Echec d’une révolution 1963-1973
“Telquel”
Qui voulait faire la révolution au Maroc dans les années 60 et 70 ?
Qui est allé jusqu’au bout ?
Qui a été victime des abus du régime répressif de Hassan II ?
Personne n’a jamais répondu à ces questions. Entre les dirigeants actuels de l’USFP [Union Socialiste des Forces Populaires], qui s’en lavent les mains, et les acteurs impliqués qui distillent des témoignages parcimonieux, parfois intéressés, personne n’a jamais fait le tri, voire la synthèse, ou au moins raconté l’histoire. ?
Aujourd’hui, “ce livre, écrit René Gallisot, retrace le parcours d’au moins deux générations qui se tiennent par la main, celle des partisans de l’Armée de libération nationale (ALN), et celle des jeunes de l’option révolutionnaire”. Autrement dit, il raconte la saga d’une période jusque là inconnue, secrète, où l’ambition d’anciens résistants voulant libérer complètement leur pays a rencontré celle de cadres politiques excédés par le pouvoir écrasant du système Hassan II. Au confluent de ces deux générations, se trouve Fquih Basri, une figure connue pour son passé révolutionnaire, qui a mené la formation armée clandestine, Tanzim, mais qui refuse toujours d’en parler. ?
C’est ce que l’auteur, Mehdi Bennouna appelle “la partie visible de l’iceberg”. ?
De L’ALN à Cheikh Al-Arab [Ahmed Agouliz, un des fondateurs de l’ALN, abattu par la police en 1964] ?
Remettons-nous dans l’esprit de l’époque. L’ALN a plus de combattants que les FAR [Forces Armées Royales], pendant les deux premières années d’indépendance. Beaucoup d’insoumis, surtout au Sud, comme Abdellah Nemri [principale figure de l’ALN du Sud, puis membre actif de l’état major de l’ALN en exil, tué au combat le 8 mai 1973], Bensaïd Aït Idder [ Secrétaire général de l’OADP (ex. 23 mars)], ne rendent pas les armes pour la simple raison qu’ils tiennent à libérer les régions encore sous le protectorat. Ainsi, bien avant la Marche verte, “le 23 novembre 1957, l’ALN-Sud déclenche une offensive d’envergure sur plusieurs localités du Sahara. La riposte, brutale, dans une opération baptisée “Opération Ecouvillon” sonnera le glas de cette armée. “Le Palais, garant d’une indépendance acquise de haute lutte, n’y trouve rien à redire : l’affaire affaiblit l’ALN, renforce les FAR et l’appareil sécuritaire du régime. Les ex-tuteurs coloniaux continuent à assumer leur rôle de protecteurs du trône”. ?
Lorsque Hassan II accède au pouvoir, l’éradication de l’ALN et l’étouffement des libertés viennent s’ajouter au renvoi du gouvernement d’Abdallah Ibrahim (UNFP)[Union Nationale des Forces Populaires]. Mehdi Ben Barka [opposant marocain enlevé en France en octobre 1965] met au point le texte “Option Révolutionnaire”, manifeste visionnaire qui reflète une profonde mutation idéologique. Des militants s’abreuvent de cette littérature contestataire. Entre temps, des irréductibles de l’ALN ont repris du service. Et en 1963, le tout culmine vers le premier complot armé. “Moumen Douri, qui avait servi d’intermédiaire entre Mehdi Ben Barka et Cheikh Al-Arab, avait acquis un chargement d’armes à la base américain de Kenitra, comme il le faisait jadis pour le compte du FLN algérien, ce dont il avait fait commerce. Au procès qui s’ouvre le 22 novembre 1963 pour se terminer le 14 mars 1964, il y a 200 inculpés, dont 85 présents. Les vedettes sont le fquih Basri [un des fondateurs de l’UNFP, partisan de la lutte armée trois fois condamné à mort, exilé dès 1966 avant de rentrer au bercail au début des 90], Moumen Diouri, Omar Ben Jelloun [un des dirigeant de l’USFP, assassiné par les fascistes en 1978] et A.Youssfi [Premier ministre au gouvernement de Hassan II puis celui de Mohammed VI], présentés comme les cerveaux de la conjuration”. ?
