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Aïd El-Adha: Un mouton pour... la dignité

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  • Aïd El-Adha: Un mouton pour... la dignité

    «Je n'ai pas un salaire de député, je fais partie des gens de la moyenne...».

    Avec la pudeur et l'humour de ceux qui n'aiment pas s'étaler sur les gymnastiques impossibles qu'il faut pour gérer une vie de famille de 6 personnes avec un salaire mensuel de 17.000 dinars, Madjid veut rester digne. Pas question de se considérer comme pauvre.

    Et pourtant, en accumulant les dépenses incompressibles, comme l'électricité, l'eau et les dépenses de scolarité de ses quatre enfants, la marge qu'offre le salaire pour l'alimentation est faible.

    On mange chichement, madame faisant dans l'ingéniosité pour rendre « varié » un menu invariablement fait de pâtes, de patates, de pain et de lait... La viande rouge est rare, le poulet occasionnel et des sardines de temps à autre.

    Madjid ne se sent pas pauvre car il connaît dans son voisinage des familles qui sont dans une situation plus dramatique et qui ne mangent pas à leur faim.

    Pour lui, c'est le « kafaf et le afaf », une façon de cultiver un ascétisme conforme à son revenu, à ne pas chercher à aller au-dessus de ses moyens. Il s'est pourtant forcé durant le ramadhan, en raclant dans une petite épargne de 150.000 dinars qu'il avait décidé «d'oublier» dans un carnet Cnep pour, «on ne sait jamais», les coups durs ou des besoins exceptionnels.

    Pourquoi a-t-il décidé de se rappeler sa petite épargne en allant à l'encontre de la règle qu'il s'est imposée ? D'abord, 17.000 dinars durant le ramadhan, cela fond vite. Mais surtout, il a décidé que ses enfants, le plus âgé ayant 16 ans, qui voient comment les autres vivent le ramadhan, ne doivent pas se sentir plus mal lotis que les autres.

    « C'est pas bon que les enfants se sentent plus pauvres que les autres. C'est vrai que beaucoup de voisins ont plusieurs salaires mis en commun, mais cela ne sert à rien de l'expliquer aux enfants. On est une famille «metwassta», moyenne, et on doit veiller à ce qu'on le reste. Dépenser un peu durant le ramadhan était nécessaire pour que les enfants ne soient pas complexés».

    En fait, le petit carnet n'a pas été grevé seulement pour les dépenses du ramadhan, il a fallu aussi y recourir pour les achats de vêtements pour l'Aïd. Résultat des courses, le carnet Cnep est descendu au-dessous de la barre des 100.000 dinars.

    Depuis quelques jours, Madjid hésitait au sujet du mouton. Il pensait qu'il allait devoir s'en passer. Mais les voisins ont commencé à acheter et les enfants attendent qu'ils aient leur mouton. Il a fini par céder. Il est allé à la Cnep et s'est servi à nouveau.

    Son mouton, pas très grand, il l'a payé à 19.000 dinars. Il a négocié. Les enfants sont contents. Ils ont mis le henné au mouton. Madjid refuse de penser à la minuscule épargne qui a encore fondu. Il dit qu'on ne peut pas penser à après-demain quand on ne peut pas programmer demain. Il vaut mieux agir au mieux au présent et compter sur Allah pour le reste.

    Pour le mouton, il l'avoue. Ce n'est pas seulement pour faire plaisir aux enfants, même si c'est une bonne raison. Ce n'est pas pour de pures motivations religieuses, même si cela est très présent.

    « Ecoute, je ne supporte pas l'idée que des voisins viennent, au deuxième jour de l'Aïd, frapper chez moi et me donner un morceau de leur mouton. J'aurais le sentiment d'être tombé, «taht», et cela ne je le supporte pas. Ma dignité, c'est ma vraie épargne. Je m'offre le mouton pour ça. Pour dire que je ne suis pas tombé. Et l'année prochaine, si Dieu le veut, j'achèterai encore et que je ne tomberai pas. Mantih'che, Inchallah».

    Le Quotidien d'Oran
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