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Commémoration Du 11 Decembre 1960

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  • Commémoration Du 11 Decembre 1960

    L'HISTOIRE ET LES HISTOIRES...

    Le 11 décembre 1960 est une date importante de notre histoire parce qu'elle a permis à l'Algérie d'exprimer son courage, d'étaler sa fierté, d'affirmer sa détermination à recouvrer son indépendance, à arracher sa liberté pour garantir l'émancipation de son peuple. Devant cette formidable force émanant du peuple algérien uni, le pouvoir français et les instances internationales ne pouvaient que se plier au voeu des Algériens qui réclamaient le droit à l'autodétermination. Mais arrêtons-nous un instant, et faisons le bilan rapide du cheminement de l'Algérie indépendante depuis 1962, soit depuis 45 ans. Aujourd'hui, combien d'Algériens connaissent l'Histoire avec « H » majuscule de notre pays ? Combien de compatriotes peuvent nous instruire sur notre véritable histoire ? Pourquoi l'école n'a-t-elle pas rempli sa tâche qui est d'enseigner objectivement à nos enfants l'histoire plurielle de notre pays ? Pourquoi nos historiens n'ont-ils pas porté les événements historiques de notre pays à la connaissance des lecteurs frustrés que représente notre jeunesse ? À la question : « Qu'évoque pour vous le 11 décembre ? », un jeune a répondu après un bref calcul : « C'est un mardi ! ». C'est là l'illustration cocasse de l'ignorance avérée de l'histoire de notre Patrie. L'Histoire d'un pays se confond avec sa culture. Négligez la culture, et vous enterrerez l'Histoire ! Or, un pays sans culture, (donc sans Histoire) est un pays sans avenir. À qui la faute ? A l'école ? Aux parents ? A la société ? Au pouvoir ? Peu importe ! Le jeune Algérien n'en a cure de savoir qui est responsable de la faillite culturelle, scolaire ou sociale ! Il sait qu'il ne sait rien, et cela il le sait très bien. La commémoration est une cérémonie destinée à rappeler le souvenir d'une personne ou d'un événement. Mais encore faut-il connaître ces hommes ou ces événements, sinon à quoi servirait la mobilisation du temps et de l'argent, des moyens humains et matériels pour célébrer en définitive une date anonyme ? Cependant, même si l'on a accusé un sérieux retard, il est toujours temps de faire son examen de conscience ; il est toujours temps d'effacer l'oubli ; il est toujours temps de construire l'avenir... Mais pour ce faire, il faudra cesser de naviguer à vue. Il faudra redresser la barre de l'Histoire pour permettre au bateau Algérie de suivre le chemin de lumière qui mène vers un destin éclatant. Allez, trêve d'histoires, et place à l'Histoire
    Dernière modification par DZone, 12 décembre 2008, 11h00.

  • #2
    Carnage à « Cité La Montagne »

    TÉMOIGNAGE

    Je me souviens comme si cela datait d'hier de cette journée houleuse, endiablée puis ensanglantée jusqu'à endeuillir maintes familles … même de celles du colonisateur.

    En ce temps-là, Badjarah n'existait pas. Ce n'était qu'un vaste espace de champs de blé, d'orge et de vignobles ainsi que de cultures maraîchères du côté de la cité La Montagne, le tout séparé par la route venant d'El Harrach (ex-Maison-Carrée). Cette route était bordée des deux côtés de haies d'arbustes épineux et touffus et ce de « La Glacière » au cimetière.
    Seuls pointaient leurs toits en cette surface libre le château et la ferme des paysans d'alors. Ce château est à présent entouré de routes et d'immeubles, et la ferme a été détruite. Enfin, au delà du cimetière, en allant vers Birkadem et Semmar (ex-Gué de Constantine), l'usine de pneus Michelin.

    J'avais … douze ans ! Le cimetière ! Un lieu triste et attristant, lieu de rendez-vous de toutes les morts ! C'est devant ce lieu funèbre, où l'on enterre la vie, que le pire allait se produire… 11 décembre 1960 !

