Trois nouveaux livres retracent la longue route de la paix au Moyen-Orient, des valises de dollars de la CIA au pessimisme de George W. Bush.
Des soldats israéliens en route vers la bande de Gaza, le 5 janvier 2008 (Sipa)
Des soldats israéliens en route vers la bande de Gaza, le 5 janvier 2008 (Sipa)
Barack Obama n’a pas dit grand-chose la semaine dernière sur les affrontements de Gaza. Comme l’ont rappelé ses conseillers, "il n’y a qu’un président", et celui-ci a déjà appelé à un engagement fort de l’Amérique en faveur de la paix. Et pourtant, quand les bombes ont commencé à tomber, le président élu a dû être tenté de simplement détourner le regard. Dénoncer une "guerre ouverte" serait bien plus risqué pour la crédibilité des Etats-Unis dans le reste du monde, et coûteux à l’intérieur en terme politique. Comme le dit la sagesse populaire, on se bat en terre sainte depuis des milliers d’années, il serait présomptueux pour l’Amérique de penser qu’elle peut mettre un terme à cette guerre.
Pourtant, trois excellents ouvrages récemment parus suggèrent que cette logique est profondément erronée. Dans le conflit Israelo-Palestinien, quand la diplomatie s’éloigne, le statu quo se renforce. La supériorité militaire d’Israel rend le rapport de force "fondamentalement déséquilibré" écrivent Daniel Kurtzer et Scott Lasensky dans un rapport incisif paru sous le titre "Negotiating Arab-Israeli Peace (191 pages, U.S. Institute of Peace). "Livrées à elles-mêmes, les parties en présence ne seront pas en mesure d’aplanir les obstacles profonds et structurels à la paix". Sur les cinquante dernières années, le prix d’une politique américaine plutôt décousue n’a cessé de s’accroître.
C’est la thèse du nouveau livre de Patrick Tyler : "A World of Trouble : The White House and the Middle East — From the Cold War to the War on Terror" (Farrar, Straus and Giroux, 628 pages). Selon Tyler : "Malgré six décennies d’implication croissante des Etats-Unis au Moyen-Orient, il est pratiquement impossible d’en dégager une stratégie d’ensemble pour la région, comparable à celle qui inspira la politique américaine durant la guerre froide". Cependant, les bons sentiments ne sont pas le meilleur moyen de résoudre ce conflit, l’un des plus tenaces que connaît le monde. Dans ses mémoires, Martin Indyk qui fit partie de l’équipe de négociateurs de la paix de la présidence Clinton, démontre la difficulté d’agir de façon équilibrée ("Innocent Abroad : An Intimate Account of American Peace Diplomacy in the Middle East" 494 pages. Simon & Schuster).
La diplomatie américaine dans la région n’a pas toujours pris autant de pincettes. A l’automne 1956, Washington est averti par ses services de renseignements qu’Israel masse des troupes à côté de Gaza, dans le désert du Negev. L’administration américaine découvre alors qu’Israel complote avec le Royaume-Uni et la France pour s’emparer du canal de Suez, nationalisé l’été précédent par Gamal Abdel Nasser, le populaire président Egyptien. Les Américains sont furieux des plans secrets concoctés par leurs alliés. Golda Meir, alors ministre des affaires étrangères israélien, avance un argument similaire à ce qu’a pu défendre par la suite Ehud Barak : "Imaginez des ennemis lançant des attaques contre les Etats-Unis depuis les frontières mexicaines et canadiennes". Mais le président Eisenhower ne veut rien savoir. Comme le raconte Tyler, il demande un retrait des troupes, suspend les livraisons de pétrole au Royaume Uni, et annule des prêts. Les conspirateurs sont forcés de se soumettre.
Dans ces années d’après-guerre, Nasser n’est pas encore devenu un opposant systématique des Etats-Unis. La diplomatie et les espions américains font une cour assidue (et maladroite) aux leaders nationalistes Arabes, en Syrie et en Egypte. Kermit (Kim) Roosevelt, agent de la CIA et petit-fils du président Théodore Roosevelt, distribue aux alliés potentiels des valises de cash, des millions de dollars. Nasser ne manque pas dy déceler qu'on essaie de l'acheter. Aussi, comme le rappelle Tyler, les nationalistes Arabes utilisent-ils l’argent pour construire au centre du Caire une tour surmontée d’un restaurant pivotant, baptisée par la population "l’érection de Roosevelt". Dès le milieu des années cinquante, Nasser était prêt à signer un contrat d’armement pour 100 millions de dollars avec l’Union Soviétique, et la Syrie devait suivre.
