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les dessous du prix Nobel

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  • les dessous du prix Nobel

    Un découvreur de trop

    Ils ont l'air un peu ridicules, sur la photo publiée par Paris Match, cet automne. C'était le temps de l'entente presque cordiale, en janvier 1983. Jean-Claude Chermann posait, à l'Institut Pasteur, en compagnie de Luc Montagnier et de Françoise Barré-Sinoussi. Ils venaient de découvrir le virus du sida. Ils souriaient à l'objectif, un peu débraillés, ils naissaient à la célébrité. Vingt-cinq années ont passé, et seul le professeur Chermann ne figurera pas sur le cliché officiel de la remise du prix Nobel, mercredi 10 décembre, à Stockholm. Ses deux collègues ont été récompensés pour leurs travaux sur le virus, pas lui. Les honneurs, la postérité, les discours de remerciements, les crépitements des flashes, il les vivra, de loin. Seul.

    C'est l'épilogue d'une aventure humaine hors du commun. Mais aussi un beau gâchis. Assis à la table d'un restaurant marseillais, Jean-Claude Chermann ne décolère pas. Il se sent trahi, oublié. Méprisé. "Moi, je ne suis pas un faiseur, pas un calculateur, lâche-t-il. Mais cette histoire, je l'ai vécue, je l'ai faite. Cette écriture, sur les tableaux ou les bocaux que l'on voit sur les photos de l'époque, c'est la mienne. Oui, je suis très déçu, gamin, ce Nobel représentait quelque chose de magique."

    Depuis, il a été reçu à l'Elysée par Nicolas Sarkozy, il a trouvé 9 millions d'euros pour poursuivre ses recherches dans son laboratoire d'Aubagne. Mais ça ne suffit pas. "Je suis le roi des cons, même si je peux me regarder dans une glace. Il y a eu un tel lobbying dans cette affaire. Franchement, Montagnier, tout le monde en rigole. Il a suivi des cours de com, il a coupé ses moustaches, mis un petit gilet... Il joue le mandarinat à outrance. Moi, je ne suis pas un chercheur, mais un trouveur..."

    L'univers scientifique n'est pas peuplé de professeurs un brin naïfs, désireux de faire progresser l'humanité, dans un bel élan de confraternité. C'est en réalité un monde concurrentiel, où chaque brevet déposé vaut des milliards d'euros, sur fond d'ego hypertrophiés. "Je peux comprendre son amertume, assure le professeur Montagnier à propos de son rival, j'ai eu la tentation de l'appeler après l'annonce du prix Nobel..." Mais il ne l'a pas fait. "Je n'ai pas fait de travail de lobbying, précise Luc Montagnier, d'autant que si la politique s'en mêle, cela joue un rôle négatif. Vous savez, je ne suis même plus invité aux conférences internationales sur le sida, alors que j'en suis à l'origine, on m'a un peu oublié dans certaines réunions scientifiques, alors parler de lobbying..."

    Dès qu'elle a eu connaissance de la récompense qui venait de lui être décernée, Françoise Barré-Sinoussi a pensé à l'oublié du Nobel, Jean-Claude Chermann. Parce qu'il lui a tout appris, qu'il lui a cédé sa première place dans la longue liste des signataires du premier article français publié dans Science, le 20 mai 1983, et qu'il était encore à ses côtés lors d'épreuves personnelles, cette année. "Elle lui est très redevable, témoigne le professeur Willy Rozenbaum, président du Conseil national du sida, elle doit être très gênée. Mais l'ego, c'est la règle dans le secteur médical." Dans son petit bureau de l'Institut Pasteur, encombré d'un fatras de dossiers, le professeur Barré-Sinoussi ne dit pas autre chose. Elle sait. Mais refuse-t-on un prix Nobel ?

