Algérie - France : Les visas de la colère
par Ghania Oukazi
Les demandeurs algériens de visa auprès des services français sont loin de partager l'avis du Consul général de France à Alger qui, lui, pense avoir nettement amélioré les conditions de son octroi.
A la Rue Manaa Lakhdar, à Ben Aknoun, la circulation est dense. La rue, bien étroite, est encombrée au même titre que les grandes artères algéroises. Elle l'est parce qu'elle abrite, depuis le mois d'octobre dernier, le siège de Visas France, une société française privée chargée de traiter les dossiers des demandeurs algériens de visa. Tôt le matin, un grand nombre de personnes occupent déjà les trottoirs bordant la rue. Au-delà du mécontentement des habitants du quartier qui s'emportent contre les automobilistes qui garent devant leur porte, font des manoeuvres bruyantes ou occupent tout simplement le quartier, il y a celui des demandeurs de visa qui enfle de plus en plus depuis que les services consulaires français ont chargé Visas France de traiter pour eux tous les dossiers. Le mécontentement, faut-il le rappeler, a toujours existé en raison des conditions d'octroi de visa qui ont été, en général, difficiles pour la plupart des demandeurs algériens. L'on se rappelle les longs délais d'attente d'une réponse hypothétique des services consulaires français après avoir fourni un dossier d'une lourdeur bureaucratique encombrante. L'accueil n'était pas non plus correct. Grand nombre d'Algériens ont eu, au moins une fois, à marchander une place «respectable » devant le Consulat général de France à Alger - c'est-à-dire une parmi les cent premières - avec d'autres qui trouvaient un malin plaisir à les occuper - pour les vendre - dès les premières heures du matin. Depuis le 1er octobre dernier, les choses ont totalement changées, enfin du moins elles le devaient. Le Consul général de France en a parlé avec précision lorsqu'il avait reçu, début octobre dernier, les journalistes et leur avoir fait visiter les locaux de visas France. Du dépôt du dossier à son contenu, en comptant avec la date de son retrait en passant par les conditions d'accueil, le tout ne devait pas dépasser une dizaine de jours.
«Pourquoi sommes-nous obligés
de payer des frais supplémentaires ?»
Un rendez-vous pour le dépôt du dossier en moins de 72 heures et son retrait dix jours après seulement. Les demandeurs algériens reconnaissent que pour ce qui est des délais, «c'est exactement ce qu'on vous a dit», nous a affirmé un grand nombre d'entre eux. Reste «le reste » qui est le plus important et le plus compliqué à leurs yeux. «C'est ce qui compte le plus pour nous», disent-ils. Il s'agit du contenu du dossier et de ce qui est exigé par les services consulaires français. «D'abord, on se pose la question pourquoi sommes-nous obligés de payer des frais supplémentaires, les frais de traitement de dossier par la société privée à raison de 2.300 dinars », nous dit ce jeune homme à bout de nerf parce que le visa lui a été refusé. «Ce sont les Français qui veulent améliorer les conditions d'octroi du visa, ils ont décidé de choisir cette société et pas une autre, ils ont décidé de son emplacement dans Alger, alors pourquoi nous obligent-ils à débourser pour des conditions qu'ils veulent mettre en avant pour vanter le soi-disant bien-être des relations algéro-françaises ? », s'est interrogé un universitaire. Il n'est pas le seul à râler sur la manière avec laquelle les Français «traitent les Algériens même chez nous et se targuent à tord de faire toujours mieux ». Les prestations de services auxquelles recourt le Consulat de France à Alger sont, selon tous, «de trop, surtout que les responsables ont dit que depuis le 1er octobre dernier, il est désormais question de visa biométrique, ce qui signifie une prise d'empruntes par ce même prestataire, or ce n'est pas le cas. On paie 2.300 DA parce qu'ils veulent gagner bien plus d'argent », se plaint ce père de famille qui avait en main cinq passeports.
«C'est du vol ! C'est de l'arnaque !»
