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Travaux de Youri Bandajevsky sur Tchernobyl

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  • Travaux de Youri Bandajevsky sur Tchernobyl

    Youri Bandajevsky a été condanné à 8 ans de prison pour avoir osé défier le pouvoir et avoir démenti les propos officiels concernant Tchernobyl. Il a pus sortir au bout de 4 ans mais 4 ans c'est déja trop cher payé pour avoir été intègre et professionnel.

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    Ce scientifique biélorusse condamné à huit ans de prison en 2001 bénéficie d'une libération conditionnelle depuis le 5 août. Depuis, il goûte à la liberté retrouvée avec la vigilance de ceux qu'on a trahis. Dans ce pays mené à la baguette par l'autoritaire Loukachenko, il reste surveillé en permanence et n'a pas récupéré son passeport. Peu importe, cet homme charismatique et pugnace n'a qu'une idée en tête, reprendre ses travaux de médecine sur les conséquences de Tchernobyl. «C'est la seule chose qui compte : poursuivre mes recherches. On m'a empêché de travailler pendant des années, on a perdu assez de temps.» Comme sa peine était assortie d'une interdiction d'exercer dans un institut d'Etat, le médecin veut créer un labo indépendant. Il a demandé l'aide de la Commission de recherche et d'information indépendante sur la radioactivité (Crii-Rad). Ce labo français, né au lendemain de Tchernobyl, a réuni 57 % des 150 000 euros nécessaires au projet et vend symboliquement les briques du futur centre, 50 euros pièce. «C'est un projet difficile à monter, surtout dans ce pays où mon nom est bafoué», explique le chercheur. Lequel a accordé ses faveurs au labo de Valence et a décliné d'autres propositions venues d'Allemagne, des Etats-Unis ou même de France.

    Si Bandajevsky est tant sollicité, c'est que ses travaux sont fondamentaux pour évaluer les véritables conséquences sanitaires de Tchernobyl. Vingt ans après, celles-ci sont toujours controversées. Début septembre, l'ONU a publié un rapport qui établit à environ 4 000 personnes le nombre de victimes de la catastrophe nucléaire. «4 000 victimes ? C'est cruel pour les populations qui vivent en territoires contaminés, s'énerve-t-il. De toute façon, les experts de l'ONU ne se donnent pas les moyens d'établir un vrai bilan en prenant en compte toutes les maladies, et pas seulement le cancer de la thyroïde.» Pour beaucoup, l'accident ne doit pas se limiter à l'irradiation des premiers instants. Environ 8 millions de personnes en Biélorussie, en Russie et en Ukraine endurent une contamination permanente au césium 137, qui a intégré la chaîne alimentaire et qui conservera sa radioactivité pendant encore trois cents ans. Youri Bandajevsky s'emploie à définir son impact sur l'organisme humain. Il a établi la relation entre la pathologie cardiaque chez l'enfant et la présence de césium dans le coeur. Il a publié les résultats dans de petites revues, mais jamais dans les grandes (Nature, Science ou The Lancet). Du coup, le monde scientifique se méfie de ses conclusions.

    Sans l'explosion de la centrale atomique, la vie de Bandajevsky aurait eu la douceur de celle d'un apparatchik reconnu par ses pairs. Il était destiné à soigner. Son père avait commencé des études de médecine que la Seconde Guerre mondiale l'a empêché de finir. Devenu fonctionnaire, il a tenu à ce que son fils accomplisse son destin contrarié. Youri endosse ce rêve avec joie, même s'il avoue avoir été déchiré entre deux passions : le piano et l'anatomie. «A 15 ans, je ne savais pas quoi choisir. J'ai beaucoup hésité.» A Mozart, qu'il adore, il préfère les animaux de laboratoire. Le jeune Youri dissèque des souris et des poissons dans la cuisine de l'appartement de ses parents. A 16 ans, il entre en fac. «J'étais le plus jeune, et je passais mes jours et mes nuits dans la salle d'anatomie.» Ses doigts striés de cicatrices attestent de son apprentissage forcené et solitaire. Il rencontre sa future femme, Galina, à la fac. Ensemble, ils auront deux filles. En avril 1986, quand Tchernobyl explose, la famille ne vit pas dans la zone survolée par le nuage mais à Grodno, dans l'ouest du pays. «Même chez nous, on a remarqué des changements : les oiseaux ne chantaient plus, le soleil brillait mais la nature était morte. J'avais l'impression que tout était en verre et immobile.» Dès 1988, l'anatomo-pathologiste propose à l'Académie des sciences de travailler sur l'impact de la radioactivité sur les organes vitaux. En 1990, à seulement 33 ans, on lui offre la direction de l'Institut de médecine de Gomel, une ville du sud-est de la Biélorussie située à 180 kilomètres de la centrale, dans une zone très contaminée. «Bien sûr, j'ai eu peur de m'installer là-bas, mais on ne savait pas grand-chose. Et moi, pour croire, il faut que j'étudie. J'étais donc guidé par mes recherches et ma volonté de faire quelque chose d'utile.»