    "Le fait que Jean-Claude Chermann ne soit pas associé m'attriste, confie-t-elle, on a travaillé ensemble très longtemps, nous avons des liens d'amitié. Quand j'ai commencé, c'est le seul labo qui ait accepté de me prendre. Alors, oui, je comprends ce sentiment d'injustice, il se sent exclu, alors qu'il est l'un des codécouvreurs du virus." Elle l'a appelé, sitôt le Nobel attribué. Eux qui avaient passé des vacances communes, dont les familles se fréquentaient, en étaient réduits à quelques généralités. "Dans une vie, l'amitié, c'est ce qui reste...", estime Mme Barré-Sinoussi. La chercheuse mérite son prix Nobel. Elle fut la première, début 1983, en scrutant l'activité enzymatique de ses échantillons, à isoler le mystérieux rétrovirus. Dans le laboratoire de Jean-Claude Chermann. Au sein de l'unité dirigée, à Pasteur, par Luc Montagnier.

    "Elle était une cheville ouvrière, et c'est un signe positif, cette distinction pour Françoise. Mais la vraie histoire est plus jolie que celle qui est valorisée par le prix Nobel, déclare Willy Rozenbaum. Cette découverte était une aventure collective extraordinaire. La majorité de ceux qui ont participé à cette découverte n'était pas de l'institut, mais en termes d'image, Pasteur pèse lourd. On n'a pas le Nobel si on ne fait pas du lobbying , Montagnier en rêvait ..."

    Le professeur Montagnier a-t-il réellement été le principal découvreur du sida ? "J'ai isolé le virus dans mes propres locaux, dit-il, le professeur Chermann était mon chef de laboratoire, il est indéniable qu'il ait joué un rôle important dans la découverte, mais le comité Nobel ne donne pas de prix à trois personnes issues du même laboratoire." Les témoins de l'époque se souviennent d'un Montagnier animant des réunions pluridisciplinaires, chaque samedi matin, à Pasteur. "Il a eu le mérite de monter l'équipe", admet le professeur Chermann. Ce que confirme Willy Rozenbaum : "L'un des plus gros mérites de Montagnier, c'est de nous avoir dit oui, même s'il n'était pas reconnu par ses pairs", raconte-t-il, lui qui fut le véritable catalyseur de la découverte, en amenant à Pasteur, le 4 janvier 1983, un ganglion lymphatique prélevé sur un malade atteint du sida.

    A l'Institut Pasteur, la polémique dérange. Parce qu'au fond, tout ce qui compte, c'est tout de même d'avoir été distingué. "Le lobbying, cela va directement à la poubelle, lâche Alice Dautry, la directrice de l'établissement. Au comité Nobel, ils ont l'habitude des pressions. On se gâche notre plaisir avec nos histoires franco-françaises. Le prix Nobel n'est qu'une anecdote de la science, on est là d'abord pour faire des découvertes."
    There's nothing wrong with being shallow as long as you're insightful about it.

  • #2
    Montagnier et Chermann, le politique contre le chercheur, le consensuel contre l'acrimonieux, l'homme des coulisses face à l'obstiné des labos. Les étiquettes collent à la peau, dans ce monde ultra-fermé, qui passe son temps à s'observer, se congratuler, au hasard des conférences internationales. "Ils ne se sont jamais entendus, explique le professeur Rozenbaum, quand Montagnier a symbolisé le conflit France-Etats-Unis, alors que ces deux pays bataillaient pour la paternité de la découverte du virus, il s'y est cru, il ne partageait plus rien. Jean-Claude Chermann l'a très mal vécu..."

    Tellement mal qu'il a fini par quitter l'Institut Pasteur, et qu'il n'y a plus remis les pieds pendant vingt ans. "Mon équipe m'adorait, se souvient le professeur Chermann, mais je voulais laisser Françoise Barré-Sinoussi s'épanouir." Encore aujourd'hui, on l'accuse d'avoir pactisé avec Robert Gallo, l'ennemi américain, le chercheur aux méthodes controversées qui contesta, un temps, la paternité de la découverte du virus aux Français, avant qu'un accord très diplomatique vienne, en 1987, mettre tout le monde d'accord.

