Paix sociale et société de consommation
Qatar : le revers de la médaille
03-01-2009
La Tribune
De notre envoyée spéciale à Doha (Qatar)
Faouzia Ababsa
On savait qu’il se situait dans la région du Golfe persique, qu’il faisait partie du Conseil de coopération du Golfe, tout comme l’Arabie saoudite, le sultanat d’Oman, les Emirats arabes unis, Bahreïn et le Koweït et cela à l’occasion de la tenue de réunions de cette structure. Sans plus. Très peu de choses ont été dites sur le Qatar. C’est de ce petit pays qu’il s’agit. Mieux. On entendait rarement parler de cette presqu’île. Toutefois, elle a réussi la prouesse de se faire connaître. Depuis la moitié des années 1990. Plus précisément depuis que l’actuel émir a déposé son propre père en 1995. Hamed Ben Khalifa Al Thani s’est fixé comme objectif de sortir son pays de l’inconnu. Changer son image d’Etat fermé sur lui-même. Selon les différentes versions qui nous ont été rapportées pendant notre séjour à Doha, c’est cet immobilisme qui a valu au père de l’émir sa destitution alors qu’il se trouvait en Suisse. «On lui reprochait de ne pas faire fructifier l’argent du pétrole et du gaz, laissant la population vivre dans des conditions sociales peu envieuses», nous révèle un confrère installé dans ce pays. Point d’investissement, sinon le strict minimum. Ce qui n’a pas manqué de mettre la population en colère. D’où la justification de la destitution. Une destitution qui a ravi les Qataris, sachant que leur nouveau maître est animé d’un esprit très ouvert. Hamed Ben Khalifa Al Thani a la réputation d’être un homme qui a su s’ouvrir au monde extérieur, l’Occident en l’occurrence.
Une princesse omniprésente
Sa deuxième épouse est d’ailleurs très active et s’implique énormément dans la vie politique et sociale. On dit d’elle qu’elle a réussi à influencer beaucoup de décisions prises par l’émir. Les domaines de prédilection de la reine sont essentiellement la famille, la santé, mais surtout l’éducation et la protection du patrimoine. Elle s’y est tellement investie que d’aucuns ne trouvent pas étonnant que Sheikha Mouza parcoure des centaines de milliers de kilomètres pour aller à la découverte de ce qui peut participer à développer son pays. De la Chine à la Grande-Bretagne, en passant par le Japon, aucune contrée ne semble être éloignée pour elle. Ses projets, elle les étudie jusqu’au moindre détail, à l’image de la Cité de l’éducation, dont elle suivra et supervisera l’édification avec une rare passion. Sociologue de formation et titulaire de doctorats honorifiques de l’Université de Virginie Commonwealth et de l’Université du Texas A&M, Cheikha Mouza est mère de 7 enfants. Elle entend venir à bout de tout ce qu’elle entreprend, avec bien entendu l’aval, l’accord, voire la bénédiction du roi, qu’elle soutient dans toutes ses entreprises. Elle est d’ailleurs à la tête de la Fondation du Qatar pour la promotion de l’éducation, des sciences et du développement communautaire, elle préside le Conseil suprême pour les affaires familiales, elle co-préside le conseil suprême pour l’éducation. Elle est également ambassadrice de l’Unesco pour l’éducation de base et l’enseignement supérieur. En impliquant son épouse dans les affaires publiques du pays, l’émir du Qatar voulait certainement démontrer sa différence d’avec les sociétés archaïques de ses voisins du Golfe. Surtout qu’il a la réputation d’un libéral. C’est ainsi, qu’une fois son père déposé, il n’hésitera pas à créer la chaîne de télévision El Djazeera, d’une liberté de ton sans précédent, dans un pays arabe (elle s’est même illustrée par l’apologie du terrorisme), sans pour autant lui permettre (l’accord étant tacite) la moindre critique de la gestion des affaires de la presqu’île. En revanche, elle a été à l’origine de plusieurs incidents diplomatiques, dont celui qui a conduit à la rupture de relations entre le Qatar et la Tunisie, en 2006, avant qu’elles ne soient renouées l’été dernier, entre le Qatar et l’Arabie saoudite, laquelle décide de contrer la chaîne qatarie en créant la chaîne satellitaire El Arabia.