Les orphelins de Ben Barka ?
Le milieu des années 60 est tumultueux. Mais l’assassinat de Ben Barka y est considéré comme un événement central. Son manifeste marque les esprits et acquiert, dès lors, la valeur d’un testament politique. La recherche des moyens de mener la révolution devient une obsession. Fquih Basri, condamné à mort par contumace en 1964, et autres Nemri, Bouras, survivants de l’ALN, tirent les ficelles, recrutement et organisent les cellules clandestines au Maroc. En parallèle, une nouvelle génération, menée par Ahmed Ben Jelloun [Un des chefs du Tanzim en Syrie], Mohamed Bennouna ou encore Omar Dahkoun [ militant clandestin dés le début des années 60, chef des cellules du Tanzim de Rabat et Casablanca, exécuté le 1er novembre 1973], sortis de la Toufoula Chaabiya [l’Enfance populaire] (UNFP), veulent “mettre sur pied une force armée révolutionnaire disciplinée et organisée”. Ils considèrent que l’UNFP n’a rien d’un parti révolutionnaire. “Une avant-garde lui fait défaut. Alors ils veulent constituer une force de frappe autonome qui n’utilisera pas la structure du parti comme base d’appui, mais comme instrument de mobilisation des masses en vue d’une transition cers la lutte armée”. L’organisation, sobrement appelée “Tanzim”, est née dans une ambiance internationale, de lutte des fedayin palestiniens, de baasisme en Syrie et d’euphorie du FLN algérien. Finalement, “c’est à Damas que le destin de ces hommes se noue autour d’un projet commun : matérialiser l’option révolutionnaire”. Comment ? D’abord grâce à des agents recruteurs du Fquih, comme Lakhsassi et Taoufiq Drissi, qui infiltrent les milieux de l’UNEM en France [l’Union Nationale des Etudiants du Maroc] et attirent des étudiants. Ces derniers donnaient raison à l’UNFP lorsque le parti disait en forme de surenchère : “il n’y a de remède à ce régime que dans sa disparition”. Mais comment y arriver ? En tous les cas, pas à travers l’action politique. D’autres dirigeants du Tanzim, comme Dahkoun, ont récupéré des hommes du réseau de Cheikh Al-Arab, mais aussi des enseignants gagnés par le vent de la révolte. Tout ce beau monde se retrouve en 1969 au camp Zabadani en Syrie pour un entraînement aux méthodes révolutionnaires. “Le camp est situé à 60 kms au nord-ouest de Damas. Plus de 800 militaires y séjournent en permanence. Cinquante militants marocains[officiellement, ils sont Tunisiens venus rejoindre les Fedayin palestiniens] y établissent leurs quartiers.” Evidemment que le stage syrien devait servie à renforcer et encadrer les cellules clandestines au Maroc. Mais, voilà, en décembre 1969, une série d’arrestations touchant des dirigeants et autres clandestins s’abat sur le Tanzim, ce qui fut appelé “le complot de 1969” aura été démasqué grâce un délateur providentiel. Mais Hassan II exige plus. Il veut la tête des chefs Maquisards. Il dépêche le Général Oufkir à Alger et Tunis pour leur faire part du “complot baasiste” dont la capital est à Damas et interpelle la France et l’Espagne, comme ce fut le cas contre l’ALN. Ahmed Ben Jelloun et Saïd Bounailat [Mohamed Ajjar, 3 fois condamné à mort dont deux fois par Hassan II] tomberont à Madrid et Nemri à Paris. Ils seront livrés pieds et poings liés à leurs geôliers marocains] ?
