqu’au bout. “Nous bénéficions du soutien de milliers de MRE dans le monde qui font du lobbying dans leur pays d’accueil”, confie l’un des meneurs.
La presse étrangère est très solidaire avec nous et les ONG internationales sont nombreuses à vouloir nous aider financièrement. Seulement, elles n’ont pas confiance: “Qu’est-ce qui leur garantirait que les aides vont vraiment arriver à Tamassint?” s’interroge un manifestant étudiant en 4e année de droit privé à l’Université d’Oujda. Au bout de 5 kilomètres, les manifestants se trouvent devant un mur de gendarmes et de forces auxiliaires. On redoute l’affrontement.
· Maîtres-chiens et hélico
Quelque 100 mètres les séparent du mur sécuritaire. Un hélicoptère de la gendarmerie survole la zone des manifestants qui hésitent. Ils ont encore le choix: rebrousser chemin ou affronter une intervention musclée des forces de l’ordre, nous souffle un agent d’autorité. Habitué à ces dilemmes cornéliens, le chef d’orchestre, El Ghalbzouri, intervient. “En cas de dérapage, les autorités doivent assumer leur responsabilité”, lance-t-il aux forces de l’ordre, sur un ton narguant, pour les dissuader. “Aucune manifestation au Maroc n’est contrée de cette manière”, ajoute-t-il. Les manifestants temporisent et scandent d’autres slogans. “Est-ce cela le dialogue? Un mur de militaires! Ils nous ont promis le dialogue et ils sortent le gourdin”. Et d’ajouter: “ni la terreur, ni la violence n’arrêteront la marche d’un peuple”, ou encore, pas de compromis au détriment d’un relogement digne des sinistrés.
Là, des agents d’autorité essaient d’intervenir sur un ton conciliant. “Vous êtes tous nos enfants”, crie un caïd. Une tentative de médiation qui n’aboutit pas. Déçus, les manifestants refusent de négocier avec le caïd et demandent à voir le wali. “Le seul responsable habilité à résoudre nos problèmes”, lance Azerkane au caïd avant de l’interroger: A-t-on le droit de demander audience au wali ou non? Les agents d’autorité demandent un délai pour organiser l’audience ainsi que des revendications et des chiffres à l’association.
Refus catégorique, rétorquent les manifestants. “C’est au wali et à lui seul que nous allons présenter le détail de nos revendications”. Les gendarmes ont eu finalement le dernier mot, sans néanmoins attaquer. Le bruit des bottes conjugué au son des gourdins et des boucliers ont suffi pour dissuader des bambins et des vieux, qui ont pris la fuite vers les montagnes les plus proches. Là encore, des slogans: “Ils ont dit Etat de droit, les sinistrés sont là, les démunis sont là, la zerouata est là. Où sont donc les droits?”
Quelques heures plus tard, vers 13 heures, les manifestants décident de rebrousser chemin et de mener, plus tard, une marche vers la capitale, Rabat. La confrontation a été évitée in extremis.
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