L'ach`arisme
Que les Prières et les Salutations d’Allah soient sur notre Prophète Mouhammed ainsi que sur sa famille et tous ses Compagnons !
« Les Mou`tazilites sont les travestis des philosophes et les Ach`arites sont les travestis des Mou`tazilites. Yahya ibn `Ammâr disait : « Les Jahmites sont les mâles et les Ach`arites sont les femelles. » Madjmoû` el-Fatâwâ (6/359).
Introduction :
Il est possible de classifier les « négateurs » (Mou`attila) dans le domaine des Noms et Attributs divins de la façon suivante :
D’un côté, nous avons les philosophes qui se divisent en deux catégories : les philosophes purs (à l’exemple de Fârâbî) et les philosophes Batinites (ésotéristes) ; ces derniers se divisent en deux catégories : les Rafidites ismaéliens (à l’exemple d’ibn Sînâ et des Ikhwâns Safâ), et les soufis panthéistes (Ittihadiya) à l’exemple d’ibn `Arabî et d’ibn Sib`în.
De l’autre côté, nous avons Ahl el-Kalâm (les scolastiques, ou les théologiens dogmatiques) qui se divise en cinq catégories ; les Jahmites dont le fondateur est Jahm ibn Safwân, les Mou`tazilites dont le fondateur est Wâsil ibn `Ata, les koullâbites dont le fondateur est `Abd-Allah ibn Koullâb, les Ach`arites chez lesquels il faut distinguer entre anciens et nouveaux Ach`arites et dont le fondateur est Aboû el-Hassan el-Ach`arî, et les Mâtourîdites dont le fondateur est Aboû Mansûr el-Mâtourîdi.
Il est possible de les classer également en fonction de leur degré de négation : ils sont quatre catégories :
Ceux qui renient tous les Noms et tous les Attributs d’Allah (comme chacun à sa façon, ibn Sînâ, les Jahmites, les Qarâmites, el-Hallâj, et les panthéistes qui sont les « soufis ultra »).
Ceux qui reconnaissent les Noms mais qui renient tous les Attributs (les Mou`tazilites, les Rafidites duodécimains qui sont les « Chiites ultra », les Chiites Zaydistes, les Ibâdites Kharijites).
Ceux qui reconnaissent tous les Noms et reconnaissent au niveau des Attributs, les « Attributs Essentiels » du Seigneur (Sifât Dhâtiya) indépendamment de Ses « Actions Volontaires » (Sifât Fi`liya Ikhtiyâriya) ; ce sont les Koullâbites, et les anciens Ach`arites.
Ceux qui reconnaissent tous les noms et seulement sept Attributs (la Vie, le Savoir, la Force, la Volonté, l’Ouïe, la Vue, et la Parole) ; ce sont les nouveaux Ach`arites et les Mâtouridites.
Les Koullâbites :
Les Koullâbites sont les adeptes d’Aboû Mohammed `Abd-Allah ibn Sa`îd ibn Koullâb el-Qattân [1] (m. 243 h.) Chaykh el-Islâm ibn Taymiya nous le présente en ces termes : « Avant Aboû Mouhammed ibn Koullâb, il y avait deux tendances : d’un côté il y avait celle des traditionalistes qui reconnaissent les Attributs et les Actions dont le Seigneur se particularise, et qui proviennent de Son Pouvoir et de Sa Volonté. De l’autre côté, il y avait celle des Jahmites à l’image des Mou`tazilites et d’autres tendances qui reniaient tant les Attributs que les Actions d’Allah. Ibn Koullâb quant à lui, reconnaissait les Attributs Essentiels du Seigneur mais il ne concevait pas qu’Il puisse être l’Auteur d’Actions qui proviendrait de Sa Volonté et de Son Pouvoir. Aboû el-`Abbâs el Qalânisî lui concédait ce crédo ainsi qu’Aboû el-Hassan el-Ach`arî et bien d’autres.
Quant à el-Hârith el-Mahâsibî, il adhérait au crédo d’ibn Koullâb, c’est pourquoi l’Imam Ahmed ordonna de le mettre en « quarantaine » (l’exclure). Ce même Ahmed mettait en garde contre ibn Koullâb et ses adeptes. Par la suite, el-Hârith aurait renié ce crédo. » [2]
Cette tendance qui fut innovée par ibn Koullâb, fut connue par la suite sous le nom de Moutakkalima Sifâtiya (les théologiens [3] qui reconnaissent les Attributs), étant donné que dans une certaine mesure, ibn Koullâb penche vers la tendance traditionaliste, bien que sa voie soit quelque peu entachée par l’innovation. S’il reconnaît en effet, que certains Attributs peuvent être liés à l’Essence divine, il ne reconnaît pas pour autant qu’il puisse provenir certaines Actes Volontaires de cette même Essence. Il s’employa ardemment à contrer les Jahmites [4], mais il avait recours dans ses débats à l’analogie ; ce qui l’obligea à leur concéder certains principes qu’ils avaient innovés, comme l’impossibilité qu’Allah puisse parler en utilisant des lettres, qu’Il puisse être l’auteur de certains Actes Volontaires ou de la Parole qui proviendrait de Sa Volonté et de Son Pouvoir, etc.