A suivre
“Telquel”
Qui voulait faire la révolution au Maroc dans les années 60 et 70 ?
Qui est allé jusqu’au bout ?
Qui a été victime des abus du régime répressif de Hassan II ?
Personne n’a jamais répondu à ces questions. Entre les dirigeants actuels de l’USFP [Union Socialiste des Forces Populaires], qui s’en lavent les mains, et les acteurs impliqués qui distillent des témoignages parcimonieux, parfois intéressés, personne n’a jamais fait le tri, voire la synthèse, ou au moins raconté l’histoire. ?
Aujourd’hui, “ce livre, écrit René Gallisot, retrace le parcours d’au moins deux générations qui se tiennent par la main, celle des partisans de l’Armée de libération nationale (ALN), et celle des jeunes de l’option révolutionnaire”. Autrement dit, il raconte la saga d’une période jusque là inconnue, secrète, où l’ambition d’anciens résistants voulant libérer complètement leur pays a rencontré celle de cadres politiques excédés par le pouvoir écrasant du système Hassan II. Au confluent de ces deux générations, se trouve Fquih Basri, une figure connue pour son passé révolutionnaire, qui a mené la formation armée clandestine, Tanzim, mais qui refuse toujours d’en parler. ?
C’est ce que l’auteur, Mehdi Bennouna appelle “la partie visible de l’iceberg”. ?
De L’ALN à Cheikh Al-Arab [Ahmed Agouliz, un des fondateurs de l’ALN, abattu par la police en 1964] ?
Remettons-nous dans l’esprit de l’époque. L’ALN a plus de combattants que les FAR [Forces Armées Royales], pendant les deux premières années d’indépendance. Beaucoup d’insoumis, surtout au Sud, comme Abdellah Nemri [principale figure de l’ALN du Sud, puis membre actif de l’état major de l’ALN en exil, tué au combat le 8 mai 1973], Bensaïd Aït Idder [ Secrétaire général de l’OADP (ex. 23 mars)], ne rendent pas les armes pour la simple raison qu’ils tiennent à libérer les régions encore sous le protectorat. Ainsi, bien avant la Marche verte, “le 23 novembre 1957, l’ALN-Sud déclenche une offensive d’envergure sur plusieurs localités du Sahara. La riposte, brutale, dans une opération baptisée “Opération Ecouvillon” sonnera le glas de cette armée. “Le Palais, garant d’une indépendance acquise de haute lutte, n’y trouve rien à redire : l’affaire affaiblit l’ALN, renforce les FAR et l’appareil sécuritaire du régime. Les ex-tuteurs coloniaux continuent à assumer leur rôle de protecteurs du trône”. ?
Lorsque Hassan II accède au pouvoir, l’éradication de l’ALN et l’étouffement des libertés viennent s’ajouter au renvoi du gouvernement d’Abdallah Ibrahim (UNFP)[Union Nationale des Forces Populaires]. Mehdi Ben Barka [opposant marocain enlevé en France en octobre 1965] met au point le texte “Option Révolutionnaire”, manifeste visionnaire qui reflète une profonde mutation idéologique. Des militants s’abreuvent de cette littérature contestataire. Entre temps, des irréductibles de l’ALN ont repris du service. Et en 1963, le tout culmine vers le premier complot armé. “Moumen Douri, qui avait servi d’intermédiaire entre Mehdi Ben Barka et Cheikh Al-Arab, avait acquis un chargement d’armes à la base américain de Kenitra, comme il le faisait jadis pour le compte du FLN algérien, ce dont il avait fait commerce. Au procès qui s’ouvre le 22 novembre 1963 pour se terminer le 14 mars 1964, il y a 200 inculpés, dont 85 présents. Les vedettes sont le fquih Basri [un des fondateurs de l’UNFP, partisan de la lutte armée trois fois condamné à mort, exilé dès 1966 avant de rentrer au bercail au début des 90], Moumen Diouri, Omar Ben Jelloun [un des dirigeant de l’USFP, assassiné par les fascistes en 1978] et A.Youssfi [Premier ministre au gouvernement de Hassan II puis celui de Mohammed VI], présentés comme les cerveaux de la conjuration”. ?