    Une journée tristement mémorable, marquante à jamais ! Je fus réveillé par le passage très matinal d'un hélicoptère dont le bruit était tout proche, assourdissant même. Ce dernier s'éloignait et revenait sans cesse. Dehors, des voix et des pas précipités. Un camarade vint m'appeler et m'apprit qu'il y avait des manifestations et que devant le cimetière les manifestants avaient érigé une barrière sur la chaussée. Il ajouta que ces derniers retenaient les Français et laisser passer les Algériens. La curiosité nous gagna et nous nous dirigeâmes aussitôt vers le lieu où se déroulait l'événement.

    Le quartier était en effervescence… Tout le long de la route qui sortait de la cité des gens criaient, grands et petits, ils criaient des slogans révolutionnaires. « Vive l'Algérie ! » - « L'Algérie algérienne » - « France, voici venu le temps de la souffrance ! » - « La mort au colonialisme » et même « l'Algérie musulmane ! » emplissaient l'air… Certains, des enfants surtout, chantaient « Djazaïrana » ou « Mine djibalina… »

    Nous les accompagn âmes , mon camarade et moi, tout en nous pressant vers la grand- route… Enfin, nous arrivâmes sur les lieux. Extraordinaire spectacle ! Imposante et vaste manifestation ! Sur une importante distance, la route était noire de monde : adultes, adolescents et enfants portaient ou brandissaient tout haut qui un bâton, qui un drapeau, qui encore une hachette ou une hâche, le tout dans un désordre impressionnant. Des voitures arrivaient dans la direction d'El Hararch. La barrière les arrêtait. Des manifestants menaçants les entouraient.

    Les Français étaient immobilisés sur place ou tirés violemment de leurs véhicules ; les Algériens, eux , étaient autorisés à se faufiler par l'accotement après un minutieux contrôle des papiers, de la malle et de l'intérieur. Enfin, ce qui devait arriver … arriva ! Les violences incontrôlées de certains manifestants causèrent la mort de deux personnes. Je n'y ai pas assisté directement, mais on a dit par la suite que c'était un couple. Cependant, comme dans tout désordre il y a un manque d'attention : la route n'était pas surveillée « au loin » et les champs encore moins. Les haies denses et hautes cachaient déjà le danger. L'hélicoptère, qui ne s'était point arrêté dans ses allées et venues, faisant parfois même des cercles rapprochés, avait dû déjà signaler la dangereuse situation qui y prévalait…

    Des cris fusèrent soudain des « extrémités » de cette foule abandonnée à elle même : « Les soldats arrivent par les champs !» Trop tard ! La première vague était déjà parvenue derrière la haie opposée. De longues rafales de mitraillettes déchirèrent l'air. « Tirez ! Tirez ! » criait une voix.

    Des cris de douleurs jaillirent de la foule qui me séparait des soldats. J'étais comme éberlué et cloué sur place. De l'autre côté des manifestants disparaissaient entre leurs camarades en gémissant. « Sauve-toi ! Cours Mohamed ! » me lança mon ami et que je vis partir à toutes jambes. Je me mis à courir à mon tour, réalisant enfin la portée du danger. Derrière, les balles sifflaient ; certaines s'étouffaient, d'autres passaient au-dessus de nous ; une foule de fuyards semblait me coller aux trousses ; les « longues jambes » me dépassaient. Devant, à droite, comme à gauche et sur la chaussée des gens de tous âges fonçaient de toutes leurs forces.

