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Benjamin Stora a propos de Abane Ramdane

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  • Benjamin Stora a propos de Abane Ramdane

    A l’issue d’une recherche sur les nationalismes algérien et marocain pour laquelle il a séjourné à Rabat de 1998 à 2001, l’historien Benjamin Stora, considéré comme un des meilleurs spécialistes du Maghreb, vient de publier Algérie-Maroc. Histoires parallèles, destins croisés, aux éditions Zelije. L’histoire s’écrit en fonction des enjeux du présent, estime l’historien, faisant référence aux retours de mémoire tant au Maroc qu’en Algérie et plus particulièrement au débat sur Abane Ramdane.

    L’étude comparative de l’histoire de l’Algérie et celle du Maroc répond-elle à une quelconque opportunité ?
    J’ai travaillé pendant de très nombreuses années de manière exclusive sur l’histoire algérienne sans me référer à d’autres histoires nationales maghrébines. Mais en allant vivre au Maroc pour faire cette recherche comparative, je me suis aperçu qu’il n’existait pas d’histoire comparée entre ces deux pays, alors que beaucoup de choses les rassemblent. Il y a aussi ce qui les différencie, les sépare. Ma première préoccupation a été celle de combler un vide, d’essayer de dresser des passerelles, de comprendre les singularités et les différences entre les deux pays. Il n’y a pas d’opportunité spécifique, il y a la nécessité d’ouvrir un chantier pour qu’à l’heure de la globalisation culturelle, des circulations économiques, il est absolument incroyable de rester dans des histoires étroitement nationales.


    Les points de rapprochement entre les deux pays sont-ils plus nombreux que les divergences ?
    Les points de convergence sont très forts, ils se manifestent à travers la langue, les traditions… Il n’ y a pas de dépaysement lorsqu’on traverse la frontière, mais lorsqu’on vit au Maroc, on s’aperçoit que les stratégies nationalistes, les propagandes politiques ont fait leur effet sur les sociétés. Il y a à la fois cette espèce de convergence de l’évidence et la séparation politique.


    Au point de retarder cette union du Maghreb souhaitée de longue date ?
    Les stratégies nationalistes, les stratégies de légitimation de l’Etat-nation l’ont emporté sur la construction de l’Union du Maghreb. Cela tient à l’histoire coloniale, et à d’autres raisons, mais plus particulièrement à des litiges d’espace, notamment le Sahara puisque dès l’indépendance de l’Algérie il y a eu, en 1963, la guerre des Sables, puis en 1975 la Marche verte, le conflit du Sahara occidental, et dans les années 90 la question de l’islamisme, de sa perception et de son interprétation. Bien sûr qu’il y a eu des discours, des programmes, des démarches en vue de l’Union du Maghreb mais, à chaque fois, on a eu le sentiment que les deux Etats essayaient de se légitimer l’un par rapport à l’autre. Pour affronter les défis de la mondialisation économique et aussi pour exister face à l’Europe, la question des blocs régionaux est plus que jamais posée.


    Qu’est-ce qui pourrait débloquer cette situation ?
    Il faudrait une volonté politique, une circulation libre entre les deux pays des marchandises et des hommes. Force est de constater que cette volonté politique, pour l’instant, n’existe pas. Pour commencer il faudrait peut-être envisager des transversalités entre intellectuels et universitaires des deux pays, pour permettre des forums de débats, de discussions et d’échanges permanents sur des questions telles que la langue, le système éducatif, la condition féminine. Je prends ces trois exemples parce que ce sont des problèmes absolument identiques dans les deux pays. Il pourrait y avoir des débats en fonction des expériences qui se mènent de part et d’autre. Il faudrait aussi peut-être favoriser la disponibilité des journaux algériens au Maroc et réciproquement. On relève, aussi bien au Maroc qu’en Algérie, un désir très fort d’expression de la société sur des thèmes tels que l’histoire, l’exercice politique, la démocratie…
    Ce que je constate en tant qu’historien, ce sont les retours de mémoire dans les deux pays en fonction des exigences du présent, en fonction de ce qui se passe dans les sociétés. Au Maroc, sur ce qu’on a appelé les années de plomb, c’est-à-dire la nature du règne de Hassan II, il y a eu de très fortes critiques dans une série d’ouvrages, ou exprimées par des associations comme le forum Vérité et Justice qui a mis à l’ordre du jour le débat sur le problème de l’amnistie, de la réconciliation et de la réparation. Le même débat a lieu en Algérie dans des conditions très différentes. Faut-il se réconcilier ? Faut-il au contraire ne pas accepter l’oubli ? Cette question du rapport à l’oubli est centrale. Elle est posée dans les deux sociétés. Il y a aussi la question berbère qui est transversable. Dans les deux pays s’exprime une volonté de s’approprier une histoire longue, ancienne qui ne soit plus simplement l’histoire coloniale. Des recherches s’effectuent des deux côtés. Il y a aussi les débats sur les leaders nationalistes, sur l’histoire contemporaine immédiate. Ces débats trouvent leur origine dans des mouvements de société qui visent à des réappropriations identitaires, à des approfondissements démocratiques. A partir de là, on va chercher dans l’histoire. Ces débats-là trouvent leur origine dans un double aspect. Ils sont, d’une part, portés par les sociétés qui vont chercher des acteurs de légitimation de leur combat présent. On le voit bien à travers le débat sur Abane Ramdane, on ne peut pas le comprendre indépendamment de ce qui se passe en Kabylie. Il y a, d’autre part, l’aspect des luttes politiques au sens précis du terme, c’est-à-dire de légitimation du pouvoir, de déligitimation de l’autre.