Les orphelins de Ben Barka ?
Le milieu des années 60 est tumultueux. Mais l’assassinat de Ben Barka y est considéré comme un événement central. Son manifeste marque les esprits et acquiert, dès lors, la valeur d’un testament politique. La recherche des moyens de mener la révolution devient une obsession. Fquih Basri, condamné à mort par contumace en 1964, et autres Nemri, Bouras, survivants de l’ALN, tirent les ficelles, recrutement et organisent les cellules clandestines au Maroc. En parallèle, une nouvelle génération, menée par Ahmed Ben Jelloun [Un des chefs du Tanzim en Syrie], Mohamed Bennouna ou encore Omar Dahkoun [ militant clandestin dés le début des années 60, chef des cellules du Tanzim de Rabat et Casablanca, exécuté le 1er novembre 1973], sortis de la Toufoula Chaabiya [l’Enfance populaire] (UNFP), veulent “mettre sur pied une force armée révolutionnaire disciplinée et organisée”. Ils considèrent que l’UNFP n’a rien d’un parti révolutionnaire. “Une avant-garde lui fait défaut. Alors ils veulent constituer une force de frappe autonome qui n’utilisera pas la structure du parti comme base d’appui, mais comme instrument de mobilisation des masses en vue d’une transition cers la lutte armée”. L’organisation, sobrement appelée “Tanzim”, est née dans une ambiance internationale, de lutte des fedayin palestiniens, de baasisme en Syrie et d’euphorie du FLN algérien. Finalement, “c’est à Damas que le destin de ces hommes se noue autour d’un projet commun : matérialiser l’option révolutionnaire”. Comment ? D’abord grâce à des agents recruteurs du Fquih, comme Lakhsassi et Taoufiq Drissi, qui infiltrent les milieux de l’UNEM en France [l’Union Nationale des Etudiants du Maroc] et attirent des étudiants. Ces derniers donnaient raison à l’UNFP lorsque le parti disait en forme de surenchère : “il n’y a de remède à ce régime que dans sa disparition”. Mais comment y arriver ? En tous les cas, pas à travers l’action politique. D’autres dirigeants du Tanzim, comme Dahkoun, ont récupéré des hommes du réseau de Cheikh Al-Arab, mais aussi des enseignants gagnés par le vent de la révolte. Tout ce beau monde se retrouve en 1969 au camp Zabadani en Syrie pour un entraînement aux méthodes révolutionnaires. “Le camp est situé à 60 kms au nord-ouest de Damas. Plus de 800 militaires y séjournent en permanence. Cinquante militants marocains[officiellement, ils sont Tunisiens venus rejoindre les Fedayin palestiniens] y établissent leurs quartiers.” Evidemment que le stage syrien devait servie à renforcer et encadrer les cellules clandestines au Maroc. Mais, voilà, en décembre 1969, une série d’arrestations touchant des dirigeants et autres clandestins s’abat sur le Tanzim, ce qui fut appelé “le complot de 1969” aura été démasqué grâce un délateur providentiel. Mais Hassan II exige plus. Il veut la tête des chefs Maquisards. Il dépêche le Général Oufkir à Alger et Tunis pour leur faire part du “complot baasiste” dont la capital est à Damas et interpelle la France et l’Espagne, comme ce fut le cas contre l’ALN. Ahmed Ben Jelloun et Saïd Bounailat [Mohamed Ajjar, 3 fois condamné à mort dont deux fois par Hassan II] tomberont à Madrid et Nemri à Paris. Ils seront livrés pieds et poings liés à leurs geôliers marocains] ?
A suivre
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