    Le professeur Chermann paie donc, aussi, cette réputation de scientifique irascible, incontrôlable. "Entre Montagnier et Gallo, franchement, je préfère l'Américain", assume le chercheur marseillais. De son côté, le professeur Montagnier souhaite éviter toute polémique. C'est lui le grand gagnant dans l'affaire, qui parcourt le monde au nom de la Fondation mondiale recherche et prévention sida, sous l'égide de l'Unesco et incarne une certaine recherche française. "Il n'y a pas eu de disputes entre nous, ceci est une légende, affirme-t-il, nous nous respectons mutuellement, mais par la suite, après qu'il a quitté Pasteur, il a eu une attitude ambiguë en publiant avec l'équipe de Gallo, contre l'équipe de Pasteur, des résultats erronés sur l'origine du virus."

    Jean-Claude Chermann relativise : "Gallo nous a aidés, il nous a permis de prouver que notre virus était unique, en nous fournissant des réactifs, répond-il. Puis j'ai refusé, dans un premier temps, de signer l'accord avec les Américains. On passait de 100 % des droits à 50 % ! Je me souviens de Montagnier dans le bureau, il tapait des pieds sur le sol, comme un gamin. J'ai fini par signer, et je suis parti." Il ne supporte pas qu'on le suspecte d'avoir bradé les intérêts nationaux. "On s'est battus dans le monde entier pour que les Français soient vivants dans les conférences, tempête-t-il, cela a créé un monde de jalousies..."

    Et s'il n'y avait que le prix Nobel. La découverte du virus du sida, c'est aussi une histoire de très gros sous. Le brevet de dépistage de la maladie a rapporté des millions d'euros à l'Institut Pasteur, même si l'argent doit être partagé avec les Américains. Il suffit d'avoir son nom accolé à un brevet pour toucher des royalties. "Je suis sur tous les brevets", reconnaît le professeur Montagnier. "L'argent est immédiatement réinvesti dans la recherche", explique Alice Dautry. Jean-Claude Chermann, lui, a touché 36 498 euros cette année, au titre de ses droits d'inventeur. Pas de quoi le consoler. Il continue ses recherches, ne désespère pas de découvrir le vaccin contre le sida. Il teste en ce moment des anticorps thérapeutiques. Déjà se profile une nouvelle course de vitesse, avec... le professeur Montagnier. Ce dernier vient d'annoncer, à Stochkolm, qu'un vaccin thérapeutique pourrait voir le jour, "d'ici quatre ou cinq ans". "Que le meilleur gagne", lance-t-il. Mais le "meilleur" ne gagne pas à tous les coups.

    Le Monde
    There's nothing wrong with being shallow as long as you're insightful about it.

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    • #3
      Article tres interessant...
      Le lobbying dans l'attribution du Nobel est un fait connu, et la je ne parle pas de celui de la ''paix'' ou de la litterature qui sont tres politises.
      Certaines regles doivent etre revues. il est stupide, avec la recherche moderne de limiter le nombre des laureats a 3 par domaine, ca fera forcement de plus en plus de victimes avec le temps.
      meme en physique fondamentale, ou il n'y a pas un sou a gagner, on a assiste au meme probleme cette annee.

      Ceci dit, le Nobel n'est pas la consecration ultime pour un scientifuque, meme si son pouvoir d'attrait est incroyablement grand.

      Mais c'est quand meme triste de voir ce genre de comportement en biologie..

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      • #4
        oui c'est triste "la science sans conscience n'est que ruine de l'ame".

        tout est calculable et desincarné.

        ou va t'on ?
        There's nothing wrong with being shallow as long as you're insightful about it.

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        • #5
          Mais c'est quand meme triste de voir ce genre de comportement en biologie..
          C'est triste de voir la biologie devenir un bord..

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          • #6
            Il y a des millions de gens qui meurent toujours de cette maladie. Si ils se disputaient pour qui a trouvé le reméde j'aurais compris, mais se disputer pour qui a trouvé la maladie??? Bizarre...

            Tout reste à faire.

            ∑ (1/i²) = π²/6
            i=1

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