Il devint par la suite, une référence incontournable chez tous ceux qui comme lui reconnaissaient les Attributs divins, et qui furent les adversaires acharnés des « négateurs ». Cependant, ils se sont imprégnés de certains principes erronés que leurs adversaires avaient établis. Cela les a amenés à avoir des conclusions qui furent tant contraires à la raison qu’à la Tradition prophétique [5]. Ibn Koullâb a donc innové une nouvelle tendance qui sous certains aspects est conforme à celle des « anciens » mais également à celle des Mou`tazilites et des Jahmites. Il est donc le fondateur d’une troisième école, connue sous le nom de « Sifâtiya » ; ces derniers reconnaissent certes les Attributs divins mais leur discours est imprégné de certains principes Jahmites. [6]
Ainsi, el-Qalânisî, el-Mahâsibî, Aboû Soulaymân Dimachqî, Aboû Hâtim el-Boustî et tant d’autres, ont adhéré à cette tendance. Ces derniers sont les ancêtres d’el-Ach`arî ou la « première génération » Ach`arîtes [7]. Ibn Koullâb est donc le premier Imam Ach`arîte ; il était cependant plus opposé aux Jahmites et plus proche des traditionalistes que son futur élève [8]. Or, avec le temps la tendance Koullâbites commençait à prendre ses distances avec celle des « anciens » ; ces héritiers Ach`arîtes en effet avaient de plus en plus d’affinité avec les Mou`tazilites. Nous avons vu qu’ibn Koullâb était plus proche du chemin des anciens qu’Aboû el-Hassan el-Ach`arî ; lui-même était plus conforme à la tendance « orthodoxe » [9] qu’el-Qâdî Aboû Bakr el-Bâqallânî qui relativement était plus proche qu’Aboû el-Ma`âlî el-Jouwaynî et de ses partisans 10. Cela explique la raison pour laquelle, on peut déceler dans le discours de savants comme Râzî et el-Ghâzalî qui vinrent bien plus tard, certains emprunts à la philosophie, alors qu’Aboû el-Ma`âlî el-Jouwaynî n’y avait pas recourt à son époque.
Par contre, tant Râzî, el-Ghâzalî, qu’Aboû el-Ma`âlî el-Jouwaynî, tous étaient plus imprégnés des idées Mou`tazilites que leur prédécesseurs Aboû el-Hassan el-Ach`arî ; lui-même était plus influencé par l’I`tizâl que son maître spirituel Aboû Mohammed ibn Koullâb. Ce dernier a emprunté lui aussi certaines idées Mou`tazilites qui étaient étrangères aux traditionalistes et aux grandes références de la religion. Ainsi, une erreur peut sembler bénigne au départ et prendre des proportions terribles par la suite ; bienheureux celui qui restera attaché à la Sounna ! [11] Les Koullâbites se sont éteints en tant que secte, mais leurs idées ont continué à être véhiculés par l’intermédiaire des Ach`arîtes. [12]
Ainsi, les Koullabites sont apparus avant les Ach`arites et les Mâturîdites dans le temps ; ses débuts remontent au milieu du troisième siècle hégirien. Il faut la considérer comme la première secte du Kalâm après celle des Jahmites et des Mou`tazilites. Ibn Koullâb est mort en 243 de l’hégire ; les dernières sectes du Kalâm ont fait leur apparition au début du quatrième siècle ; leur fondateur est pour les Ach`arites, Aboû el-Hassan el-Ach`arî (m. 324 h.), et pour les Mâtourîdites Aboû Mansûr el-Mâturîdi (m. 333 h.) ; ces deux sectes existent encore jusqu’à nos jours.
Que les prières d’Allah et Son Salut soient sur Mouhammed, ainsi que sur ses proches, et tous ses Compagnons !
Voir : introduction de la recension de Kitâb el `Arch (1/36-51) de l’Imâm Dhahabî (m. 746 h.) par le docteur Mouhammed ibn Khalîfa Tamîmî.
Notes de bas de page :
[1] Madjmoû` el-Fatâwâ d’ibn Taymiya (5/555)
[2] Da-r Ta`ârud el-`Aql wa Naql (2/1)
[3] Née dans la culture grecque, et repris dans une large mesure par les chrétiens, cette discipline qui consiste à connaître Dieu par la raison est condamnable, car la Révélation est le seul support pour avoir accès à ce domaine. La raison lorsqu’elle est saine ne peut que confirmer les enseignements que dévoilent la révélation
[4] Madjmoû` el-Fatâwâ d’ibn Taymiya (12/366)
[5] Idem. (12/376)
[6] Idem. (12/366)
[7] Manhâj Sounna (2/327)
[8] Madjmoû` el-Fatâwâ (12/202-203)
[9] Ce terme a délibérément été choisi par le traducteur car il faut le prendre dans son sens étymologique. Il provient en effet du grec ortho signifiant droit et doxa signifiant opinion, chemin ; en cela, il a le même sens que Sirat el Mustaqîm wa Allah A’lam !
[10] Idem. (12/203)
[11] Baghiya el-Mourtâd (p. 351)
[12] Voir el istiqâma (1/105)
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