«Gagner plus », c'est qu'il a calculé avec les 5.000 DA que le Consulat général exige du demandeur comme frais de visa. Ce qui l'oblige à débourser 7.300 DA à chaque demande de visa. «On n'est jamais sûr d'avoir le visa même si le dossier contient tout ce qui nous est exigé », nous affirme ce cadre d'un ministère. «Il n'est pas normal qu'on nous rejette notre demande sans nous notifier la raison du rejet », commente-elle. En cas de refus, les services consulaires ne remboursent même pas une partie de la somme remise. «C'est du vol, c'est de l'arnaque, on fait de la politique sur notre dos et on nous oblige à payer, ce n'est pas normal », ajoute-t-elle. Autre fait frustrant chez les demandeurs «une fois le rendez-vous obtenu pour retirer le visa, on vous donne un ticket et on vous laisse attendre de longues heures devant la porte, ils auraient pu trouver moins humiliant », se plaint ce groupe de fonctionnaires. «Ce sont les accompagnateurs », nous avait répondu le Consul général de France, Francis Heude, lorsque nous lui avons demandé en octobre pourquoi les gens attendent-ils dehors. «Faux ! », nous disent ceux qui attendent, nous sommes les demandeurs mais on nous fait attendre comme ils veulent, que ce soit sous la pluie ou sous le soleil ». Ils n'oublient pas de reprocher aux services consulaires français de faire «du business avec les dossiers puisqu'ils exigent de nous qu'on paie une assurance alors qu'on n'est jamais sûr d'avoir le visa donc on n'est pas sûr de partir ». Selon eux, «ils devraient nous laisser le choix de la contracter au moins au moment de notre départ vers la France. De toute manière, si la police des frontières nous la réclame, c'est nous que ça concerne, pas eux ». Pour un mécontentement, c'en est un et il enfle de jour en jour. Comme au temps où la foule s'agglutinait aux premières lueurs de l'aube devant le Consulat général de France à Hydra. Avant que Visas France ne vienne élire domicile à Ben Aknoun dans une rue bien étroite de la capitale.
par Ghania Oukazi
Les demandeurs algériens de visa auprès des services français sont loin de partager l'avis du Consul général de France à Alger qui, lui, pense avoir nettement amélioré les conditions de son octroi.
A la Rue Manaa Lakhdar, à Ben Aknoun, la circulation est dense. La rue, bien étroite, est encombrée au même titre que les grandes artères algéroises. Elle l'est parce qu'elle abrite, depuis le mois d'octobre dernier, le siège de Visas France, une société française privée chargée de traiter les dossiers des demandeurs algériens de visa. Tôt le matin, un grand nombre de personnes occupent déjà les trottoirs bordant la rue. Au-delà du mécontentement des habitants du quartier qui s'emportent contre les automobilistes qui garent devant leur porte, font des manoeuvres bruyantes ou occupent tout simplement le quartier, il y a celui des demandeurs de visa qui enfle de plus en plus depuis que les services consulaires français ont chargé Visas France de traiter pour eux tous les dossiers. Le mécontentement, faut-il le rappeler, a toujours existé en raison des conditions d'octroi de visa qui ont été, en général, difficiles pour la plupart des demandeurs algériens. L'on se rappelle les longs délais d'attente d'une réponse hypothétique des services consulaires français après avoir fourni un dossier d'une lourdeur bureaucratique encombrante. L'accueil n'était pas non plus correct. Grand nombre d'Algériens ont eu, au moins une fois, à marchander une place «respectable » devant le Consulat général de France à Alger - c'est-à-dire une parmi les cent premières - avec d'autres qui trouvaient un malin plaisir à les occuper - pour les vendre - dès les premières heures du matin. Depuis le 1er octobre dernier, les choses ont totalement changées, enfin du moins elles le devaient. Le Consul général de France en a parlé avec précision lorsqu'il avait reçu, début octobre dernier, les journalistes et leur avoir fait visiter les locaux de visas France. Du dépôt du dossier à son contenu, en comptant avec la date de son retrait en passant par les conditions d'accueil, le tout ne devait pas dépasser une dizaine de jours.
