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Auteurs algériens de langue française de la période coloniale

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  • Auteurs algériens de langue française de la période coloniale

    Le courage dans l’esprit d’aujourd’hui est de regarder en arrière pour se connaître et d’avancer honorablement pour se faire reconnaître.

    Découvrir le passé, nous ramène à une grande vérité, bonne ou mauvaise, - mais c’est une vérité qui ne manque pas de nous ouvrir l’esprit et de nous aider à faire constamment de l’intelligence pour être nous-mêmes.

    Nous nous demandons, encore aujourd’hui, qui sommes-nous, d’où venons-nous? Nous parlons d’histoire, l’histoire de nos ancêtres, et nous nous mettons tout au devoir d’identité -ainsi est la mode-, mais est-ce que nous nous mettons à tout le devoir d’identité? Et par quoi commencer?...Dans le domaine des sciences humaines, en littérature tout court, la culture nourrit et développe la civilisation. C’est par la parole écrite (et par la parole orale) que se concrétise la pensée de la nation. Longtemps, on a tenté de nous faire apprendre que nous n’avions pas de passé et que nous n’en aurions pas si nous refusons l’assimilation, si nous refusons encore l’intégration...

    J’ouvre le dictionnaire biographique de Abdellali Merdaci et je découvre avec émotion des Auteurs algériens de langue française de la période coloniale (*). L’espérance, souvent réprimée ou confirmée par une ignorance persistante de l’existence d’auteurs indigènes pendant la colonisation, a perpétué la croyance que l’Algérie n’aurait pas de lettres, n’aurait pas de gens de lettres et, alors, point de civilisation, point de culture, point d’histoire en Berbérie, cette vaste contrée appelée Afrique du Nord, mal connue, mal définie, sous-analysée! Et bien sûr, l’Algérie avec et dedans! Or, l’Algérie a échappé à tous ses conquérants, à plus ou moins long terme, et son histoire (culture et civilisation) se serait arrêtée net pendant la période coloniale française. Des historiens au service de la colonisation ont presque tous affirmé que «cette race, qui a une vitalité irréductible, n’a aucune individualité positive (E.-F. Gautier)». Une preuve s’il en est encore besoin que ces historiens ont trop vite conclu à l’indispensable soumission du grand peuple du Maghreb, - et de l’Algérie, évidemment!

    Linguiste à l’Université Mentouri de Constantine, Abdellali Merdaci s’est naturellement spécialisé dans l’enseignement de la littérature française contemporaine et la théorie de la littérature française. Il a publié, avec une rare finesse d’analyse, une objectivité clairvoyante, généreuse et impartiale, de nombreux ouvrages, études et articles de presse sur la littérature algérienne, particulièrement celle qui couvre la période coloniale. Il nous propose dans cet important outil de travail: quelque 300 «auteurs indigènes algériens de la période coloniale qui ont écrit - ou ont été publiés - en langue française», entre 1830 et 1962.

    En quelques mots, il explique au lecteur ce qu’a été sa recherche, et la qualité de son fruit, qui a abouti à «une recension systématique» intéressante, utile et pertinente, mais, nous le comprenons, difficile à cause de circonstances diverses et, bien entendu, imprévues.

    Quoi qu’il en soit, le dictionnaire biographique est là, répertoriant, après une longue indication chronologique (1830-1962), des auteurs algériens qui, par leurs idées (ou par l’exposé de leur idéal) ont contribué à la mise au clair de l’identité incontestable de la nation algérienne. Ici l’expression écrite en langue française importait peu, car tout compte fait, à l’évidence, il fallait aller au plus pressé: se dire à l’occupant et le contredire. Aussi dans ce dictionnaire superbement élaboré, en dépit des justes mises en garde de son auteur, nous apparaissent des vies, des moments d’existence arrachés au temps de la suspicion et du malheur, de l’injustice et du mépris, de l’humiliation et de l’accusation.

    Des femmes et des hommes inconnus, peu connus, oubliés surgissent dans les pages comme dans leur vraie vie. Chacun nous raconte, sous la plume alerte et la réflexion foisonnante de Abdellali Merdaci, son histoire «littératurisée» parfaitement en concordance avec les conditions de vie de l’indigène algérien au temps de la colonie. Il serait irraisonnable de citer ici «les auteurs» dans leur univers imposé par le malheur de l’occupation étrangère. Les consciences exigent la durée de la lecture et le temps de l’explication et de la réflexion.

    Voilà donc un dictionnaire riche en informations, assez original et critique pour nous inciter, pédagogiquement, à nous attacher, puis-je dire, à chacun de ces «médiateurs» et, d’une biographie à l’autre, progressivement comprendre l’immense drame de l’Algérie coloniale où les lettres algériennes ont, quand même, laissé des traces indélébiles de l’Algérie demeurée toujours algérienne. Cette «entrée en littérature des indigènes» en pleine occupation étrangère est, à la fois, le début d’une littérature de combat et son proche tournant historique vers la renaissance des lettres algériennes au sein de la Révolution du 1er Novembre 1954. Ce n’est pas peu, et au vrai ce n’est pas assez dire. À lire l’ouvrage Auteurs algériens de langue française de la période coloniale.

    Dictionnaire biographique de Abdellali Merdaci, nous sommes émerveillés par la somme des intérêts développés, par la méthode simple et efficace de l’exposé et par les foultitudes des auteurs présentés, parmi lesquels (quel hommage!) des «auteurs appartenant aux communautés de l’Algérie coloniale (ceux dont "l’engagement [est] indiscutable dans le combat des Algériens pour leur libération pendant la période coloniale et après l’indépendance)», des «auteurs d’oeuvres mixtes (certains auteurs indigènes et européens pour "leurs oeuvres écrites pendant la période coloniale et aussi celles qu’ils ont continuées depuis l’indépendance de l’Algérie peuvent être valablement inscrites au bilan de la littérature française. Toutefois la particularité de leur parcours et de leur ancrage juridique pendant la période coloniale relèvent d’un contexte d’ensemble dans lequel ils se sont affirmés comme auteurs indigènes; c’est à ce titre qu’ils figurent dans ce Dictionnaire".)»

    Il nous faut, en terminant, observer la disponibilité des Éditions Médersa à s’investir dans la recherche de nos repères culturels en publiant des ouvrages de la qualité de ceux de Abdellali Merdaci qui est parmi nos plus grands chercheurs dans le domaine de la littérature. Il est de ceux dont la compétence, la lucidité et la perspicacité nous réjouissent. Et ce qui est, à mon sens encore plus important, il est jaloux de l’honneur de son pays.

    (*) AUTEURS ALGÉRIENS
    DE LA LANGUE FRANÇAISE
    DE LA PÉRIODE COLONIALE
    de Abdellali Merdaci
    Médersa éditeur, Constantine, 2007, 345 pages.

    - L’Expression
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