    Les historiens semblent être en retrait du débat sur Abane Ramadane ?
    Cela se passe toujours comme cela. Il n’y a pas de débats académiques historiens abstraits. Il y a des recherches historiques qui se mènent dans le silence. Quand se produit ce type d’éclatement de polémique (ndlr sur Abane Ramdane), les historiens ne peuvent dire qu’une chose : tant mieux si les archives s’ouvrent, si de nouvelles paroles s’expriment ! C’est comme cela que s’écrit, dans le fond, l’histoire. L’histoire ne s’écrit pas de manière sereine, elle s’écrit toujours de manière saccadée, brusque, en fonction des enjeux du présent. C’est lorsque les sociétés manifestent leur volonté de savoir que des chantiers s’ouvrent pour les historiens. Les historiens peuvent précéder ce mouvement, mais il est évident que c’est grâce aux mouvements de société qu’il y a une accélération. Ce qui me frappe tant en Algérie qu’au Maroc, c’est la timidité des historiens à approcher l’histoire contemporaine.


    Comment l’expliquez-vous ?
    Pendant très longtemps, l’histoire a été un enjeu très brûlant de légitimation des jeunes Etats. L’histoire contemporaine est un enjeu directement politique. Pour arriver au stade de séparation entre enjeux idéologiques et histoires académiques, il faut toute une série de conditions, soit l’existence d’une corporation historienne, un espace démocratique qui permet aux historiens de s’exprimer indépendamment des pressions de l’Etat, il faut que l’Etat accepte de perdre le monopole qu’il exerce sur l’écriture de l’histoire.

    L’Etat n’est-il pas en train de perdre ce monopole ?
    Il l’est vraisemblablement, parce que la société bouge, parce que des acteurs entrent en compétition, parce qu’il y a une diffusion des travaux des historiens dans l’espace public. La parole n’est plus une parole monolithique. Il y a une perte progressive, mais pas totale du monopole de l’écriture de l’histoire par les Etats. La question de la Kabylie a provoqué des réactions en retour. C’est-à-dire une défense de l’arabité, du nationalisme arabe, du nassérisme. Autour de la personnalité de Abane Ramdane, il y a eu des polémiques qui sont des polémiques de crispation sur l’arabité politique. A partir de là il y a des tentatives d’opposer le 20 août 1956 au 1er novembre 1954, des tentatives de légitimation qui permettraient de se rapprocher davantage de ce qu’est le nationalisme arabe au sens classique du terme, par rapport à une revendication dangereuse pour l’Etat-nation du point de vue de son unité, qui serait celle du berbérisme politique. C’est cela aussi le contexte du débat sur Abane Ramdane. C’est aussi le rapport au monde arabe dans le sens politique du terme. Il y a à la fois une revendication de paternité de la Révolution sur le nom de Abane venant du milieu, entre guillemets, du berbérisme politique, alors que Abane Ramdane était un jacobin, un rassembleur. A partir de 1955, Abane Ramdane avait voulu, en particulier avec Ouamrane, que toutes les tendances politiques soient représentées. C’est lui qui est allé chercher les oulémas. Vouloir aujourd’hui le présenter en apôtre d’une sorte de revendication régionaliste, c’est faire un contresens historique absolu, c’est un rassembleur politique. C’est le Jean Moulin algérien. L’un comme l’autre ont prêté le flanc à la critique, à l’attaque, l’un comme l’autre ont été assassinés. L’un comme l’autre ont voulu sortir de leur propre camp pour parler à toute la nation. Abane Ramdane était dans la logique unificatrice de la résistance algérienne, c’est-à-dire de ne laisser personne sur le bas- côté. On ne peut pas comprendre le 20 août 1956 (congrès de la Soummam) indépendamment du 20 août 1955. Le 20 août 1956, c’était la traduction politique du soulèvement populaire dans le Constantinois du 20 août 1955. Le 20 août 1956, c’était la réponse d’une primauté de l’intérieur sur l’extérieur, de l’organisation de l’ALN… Ce n’est pas par hasard que le congrès de la Soummam se soit tenu le 20 août.



    N.B Elwatan 26/11/02
    « la libération de l'Algérie sera l'œuvre de tous », Abane Ramdane 1955.

  • #2
    j'etais sur le point de te sauter dessus quand j'ai lu

    l’historien Benjamin Stora, considéré comme un des meilleurs spécialistes du Maghreb, vient de publier Algérie-Maroc.
    heureusement , que j'ai parcouru l'article à la verticale et j'ai vu qu'il datait du 26/11/02 .......

    un trés bon livre qui analyse avec minutie et objectivité l'évolution des systèmes politiques et des peuples des deux grands pays du maghreb.

    un ouvrage à conseiller à certains esprits echaudés sur ce forum .
    " Je me rend souvent dans les Mosquées, Ou l'ombre est propice au sommeil " O.Khayaâm

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    • #3
      j'etais sur le point de te sauter dessus quand j'ai lu
      Il faut venir sur le forum pour te détendre Cell, pas pour te stresser!!!
      « la libération de l'Algérie sera l'œuvre de tous », Abane Ramdane 1955.

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      • #4
        merci d'avoir posté ça,

        je trouve effarant que M Stora nous dise que c'est la question de la Kabylie qui a provoqué "une défense de l’arabité"...

        ensuite il répond à une polémique sur Abane Ramdan qui aurait été régionaliste !
        personnellement je ne l'avais jamais vu comme un régionaliste et je n'ai jamais considéré le berberisme comme regionaliste !

        je ne prétend pas être une élite mais j'aimerais bien rencontrer B Stora pour discuter de ça.

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        • #5
          Cote d'azul

          je ne prétend pas être une élite mais j'aimerais bien rencontrer B Stora pour discuter de ça.
          Quant on veut on peut.
          Les libertés ne se donnent pas, elles se prennent

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