Des buildings comme s’il en pleuvait
C’est en 1940 que le pétrole fut découvert au Qatar. C’était du pain bénit pour ce pays qui ne vivait que de quelques cultures vivrières et de la pêche de la perle. Dès lors, de lourds investissements sont consentis dans le secteur de l’énergie. Une cité de l’énergie est même en voie d’édification avec des partenaires étrangers. Devenu troisième exportateur de gaz, il en détient la troisième réserve mondiale, le Qatar entreprend de se développer. Cependant, en l’absence d’une économie créatrice de richesses, il se tourne vers le tourisme, sachant que l’or noir et le gaz ne sont pas éternels. C’est ainsi que des gratte-ciel ont commencé à pousser comme des champignons. On en construit tous les jours et le délai ne saurait dépasser les huit mois au maximum. Des hôtels haut de gamme, destinés essentiellement à l’hébergement d’hommes d’affaires de passage, notamment ceux intéressés par les investissements dans le secteur énergétique et les marchés de la construction d’infrastructures. C’est le cas, par exemple, du futur pont qui reliera le Qatar à Bahreïn, appelé le pont de l’Amitié. Ou encore du musée d’Art islamique, dont les pièces ont été achetées par centaines sur différents continents. L’orientation de l’économie de rente pétrolière vers une autre, plus dynamique et d’investissements, a fait que le Qatar est devenu un peu plus présent à l’échelle internationale. Inconnue, il y a à peine quelques années, cette presqu’île s’est illustrée par son implication dans la gestion des conflits de la région. Mais aussi par l’organisation de conférences et de séminaires internationaux. «Il y en a au moins tous les mois», nous confie un maître d’hôtel, qui ne semblait pas être déçu ni embarrassé par le travail supplémentaire que ça allait lui demander, du fait du plein enregistré par les différents hôtels de Doha. Concurrençant ses voisins des Emirats arabes unis, le Qatar s’est voulu un interlocuteur incontournable dans tous les domaines. Au plan économique, il investira à l’étranger, notamment dans les secteurs bancaire et financier mais aussi dans l’immobilier. Au plan politique, l’Emirat s’est mis à s’impliquer dans les conflits régionaux, en offrant ses bons offices. Mieux, il a autorisé les Etats-Unis à installer sur son territoire, non loin du siège de la chaîne El Djazeera, le Centcom, poste de commandement américain, à partir duquel ont été lancées les attaques contre l’Irak en 2003, ce qui sonna le glas pour ce pays, qui allait sombrer dans la guerre et la spoliation de ses richesses. L’installation de la base militaire américaine était stratégique pour le Qatar. Il s’est prémuni contre une quelconque attaque venant de l’extérieur, devenant par la force des choses, au détriment d’autres peuples, le protégé de Bush.
A Suivre...
Qatar : le revers de la médaille
03-01-2009
La Tribune
De notre envoyée spéciale à Doha (Qatar)
Faouzia Ababsa
On savait qu’il se situait dans la région du Golfe persique, qu’il faisait partie du Conseil de coopération du Golfe, tout comme l’Arabie saoudite, le sultanat d’Oman, les Emirats arabes unis, Bahreïn et le Koweït et cela à l’occasion de la tenue de réunions de cette structure. Sans plus. Très peu de choses ont été dites sur le Qatar. C’est de ce petit pays qu’il s’agit. Mieux. On entendait rarement parler de cette presqu’île. Toutefois, elle a réussi la prouesse de se faire connaître. Depuis la moitié des années 1990. Plus précisément depuis que l’actuel émir a déposé son propre père en 1995. Hamed Ben Khalifa Al Thani s’est fixé comme objectif de sortir son pays de l’inconnu. Changer son image d’Etat fermé sur lui-même. Selon les différentes versions qui nous ont été rapportées pendant notre séjour à Doha, c’est cet immobilisme qui a valu au père de l’émir sa destitution alors qu’il se trouvait en Suisse. «On lui reprochait de ne pas faire fructifier l’argent du pétrole et du gaz, laissant la population vivre dans des conditions sociales peu envieuses», nous révèle un confrère installé dans ce pays. Point d’investissement, sinon le strict minimum. Ce qui n’a pas manqué de mettre la population en colère. D’où la justification de la destitution. Une destitution qui a ravi les Qataris, sachant que leur nouveau maître est animé d’un esprit très ouvert. Hamed Ben Khalifa Al Thani a la réputation d’être un homme qui a su s’ouvrir au monde extérieur, l’Occident en l’occurrence.
