REUTERS/Amr Dalsh
Au Caire, tensions religieuses et difficultés économiques poussent de plus en plus de chrétiens vers l'exil.
Ce sont des images glaçantes, de celles que les coptes se montrent pour nourrir leur peur. Sur les vidéos postées sur Internet, des dizaines d'hommes et de femmes, d'apparence ordinaire, saccagent et tentent d'incendier un lieu de prière chrétien aux cris de "Allahou akbar" (Dieu est le plus grand) et "La ilaha illa Allah" (Il n'y a d'autre Dieu que Dieu).
La scène s'est déroulée le 23 novembre dernier à Ain Shams, dans la périphérie du Caire: des centaines d'habitants du quartier ont attaqué une usine désaffectée et rachetée par l'Eglise copte, qui se plaint des entraves placées à la construction de nouveaux lieux de prière. Cette fois, l'incident n'a pas dégénéré en pogrom. Mais cela a été le cas, en 1981, à Zawiya el-Hamra, dans la banlieue de la capitale (14 morts, officiellement), et en 2000, à Al-Kocheh, en moyenne Egypte (20 morts).
La plus grande communauté chrétienne du Proche-Orient
Le nombre de coptes est l'un des secrets les mieux gardés d'Egypte: le chiffre de 6 à 10% de la population (soit de 4 à 8 millions de fidèles) est communément admis, mais l'Eglise copte orthodoxe avance celui de 12?millions. C'est la plus grande communauté chrétienne au Proche-Orient.
Evangélisés par saint Marc, les coptes sont restés majoritaires en Egypte jusqu'au XIVe siècle, sept cents ans après la conquête arabo-musulmane. Très fiers de leurs origines (le mot "copte" dériverait du grec aiguptios), ils se considèrent comme les descendants des pharaons, et vivent d'autant plus mal de voir leur patriotisme mis en doute dans l'armée, qui les écarte des postes de commandement. La Constitution étant fondée sur la charia, la loi islamique, ils sont aussi exclus de facto de certaines hautes fonctions, comme la présidence de la République. Le Parlement ne compte qu'un seul copte sur 454 députés.
Après la récente agression, les autorités ont semblé répondre sans zèle particulier. Et les coptes ont une nouvelle fois courbé l'échine, leur patriarche, Chenouda III, les ayant appelés à ne plus utiliser le bâtiment pour prier.
Entre 250 000 et 500 000 fidèles seraient exilés aux Etats-Unis
Ces derniers mois, les affrontements intercommunautaires, parfois meurtriers, se sont multipliés en Egypte, accroissant le malaise des chrétiens, de plus en plus nombreux à vouloir s'exiler. Dans le quartier huppé d'Heliopolis, Sylvia a pris sa décision. Dans quelques jours, elle va fermer la porte de son appartement. Définitivement.
A 30 ans, elle a renoncé à son poste de responsabilité dans une multinationale pour entamer une deuxième vie avec son mari et son fils âgé de 4 ans. Objectif: s'installer à Sydney, en Australie. Le "réseau de l'Eglise", explique Sylvia, leur viendra en aide s'il le faut. A contrecoeur, elle tourne le dos à cette Egypte qu'elle ne reconnaît plus, minée par les tensions économiques et religieuses.
"Pendant longtemps, j'ai réussi à faire abstraction des difficultés, parce que j'aime mon pays, soupire la jeune femme. Mais ce n'est plus possible. Tout le monde veut s'en aller. A l'université, nous étions un groupe d'une vingtaine d'amis chrétiens. Huit ans après, nous ne sommes plus que trois à vivre ici."
Dans les années 1950, l'émigration copte concernait surtout "l'élite foncière et intellectuelle touchée par les nationalisations et l'autoritarisme du régime nassérien", souligne Grégoire Delhaye, spécialiste de la diaspora copte à l'American University de Washington. Depuis une dizaine d'années, ajoute-t-il, "le phénomène s'accélère et affecte des milieux sociaux plus modestes, en raison de l'absence d'opportunités professionnelles en Egypte".
Selon les estimations, il y aurait entre 250 000 et 500 000 coptes aux Etats-Unis, et plusieurs dizaines de milliers au Canada et en Australie. Si les motivations économiques sont importantes, le contexte religieux, marqué par une forte réislamisation, pèse aussi. "L'attitude de certains musulmans est devenue si agressive qu'on ne se sent plus respectés, explique Sylvia. Pour eux, l'Egypte, c'est l'islam. C'est une raison de plus pour partir, même si ce n'est pas une solution. Notre décision s'explique par une multitude de facteurs. On supporte, on supporte, et un jour, c'est le trop-plein".
En soi, les discriminations dont les chrétiens se plaignent ne suffisent pas toujours pour pouvoir émigrer: "Les coptes qui demandent l'asile aux Etats-Unis ou au Canada pour persécution religieuse n'obtiennent pas gain de cause, loin de là", précise Grégoire Delhaye. Mais cela n'empêche pas l'organisation US Copts, la plus influente de la diaspora, d'évoquer régulièrement la question devant le Congrès américain, notamment lors des débats de politique étrangère sur la liberté religieuse.