Des soldats israéliens en route vers la bande de Gaza, le 5 janvier 2008 (Sipa)
Des soldats israéliens en route vers la bande de Gaza, le 5 janvier 2008 (Sipa)
Barack Obama n’a pas dit grand-chose la semaine dernière sur les affrontements de Gaza. Comme l’ont rappelé ses conseillers, "il n’y a qu’un président", et celui-ci a déjà appelé à un engagement fort de l’Amérique en faveur de la paix. Et pourtant, quand les bombes ont commencé à tomber, le président élu a dû être tenté de simplement détourner le regard. Dénoncer une "guerre ouverte" serait bien plus risqué pour la crédibilité des Etats-Unis dans le reste du monde, et coûteux à l’intérieur en terme politique. Comme le dit la sagesse populaire, on se bat en terre sainte depuis des milliers d’années, il serait présomptueux pour l’Amérique de penser qu’elle peut mettre un terme à cette guerre.
Pourtant, trois excellents ouvrages récemment parus suggèrent que cette logique est profondément erronée. Dans le conflit Israelo-Palestinien, quand la diplomatie s’éloigne, le statu quo se renforce. La supériorité militaire d’Israel rend le rapport de force "fondamentalement déséquilibré" écrivent Daniel Kurtzer et Scott Lasensky dans un rapport incisif paru sous le titre "Negotiating Arab-Israeli Peace (191 pages, U.S. Institute of Peace). "Livrées à elles-mêmes, les parties en présence ne seront pas en mesure d’aplanir les obstacles profonds et structurels à la paix". Sur les cinquante dernières années, le prix d’une politique américaine plutôt décousue n’a cessé de s’accroître.
C’est la thèse du nouveau livre de Patrick Tyler : "A World of Trouble : The White House and the Middle East — From the Cold War to the War on Terror" (Farrar, Straus and Giroux, 628 pages). Selon Tyler : "Malgré six décennies d’implication croissante des Etats-Unis au Moyen-Orient, il est pratiquement impossible d’en dégager une stratégie d’ensemble pour la région, comparable à celle qui inspira la politique américaine durant la guerre froide". Cependant, les bons sentiments ne sont pas le meilleur moyen de résoudre ce conflit, l’un des plus tenaces que connaît le monde. Dans ses mémoires, Martin Indyk qui fit partie de l’équipe de négociateurs de la paix de la présidence Clinton, démontre la difficulté d’agir de façon équilibrée ("Innocent Abroad : An Intimate Account of American Peace Diplomacy in the Middle East" 494 pages. Simon & Schuster).
La diplomatie américaine dans la région n’a pas toujours pris autant de pincettes. A l’automne 1956, Washington est averti par ses services de renseignements qu’Israel masse des troupes à côté de Gaza, dans le désert du Negev. L’administration américaine découvre alors qu’Israel complote avec le Royaume-Uni et la France pour s’emparer du canal de Suez, nationalisé l’été précédent par Gamal Abdel Nasser, le populaire président Egyptien. Les Américains sont furieux des plans secrets concoctés par leurs alliés. Golda Meir, alors ministre des affaires étrangères israélien, avance un argument similaire à ce qu’a pu défendre par la suite Ehud Barak : "Imaginez des ennemis lançant des attaques contre les Etats-Unis depuis les frontières mexicaines et canadiennes". Mais le président Eisenhower ne veut rien savoir. Comme le raconte Tyler, il demande un retrait des troupes, suspend les livraisons de pétrole au Royaume Uni, et annule des prêts. Les conspirateurs sont forcés de se soumettre.
Dans ces années d’après-guerre, Nasser n’est pas encore devenu un opposant systématique des Etats-Unis. La diplomatie et les espions américains font une cour assidue (et maladroite) aux leaders nationalistes Arabes, en Syrie et en Egypte. Kermit (Kim) Roosevelt, agent de la CIA et petit-fils du président Théodore Roosevelt, distribue aux alliés potentiels des valises de cash, des millions de dollars. Nasser ne manque pas dy déceler qu'on essaie de l'acheter. Aussi, comme le rappelle Tyler, les nationalistes Arabes utilisent-ils l’argent pour construire au centre du Caire une tour surmontée d’un restaurant pivotant, baptisée par la population "l’érection de Roosevelt". Dès le milieu des années cinquante, Nasser était prêt à signer un contrat d’armement pour 100 millions de dollars avec l’Union Soviétique, et la Syrie devait suivre.
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