Les bombardements israéliens sur Gaza opèrent un véritable massacre et mènent une fois de plus le conflit d’occupation israélo-palestinien vers un nouvel abîme sanglant. A l’heure où nous écrivons ces lignes, 420 personnes ont péri et 2180 sont blessées, ce qui fait de ces journées les plus sanglantes depuis 1967. Fortifié par la tiédeur des réactions internationales et par le soutien des États-Unis, le gouvernement israélien a fait savoir que ceci n’est que le début de l’offensive.
Quoique Israël et de nombreux commentateurs puissent prétendre, les bombardements actuels de Gaza ne sont pas une réaction aux tirs de roquettes du Hamas qui a mis fin au cessez-le-feu le 19 décembre. Le journal israélien Haaretz (28.12.2008) écrit que le ministre de la Défense Eduh Barak a ordonné il y a déjà six mois à l’armée de se préparer à cette opération, au moment où le gouvernement israélien avait entamé avec le Hamas les négociations pour un cessez-le-feu. En outre, l’argument qu’Israël veut atteindre le Hamas ne justifie en aucune façon que des civils soient la cible de mesures punitives et d’opérations militaires. En réalité, c’est toute la population de Gaza qui est touchée. Ce qui est véritablement en jeu, c’est, d’une part, la liquidation de la résistance à l’occupation et l’extension de la colonisation sur la rive occidentale du Jourdain et, d’autre part, les élections en Israël. À cette occasion, les partis gouvernementaux veulent reconquérir le terrain perdu sur l’opposition d’extrême droite, dirigée par Benjamin Netanyahu, grâce à une action militaire d’envergure.
Le gouvernement israélien présente systématiquement ses propres méfaits comme de “l’autodéfense”. Israël réussit ainsi à susciter l’illusion qu’il n’a pas souhaité cette violence mais qu’il y est contraint par la violence du Hamas. Cette présentation des choses, reprise par de nombreux médias, repose sur une lecture fausse des faits pour au moins deux raisons.
Tout d’abord elle oublie l’histoire récente. Israël n’est pas la victime, mais le régisseur de ce drame. Comme force d’occupation, Israël contrôle l’espace aérien, les frontières, l’eau et les va-et-vient des Palestiniens de Gaza (et de la rive occidentale du Jourdain). Depuis que Gaza a été décrété « territoire hostile », en septembre 2007, après la prise de pouvoir par le Hamas, Israël bloque l’accès aux fournitures élémentaires. Les conséquences sont dramatiques. Il y a pénurie de tout : nourriture, médicaments, pétrole pour maintenir en fonction les générateurs d’électricité. Toute une population est affamée. Une étude récente démontre que 46 % des enfants souffrent d’anémie aiguë. « L’idée, selon un conseiller du Premier ministre israélien, il y a deux ans, est de mettre les Palestiniens au régime,non de les faire mourir de faim ». Cet objectif scandaleux est atteint. Selon la Croix Rouge, 70 % de la population souffrent d’un manque de nourriture. Il ne s’agit pas ici des conséquences de quelque catastrophe naturelle, mais des suites d’une politique consciente d’un État qui aime s’autoproclamer la seule démocratie au Moyen-Orient. Richard Falk, le rapporteur spécial des Nations-Unies parle d’une « infraction flagrante et massive au droit humanitaire international ».
En outre, on suscite l’impression fausse que Gaza et Israël sont deux adversaires sur pied d’égalité. Israël dispose d’une des armées les mieux équipées au monde contre laquelle les milices palestiniennes ne forment même pas un parti. Dans la mise en route de sa machine de guerre, le gouvernement israélien – au mépris des règles humanitaires – n’épargne aucune vie humaine. La dernière grande attaque sur Gaza, en février 2008, a fait 112 morts, dont un grand nombre de femmes et d’enfants. Bien que toute victime soit une victime de trop, il est important de rappeler que le nombre de morts palestiniens est un multiple des morts israéliens. Le site web du Middle East Policy Council nous apprend qu’en 2008, 29 Israéliens ont été tués contre 432 du côté palestinien. Du côté israélien il s’agit d’une forte diminution depuis 2002, qui totalisa 422 tués. Du côté palestinien, le prix payé est extrêmement élevé : de 1072 tués en 2002 à 432 en 2008, les centaines de morts de ces derniers jours non comptés. Ces chiffres ne tiennent pas compte des nombreux décès dus à l’embargo contre Gaza.
La politique délibérée de punition collective et de famine pour toute une population, dans l’espoir qu’elle se détourne des dirigeants qu’elle a élus, se produit sous les yeux de la communauté internationale. Des rapports bien documentés du rapporteur spécial sur les Droits de l’Homme pour les Nations Unies et des organisations des Droits de l’Homme sont classés sans suite. Le rapporteur spécial Richard Falk a demandé en vain une action immédiate contre ces « atteintes permanentes et à grande échelle au droit humain fondamental à la vie ». Il a demandé que les Nations-Unies fournissent un effort urgent pour protéger la population civile qui « est punie collectivement par une politique qui est égale à la commission de crimes contre l’humanité ». Peut-on être plus clair ?
