Je trouve l'analyse de Luis Martinez (spécialiste de l'Algérie, directeur de recherches au CERI) assez objective. Son pragmatisme contraste avec le populisme de Bouteflika qui tend à vouloir nous faire croire que la charte pour la réconciliation est LA solution qui permettrait à l'Algérie de revivre à nouveau.
= Référendum : L'Algérie veut tourner la page =
NOUVELOBS: La loi d'amnistie soumise à référendum va-t-elle légaliser l'impunité dont bénéficient les auteurs des violences des années 1990 en Algérie ?
Luis Martinez : C'est un des buts recherchés par la Charte pour la paix. Elle vise à faire en sorte que ceux et celle qui ont été impliqués dans des violences soient amnistiés. Il ne s'agit pas d'une amnistie au sens propre dans la mesure où elle se fonde sur un référendum et non sur une décision du président. Mais son objectif est très clair : ceux qui ont causé du tort - et qui n'ont pas été éliminés entre temps… - ne vont pas être sanctionnés. D'ailleurs, l'armée et les islamistes ne s'y trompent pas : ils sont les premiers à soutenir cette loi. L'objectif premier de ce référendum n'est toutefois pas tellement de garantir l'impunité aux responsables. Aujourd'hui, l'Algérie veut tourner la page et réconcilier une communauté nationale qui a volé en éclats. La recherche de la vérité est passée au second plan. La campagne menée contre la France ces derniers mois par le président Bouteflika était justement un moyen de renforcer le sentiment de cohésion nationale et de s'attirer davantage de soutien.
Que propose cette charte concernant les milliers de disparus de la guerre civile algérienne ?
- Une commission gouvernementale a été créée il y a quelques mois pour "régler" la question des disparus. Elle était chargée de réceptionner les dossiers, de les traiter et éventuellement d'indemniser les familles. Mais dans le fond, le but était de racheter les complaintes. Les familles n'ont pas été dupes. Elles savent que l'Etat est prêt à payer leur "amnésie" mais pas à reconnaître ses responsabilités. Les milliers de personnes qui ont disparu pendant les années 1990 ont été soit assassinées soit cachées. En aucun cas, elles ne peuvent être rendues à leurs familles. La question des disparus fait indirectement partie de la Charte mais elle n'en constitue pas le cœur. L'essentiel de ce texte vise à transmettre le message suivant : ceux qui sont encore au maquis ont un an pour déposer les armes ; les autres seront amnistiés de fait après ce référendum.
Quelle est la position de la population algérienne sur ce projet de réconciliation nationale ? Peut-on s'attendre à une forte participation au vote de jeudi ?
- Les courants nationalistes et islamistes, majoritaires au sein de la population algérienne, sont favorables au référendum. La Charte pour la paix et la réconciliation nationale devrait donc être facilement approuvée, malgré un taux d'abstention très élevé : depuis une quinzaine d'années, il oscille entre 40 et 60%. La moitié des électeurs pourrait donc ne pas se prononcer, pour des raisons personnelles, politiques ou tout simplement parce qu'ils considèrent que ce n'est pas leur priorité. Un tiers de la population algérienne ne s'identifie pas, en effet, aux deux courants majoritaires. Cette frange de la société œuvre pour mettre en place un Etat de droit démocratique. Ces personnes se positionnent en tant qu'opposants au régime en place et contestent la suprématie des islamistes et des nationalistes. Il est donc normal qu'ils boycottent ce scrutin qu'ils perçoivent comme une alliance scellée entre le président Bouteflika d'une part et les islamistes et nationalistes d'autre part.
Propos recueillis par Chiara Penzo - NOUVELOBS.COM
= Référendum : L'Algérie veut tourner la page =
NOUVELOBS: La loi d'amnistie soumise à référendum va-t-elle légaliser l'impunité dont bénéficient les auteurs des violences des années 1990 en Algérie ?
Luis Martinez : C'est un des buts recherchés par la Charte pour la paix. Elle vise à faire en sorte que ceux et celle qui ont été impliqués dans des violences soient amnistiés. Il ne s'agit pas d'une amnistie au sens propre dans la mesure où elle se fonde sur un référendum et non sur une décision du président. Mais son objectif est très clair : ceux qui ont causé du tort - et qui n'ont pas été éliminés entre temps… - ne vont pas être sanctionnés. D'ailleurs, l'armée et les islamistes ne s'y trompent pas : ils sont les premiers à soutenir cette loi. L'objectif premier de ce référendum n'est toutefois pas tellement de garantir l'impunité aux responsables. Aujourd'hui, l'Algérie veut tourner la page et réconcilier une communauté nationale qui a volé en éclats. La recherche de la vérité est passée au second plan. La campagne menée contre la France ces derniers mois par le président Bouteflika était justement un moyen de renforcer le sentiment de cohésion nationale et de s'attirer davantage de soutien.
Que propose cette charte concernant les milliers de disparus de la guerre civile algérienne ?
- Une commission gouvernementale a été créée il y a quelques mois pour "régler" la question des disparus. Elle était chargée de réceptionner les dossiers, de les traiter et éventuellement d'indemniser les familles. Mais dans le fond, le but était de racheter les complaintes. Les familles n'ont pas été dupes. Elles savent que l'Etat est prêt à payer leur "amnésie" mais pas à reconnaître ses responsabilités. Les milliers de personnes qui ont disparu pendant les années 1990 ont été soit assassinées soit cachées. En aucun cas, elles ne peuvent être rendues à leurs familles. La question des disparus fait indirectement partie de la Charte mais elle n'en constitue pas le cœur. L'essentiel de ce texte vise à transmettre le message suivant : ceux qui sont encore au maquis ont un an pour déposer les armes ; les autres seront amnistiés de fait après ce référendum.
Quelle est la position de la population algérienne sur ce projet de réconciliation nationale ? Peut-on s'attendre à une forte participation au vote de jeudi ?
- Les courants nationalistes et islamistes, majoritaires au sein de la population algérienne, sont favorables au référendum. La Charte pour la paix et la réconciliation nationale devrait donc être facilement approuvée, malgré un taux d'abstention très élevé : depuis une quinzaine d'années, il oscille entre 40 et 60%. La moitié des électeurs pourrait donc ne pas se prononcer, pour des raisons personnelles, politiques ou tout simplement parce qu'ils considèrent que ce n'est pas leur priorité. Un tiers de la population algérienne ne s'identifie pas, en effet, aux deux courants majoritaires. Cette frange de la société œuvre pour mettre en place un Etat de droit démocratique. Ces personnes se positionnent en tant qu'opposants au régime en place et contestent la suprématie des islamistes et des nationalistes. Il est donc normal qu'ils boycottent ce scrutin qu'ils perçoivent comme une alliance scellée entre le président Bouteflika d'une part et les islamistes et nationalistes d'autre part.
Propos recueillis par Chiara Penzo - NOUVELOBS.COM
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