    A l'époque, il planche sur les malformations des foetus, qui se multiplient. Puis il travaille avec sa femme, pédiatre, sur les pathologies cardiaques des enfants de la région. En 1993, le chercheur sent que le vent tourne : ses pairs lui conseillent de laisser tomber cette voie. Il tient six ans sous pression. On mitraille sa voiture, on lui fait peur. Puis l'épée de Damoclès s'abat sur lui : en 1999, on l'accuse d'avoir reçu des pots-de-vin pour inscrire des étudiants dans son institut. «J'ai alors compris que tout était préparé depuis longtemps. La seule façon de me stopper était de me jeter en prison.» Pendant son procès, celui qui l'accusait (un collaborateur) se rétracte. Mais rien n'y fait. Bandajevsky en prend pour huit ans.

    Dès lors, des mouvements de soutien s'organisent. Le scientifique devient le martyr de la cause antinucléaire, qu'il n'épouse pas particulièrement. On imprime la photo de son arrestation sur des tee-shirts, on manifeste devant le Parlement de Bruxelles. Sa femme est invitée à tous les colloques discutant de la question en France. «Youri m'a toujours poussée à me battre. Dans mes périodes d'abattement, il me disait qu'être médecin c'était soigner les gens et qu'on ne devait pas plier sous la pression.» A chaque fois, elle présente les travaux de son époux, fait état de sa santé, de son moral... A Minsk, les ambassadeurs de France et d'Allemagne le visitent en prison. Là-bas, il est d'abord placé dans un dortoir avec quatre-vingts condamnés. Puis en chambre de trois avec une télé et un ordinateur. Bandajevsky est isolé comme jamais, perdu au milieu de meurtriers. Mais le soutien qu'il reçoit le dynamise.

    Sur sa détention, il ne dit rien ou très peu de choses. Les traces qu'elle a laissées se lisent sur son visage, fatigué et dur à la fois. Il a beaucoup minci, a été opéré d'une péritonite, mais lui préfère discuter de son «journal d'idées scientifiques en détention», un livre à paraître en France. «C'est la réflexion sur mes recherches qui m'a fait tenir, la volonté de ne penser qu'à mes problèmes scientifiques. C'était, et c'est toujours, mon obsession.» Et elle lui a sauvé la vie. Sa rigueur, son organisation lui ont permis de s'accrocher. «J'avais tous les jours quelque chose à faire : lire, écrire, travailler, apprendre des langues...»

    Il refuse de reconnaître que la prison a été le meilleur moyen de médiatiser ses recherches. «C'est n'importe quoi. Quand on est en prison, on ne peut plus rien faire.» Il dit que cette expérience n'a rien changé au regard qu'il porte sur les hommes. «Ce sont eux qui ont changé leur regard sur moi. Ils ont peur. Ils ne veulent pas entendre que le césium représente un danger. Moi, je suis seulement moins naïf qu'avant.» Il ne se voit ni en héros ni en martyr, mais en scientifique victime d'un régime. Il a été libéré à la veille des vingt ans de Tchernobyl, quelques mois avant le terme de sa peine. D'après lui, c'est parce que le pouvoir craint qu'il soit tombé malade ou fou. «Je veux vivre comme je vivais avant.» Et prendre le départ de sa course de fond.

    L'avenir radié


  • #2
    Bonjour,

    Oui Morjane, 4 ans de sa vie, c'est trop quand on a rien fait de mal , mais au contraire dénoncer l'inconscience.

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