Une princesse omniprésente
Sa deuxième épouse est d’ailleurs très active et s’implique énormément dans la vie politique et sociale. On dit d’elle qu’elle a réussi à influencer beaucoup de décisions prises par l’émir. Les domaines de prédilection de la reine sont essentiellement la famille, la santé, mais surtout l’éducation et la protection du patrimoine. Elle s’y est tellement investie que d’aucuns ne trouvent pas étonnant que Sheikha Mouza parcoure des centaines de milliers de kilomètres pour aller à la découverte de ce qui peut participer à développer son pays. De la Chine à la Grande-Bretagne, en passant par le Japon, aucune contrée ne semble être éloignée pour elle. Ses projets, elle les étudie jusqu’au moindre détail, à l’image de la Cité de l’éducation, dont elle suivra et supervisera l’édification avec une rare passion. Sociologue de formation et titulaire de doctorats honorifiques de l’Université de Virginie Commonwealth et de l’Université du Texas A&M, Cheikha Mouza est mère de 7 enfants. Elle entend venir à bout de tout ce qu’elle entreprend, avec bien entendu l’aval, l’accord, voire la bénédiction du roi, qu’elle soutient dans toutes ses entreprises. Elle est d’ailleurs à la tête de la Fondation du Qatar pour la promotion de l’éducation, des sciences et du développement communautaire, elle préside le Conseil suprême pour les affaires familiales, elle co-préside le conseil suprême pour l’éducation. Elle est également ambassadrice de l’Unesco pour l’éducation de base et l’enseignement supérieur. En impliquant son épouse dans les affaires publiques du pays, l’émir du Qatar voulait certainement démontrer sa différence d’avec les sociétés archaïques de ses voisins du Golfe. Surtout qu’il a la réputation d’un libéral. C’est ainsi, qu’une fois son père déposé, il n’hésitera pas à créer la chaîne de télévision El Djazeera, d’une liberté de ton sans précédent, dans un pays arabe (elle s’est même illustrée par l’apologie du terrorisme), sans pour autant lui permettre (l’accord étant tacite) la moindre critique de la gestion des affaires de la presqu’île. En revanche, elle a été à l’origine de plusieurs incidents diplomatiques, dont celui qui a conduit à la rupture de relations entre le Qatar et la Tunisie, en 2006, avant qu’elles ne soient renouées l’été dernier, entre le Qatar et l’Arabie saoudite, laquelle décide de contrer la chaîne qatarie en créant la chaîne satellitaire El Arabia.
Des buildings comme s’il en pleuvait
C’est en 1940 que le pétrole fut découvert au Qatar. C’était du pain bénit pour ce pays qui ne vivait que de quelques cultures vivrières et de la pêche de la perle. Dès lors, de lourds investissements sont consentis dans le secteur de l’énergie. Une cité de l’énergie est même en voie d’édification avec des partenaires étrangers. Devenu troisième exportateur de gaz, il en détient la troisième réserve mondiale, le Qatar entreprend de se développer. Cependant, en l’absence d’une économie créatrice de richesses, il se tourne vers le tourisme, sachant que l’or noir et le gaz ne sont pas éternels. C’est ainsi que des gratte-ciel ont commencé à pousser comme des champignons. On en construit tous les jours et le délai ne saurait dépasser les huit mois au maximum. Des hôtels haut de gamme, destinés essentiellement à l’hébergement d’hommes d’affaires de passage, notamment ceux intéressés par les investissements dans le secteur énergétique et les marchés de la construction d’infrastructures. C’est le cas, par exemple, du futur pont qui reliera le Qatar à Bahreïn, appelé le pont de l’Amitié. Ou encore du musée d’Art islamique, dont les pièces ont été achetées par centaines sur différents continents. L’orientation de l’économie de rente pétrolière vers une autre, plus dynamique et d’investissements, a fait que le Qatar est devenu un peu plus présent à l’échelle internationale. Inconnue, il y a à peine quelques années, cette presqu’île s’est illustrée par son implication dans la gestion des conflits de la région. Mais aussi par l’organisation de conférences et de séminaires internationaux. «Il y en a au moins tous les mois», nous confie un maître d’hôtel, qui ne semblait pas être déçu ni embarrassé par le travail supplémentaire que ça allait lui demander, du fait du plein enregistré par les différents hôtels de Doha. Concurrençant ses voisins des Emirats arabes unis, le Qatar s’est voulu un interlocuteur incontournable dans tous les domaines. Au plan économique, il investira à l’étranger, notamment dans les secteurs bancaire et financier mais aussi dans l’immobilier. Au plan politique, l’Emirat s’est mis à s’impliquer dans les conflits régionaux, en offrant ses bons offices. Mieux, il a autorisé les Etats-Unis à installer sur son territoire, non loin du siège de la chaîne El Djazeera, le Centcom, poste de commandement américain, à partir duquel ont été lancées les attaques contre l’Irak en 2003, ce qui sonna le glas pour ce pays, qui allait sombrer dans la guerre et la spoliation de ses richesses. L’installation de la base militaire américaine était stratégique pour le Qatar. Il s’est prémuni contre une quelconque attaque venant de l’extérieur, devenant par la force des choses, au détriment d’autres peuples, le protégé de Bush.
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