Au Caire, tensions religieuses et difficultés économiques poussent de plus en plus de chrétiens vers l'exil.
Ce sont des images glaçantes, de celles que les coptes se montrent pour nourrir leur peur. Sur les vidéos postées sur Internet, des dizaines d'hommes et de femmes, d'apparence ordinaire, saccagent et tentent d'incendier un lieu de prière chrétien aux cris de "Allahou akbar" (Dieu est le plus grand) et "La ilaha illa Allah" (Il n'y a d'autre Dieu que Dieu).
La scène s'est déroulée le 23 novembre dernier à Ain Shams, dans la périphérie du Caire: des centaines d'habitants du quartier ont attaqué une usine désaffectée et rachetée par l'Eglise copte, qui se plaint des entraves placées à la construction de nouveaux lieux de prière. Cette fois, l'incident n'a pas dégénéré en pogrom. Mais cela a été le cas, en 1981, à Zawiya el-Hamra, dans la banlieue de la capitale (14 morts, officiellement), et en 2000, à Al-Kocheh, en moyenne Egypte (20 morts).
La plus grande communauté chrétienne du Proche-Orient
Le nombre de coptes est l'un des secrets les mieux gardés d'Egypte: le chiffre de 6 à 10% de la population (soit de 4 à 8 millions de fidèles) est communément admis, mais l'Eglise copte orthodoxe avance celui de 12?millions. C'est la plus grande communauté chrétienne au Proche-Orient.
Evangélisés par saint Marc, les coptes sont restés majoritaires en Egypte jusqu'au XIVe siècle, sept cents ans après la conquête arabo-musulmane. Très fiers de leurs origines (le mot "copte" dériverait du grec aiguptios), ils se considèrent comme les descendants des pharaons, et vivent d'autant plus mal de voir leur patriotisme mis en doute dans l'armée, qui les écarte des postes de commandement. La Constitution étant fondée sur la charia, la loi islamique, ils sont aussi exclus de facto de certaines hautes fonctions, comme la présidence de la République. Le Parlement ne compte qu'un seul copte sur 454 députés.
Après la récente agression, les autorités ont semblé répondre sans zèle particulier. Et les coptes ont une nouvelle fois courbé l'échine, leur patriarche, Chenouda III, les ayant appelés à ne plus utiliser le bâtiment pour prier.
Entre 250 000 et 500 000 fidèles seraient exilés aux Etats-Unis
Ces derniers mois, les affrontements intercommunautaires, parfois meurtriers, se sont multipliés en Egypte, accroissant le malaise des chrétiens, de plus en plus nombreux à vouloir s'exiler. Dans le quartier huppé d'Heliopolis, Sylvia a pris sa décision. Dans quelques jours, elle va fermer la porte de son appartement. Définitivement.
A 30 ans, elle a renoncé à son poste de responsabilité dans une multinationale pour entamer une deuxième vie avec son mari et son fils âgé de 4 ans. Objectif: s'installer à Sydney, en Australie. Le "réseau de l'Eglise", explique Sylvia, leur viendra en aide s'il le faut. A contrecoeur, elle tourne le dos à cette Egypte qu'elle ne reconnaît plus, minée par les tensions économiques et religieuses.
"Pendant longtemps, j'ai réussi à faire abstraction des difficultés, parce que j'aime mon pays, soupire la jeune femme. Mais ce n'est plus possible. Tout le monde veut s'en aller. A l'université, nous étions un groupe d'une vingtaine d'amis chrétiens. Huit ans après, nous ne sommes plus que trois à vivre ici."
Dans les années 1950, l'émigration copte concernait surtout "l'élite foncière et intellectuelle touchée par les nationalisations et l'autoritarisme du régime nassérien", souligne Grégoire Delhaye, spécialiste de la diaspora copte à l'American University de Washington. Depuis une dizaine d'années, ajoute-t-il, "le phénomène s'accélère et affecte des milieux sociaux plus modestes, en raison de l'absence d'opportunités professionnelles en Egypte".
Selon les estimations, il y aurait entre 250 000 et 500 000 coptes aux Etats-Unis, et plusieurs dizaines de milliers au Canada et en Australie. Si les motivations économiques sont importantes, le contexte religieux, marqué par une forte réislamisation, pèse aussi. "L'attitude de certains musulmans est devenue si agressive qu'on ne se sent plus respectés, explique Sylvia. Pour eux, l'Egypte, c'est l'islam. C'est une raison de plus pour partir, même si ce n'est pas une solution. Notre décision s'explique par une multitude de facteurs. On supporte, on supporte, et un jour, c'est le trop-plein".
En soi, les discriminations dont les chrétiens se plaignent ne suffisent pas toujours pour pouvoir émigrer: "Les coptes qui demandent l'asile aux Etats-Unis ou au Canada pour persécution religieuse n'obtiennent pas gain de cause, loin de là", précise Grégoire Delhaye. Mais cela n'empêche pas l'organisation US Copts, la plus influente de la diaspora, d'évoquer régulièrement la question devant le Congrès américain, notamment lors des débats de politique étrangère sur la liberté religieuse.
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