    On quittait même le trottoir pour s'enfoncer dans les cultures maraîchères protégées de haies de roseaux. Je vis mon camarade disparaître à l'angle du mur d'enceinte du cimetière. Je le suivis. Les tirs, tout aussi rageurs qu'au début continuaient leur macabre besogne, comme si ce lugubre lieu de sépulture leur criait : « Allez-y encore ! j'ai assez de place pour recevoir tous les morts ! ». Mon camarade, depuis l'angle du mur, hasarda un regard vers le lieu du carnage alors même que les balles perdues continuaient à sillonner l'air et que des manifestants descendaient en trombe vers le centre de la cité. « Les soldats arrivent ! » hurla-t-il suivirent son hurlement ; deux personnes s'affalèrent sur la chaussée, un troisième fut aussi touché mais put se relever et repartir en tenant et traînant sa cuisse. « Vite ! Par les ruelles de Chagneau ? » criait-je à mon « camarade-ami ». Nous n'étions point les seuls à nous « faufiler » à travers les nombreuses et étroites ruelles de ce quartier : d'autres fuyards s'y étaient déjà engouffrés. Nous ressortîmes plus loin, juste derrière le groupe de magasins de la Place du carrefour, le tout encore en lieu et place cités. Les tirs étaient devenus rares mais des gens continuaient à passer en courant, craignant peut-être d'éventuelles balles lâchées à l'aveuglette par les paras ou venant de l'hélicoptère qui poursuivait sa ronde dans le ciel. De notre abri nos regards allèrent vers la route du cimetière. Nous vîmes des paras debout à hauteur de l'endroit où nous nous étions cachés, leurs mitraillettes brandies au niveau de leurs poitrines. Derrière eux d'autres soldats arrivaient au pas de course.
    Nous avons vu passer aussi des blessés, certains les vêtements presque totalement ensanglantés, tenant ou serrant la partie touchée. Puis, ce fut le silence. Seul persistait le bruit « irrégulier » de « l'oiseau à hélice ». Du côté de la « Place du cimetière » parvenaient les bruits que faisaient les camions des paras : les GMC à 6 roues. L'un d'eux apparu en haut de la route, venant vers les soldats qui se trouvaient à la lisière de la cité. Son moteur rugisscrit ; ce bruit-là m'était très familier : au bled, encore tout enfant, je l'entendais très souvent : il emplissait mes oreilles de gamin, et je les ai vus, ces robustes camions, les roues entourées de grosses chaînes, gravirent des pistes boueuses. C'était une des forces de l'occupant. Presque plus personne et les paras semblaient vouloir venir dans la cité car un autre GMC suivait le premier. Des enfants sortirent soudain de leurs abris et repartirent en flèche. Nous fîmes comme eux.

    Mon camarade me quitta une ruelle avant la maison. Ma mère était à la porte… Elle s'écarta pour me laisser entrer. Torturée par le crépitement des balles parce qu'elle me savait en « haut », elle s'abattit de ses deux mains sur mes épaules et ma poitrine, les rouant de coups répétés. « Je t'avais dit de ne pas y aller ! hurlait-elle à répétition. Les tirs cessèrent enfin et les courses dans les rues se raréfièrent. L'hélicoptère aussi arrêta sa ronde. Quant aux paras, ils n'envahirent point le quartier, se contentant de passer dans leurs jeeps et camions GMC par la route principale.

    Peu de temps après, mon père frappa à la porte. Il vint directement à moi, me disant aussitôt l'air menaçant : « Quand est-ce que tu apprendras à obéir ou à réfléchir ? Tu aurais pu être parmi les morts à l'heure qu'il est ? On vient de me dire que des enfants ont été touchés et j'ai tout de suite pensé à toi ! » me cria-t-il tout en colère. Il n'alla a pas plus loin et je pus méditer à mon tour l'étendue du danger que j'avais encouru. Le soir, lorsque tout redevint normal, les nouvelles qui circulèrent dans le quartier furent ainsi qu'un désastre : 11 tués et plus de vingt blessés. Parmi les morts, j'en connaissais deux : un balayeur du quartier, très sérieux et respectueux de sa besogne, et un client de mon père alors commerçant dans le marché local. On a raconté aussi que les paras avaient été lâchés par un hélicoptère juste au bas de la colline, aux environs de l'orangeraie, là où serpente « Oued Chayah » (couloir naturel à sec…) Au delà de la violence (ou par delà) , des emprisonnements, de la torture et du sang qui a coulé en cette ô combien triste et obscure journée, il faut cependant retenir au moins deux points positifs de longue portée : le premier est que le peuple venait de manifester publiquement son « parti-pris » pour la guerre de Libération nationale ; le second, lui, amena la France à reconnaître « Le gouvernement provisoire de la Révolution algérienne » (GPRA), qui put enfin porter « La cause algérienne » devant l'ONU. Le tout déboucha plus tard sur les « Accords d'Evian » qui consacrèrent et parachevèrent l'Indépendance de toute l'Algérie, et ce après un vote d'autodermination en juillet 1962, lequel donna lieu par son franc résultat à de grandioses liesses de joie. C'était le 5 juillet 1962.

    Le Courrier d'Algérie

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