«Pourquoi sommes-nous obligés
de payer des frais supplémentaires ?»
Un rendez-vous pour le dépôt du dossier en moins de 72 heures et son retrait dix jours après seulement. Les demandeurs algériens reconnaissent que pour ce qui est des délais, «c'est exactement ce qu'on vous a dit», nous a affirmé un grand nombre d'entre eux. Reste «le reste » qui est le plus important et le plus compliqué à leurs yeux. «C'est ce qui compte le plus pour nous», disent-ils. Il s'agit du contenu du dossier et de ce qui est exigé par les services consulaires français. «D'abord, on se pose la question pourquoi sommes-nous obligés de payer des frais supplémentaires, les frais de traitement de dossier par la société privée à raison de 2.300 dinars », nous dit ce jeune homme à bout de nerf parce que le visa lui a été refusé. «Ce sont les Français qui veulent améliorer les conditions d'octroi du visa, ils ont décidé de choisir cette société et pas une autre, ils ont décidé de son emplacement dans Alger, alors pourquoi nous obligent-ils à débourser pour des conditions qu'ils veulent mettre en avant pour vanter le soi-disant bien-être des relations algéro-françaises ? », s'est interrogé un universitaire. Il n'est pas le seul à râler sur la manière avec laquelle les Français «traitent les Algériens même chez nous et se targuent à tord de faire toujours mieux ». Les prestations de services auxquelles recourt le Consulat de France à Alger sont, selon tous, «de trop, surtout que les responsables ont dit que depuis le 1er octobre dernier, il est désormais question de visa biométrique, ce qui signifie une prise d'empruntes par ce même prestataire, or ce n'est pas le cas. On paie 2.300 DA parce qu'ils veulent gagner bien plus d'argent », se plaint ce père de famille qui avait en main cinq passeports.
«C'est du vol ! C'est de l'arnaque !»
«Gagner plus », c'est qu'il a calculé avec les 5.000 DA que le Consulat général exige du demandeur comme frais de visa. Ce qui l'oblige à débourser 7.300 DA à chaque demande de visa. «On n'est jamais sûr d'avoir le visa même si le dossier contient tout ce qui nous est exigé », nous affirme ce cadre d'un ministère. «Il n'est pas normal qu'on nous rejette notre demande sans nous notifier la raison du rejet », commente-elle. En cas de refus, les services consulaires ne remboursent même pas une partie de la somme remise. «C'est du vol, c'est de l'arnaque, on fait de la politique sur notre dos et on nous oblige à payer, ce n'est pas normal », ajoute-t-elle. Autre fait frustrant chez les demandeurs «une fois le rendez-vous obtenu pour retirer le visa, on vous donne un ticket et on vous laisse attendre de longues heures devant la porte, ils auraient pu trouver moins humiliant », se plaint ce groupe de fonctionnaires. «Ce sont les accompagnateurs », nous avait répondu le Consul général de France, Francis Heude, lorsque nous lui avons demandé en octobre pourquoi les gens attendent-ils dehors. «Faux ! », nous disent ceux qui attendent, nous sommes les demandeurs mais on nous fait attendre comme ils veulent, que ce soit sous la pluie ou sous le soleil ». Ils n'oublient pas de reprocher aux services consulaires français de faire «du business avec les dossiers puisqu'ils exigent de nous qu'on paie une assurance alors qu'on n'est jamais sûr d'avoir le visa donc on n'est pas sûr de partir ». Selon eux, «ils devraient nous laisser le choix de la contracter au moins au moment de notre départ vers la France. De toute manière, si la police des frontières nous la réclame, c'est nous que ça concerne, pas eux ». Pour un mécontentement, c'en est un et il enfle de jour en jour. Comme au temps où la foule s'agglutinait aux premières lueurs de l'aube devant le Consulat général de France à Hydra. Avant que Visas France ne vienne élire domicile à Ben Aknoun dans une rue bien étroite de la capitale.
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