Malgré cela, les États-Unis et l’Union européenne ont fait tout le contraire pendant tout ce temps. Les Etats-Unis déversent chaque année 2.5 milliards de dollars d’aide militaire à la force d’occupation israélienne et multiplient les accords et projets de collaboration militaire. Washington a toujours soutenu la politique israélienne contre Gaza et a fait savoir qu’il soutient l’impitoyable campagne militaire en cours.
L’Union européenne n’a aucune objection à de bonnes relations avec Israël. Mieux encore. Au dernier sommet européen, début décembre, le Conseil de l’Union européenne a même décidé de « revaloriser » ses relations avec Israël, malgré un vote négatif du parlement européen.
Cette politique cynique des deux grandes puissances est en bonne voie d’enterrer le droit international. Elle sape ainsi toute autorité pour faire la leçon à d’autres en cette matière, alors qu’il y a précisément urgence pour une pression internationale qui mette fin à l’intervention sanglante de l’armée israélienne et au blocus inhumain de Gaza. Nous appelons dès lors à une condamnation vigoureuse d’Israël et à la suspension de tous les accords commerciaux et diplomatiques avec Israël tant que continue la politique d’occupation.
Auteurs du texte : Ludo De Brabander, responsable de l’asbl Vrede et lecteur à l’École supérieure Artevelde de Gand ;Ludo De Witte, publiciste ; Nadia Fadil, post-doctorante à l’Université européenne de Florence et à la KULeuven
Quoique Israël et de nombreux commentateurs puissent prétendre, les bombardements actuels de Gaza ne sont pas une réaction aux tirs de roquettes du Hamas qui a mis fin au cessez-le-feu le 19 décembre. Le journal israélien Haaretz (28.12.2008) écrit que le ministre de la Défense Eduh Barak a ordonné il y a déjà six mois à l’armée de se préparer à cette opération, au moment où le gouvernement israélien avait entamé avec le Hamas les négociations pour un cessez-le-feu. En outre, l’argument qu’Israël veut atteindre le Hamas ne justifie en aucune façon que des civils soient la cible de mesures punitives et d’opérations militaires. En réalité, c’est toute la population de Gaza qui est touchée. Ce qui est véritablement en jeu, c’est, d’une part, la liquidation de la résistance à l’occupation et l’extension de la colonisation sur la rive occidentale du Jourdain et, d’autre part, les élections en Israël. À cette occasion, les partis gouvernementaux veulent reconquérir le terrain perdu sur l’opposition d’extrême droite, dirigée par Benjamin Netanyahu, grâce à une action militaire d’envergure.
Le gouvernement israélien présente systématiquement ses propres méfaits comme de “l’autodéfense”. Israël réussit ainsi à susciter l’illusion qu’il n’a pas souhaité cette violence mais qu’il y est contraint par la violence du Hamas. Cette présentation des choses, reprise par de nombreux médias, repose sur une lecture fausse des faits pour au moins deux raisons.
Tout d’abord elle oublie l’histoire récente. Israël n’est pas la victime, mais le régisseur de ce drame. Comme force d’occupation, Israël contrôle l’espace aérien, les frontières, l’eau et les va-et-vient des Palestiniens de Gaza (et de la rive occidentale du Jourdain). Depuis que Gaza a été décrété « territoire hostile », en septembre 2007, après la prise de pouvoir par le Hamas, Israël bloque l’accès aux fournitures élémentaires. Les conséquences sont dramatiques. Il y a pénurie de tout : nourriture, médicaments, pétrole pour maintenir en fonction les générateurs d’électricité. Toute une population est affamée. Une étude récente démontre que 46 % des enfants souffrent d’anémie aiguë. « L’idée, selon un conseiller du Premier ministre israélien, il y a deux ans, est de mettre les Palestiniens au régime,non de les faire mourir de faim ». Cet objectif scandaleux est atteint. Selon la Croix Rouge, 70 % de la population souffrent d’un manque de nourriture. Il ne s’agit pas ici des conséquences de quelque catastrophe naturelle, mais des suites d’une politique consciente d’un État qui aime s’autoproclamer la seule démocratie au Moyen-Orient. Richard Falk, le rapporteur spécial des Nations-Unies parle d’une « infraction flagrante et massive au droit humanitaire international ».
En outre, on suscite l’impression fausse que Gaza et Israël sont deux adversaires sur pied d’égalité. Israël dispose d’une des armées les mieux équipées au monde contre laquelle les milices palestiniennes ne forment même pas un parti. Dans la mise en route de sa machine de guerre, le gouvernement israélien – au mépris des règles humanitaires – n’épargne aucune vie humaine. La dernière grande attaque sur Gaza, en février 2008, a fait 112 morts, dont un grand nombre de femmes et d’enfants. Bien que toute victime soit une victime de trop, il est important de rappeler que le nombre de morts palestiniens est un multiple des morts israéliens. Le site web du Middle East Policy Council nous apprend qu’en 2008, 29 Israéliens ont été tués contre 432 du côté palestinien. Du côté israélien il s’agit d’une forte diminution depuis 2002, qui totalisa 422 tués. Du côté palestinien, le prix payé est extrêmement élevé : de 1072 tués en 2002 à 432 en 2008, les centaines de morts de ces derniers jours non comptés. Ces chiffres ne tiennent pas compte des nombreux décès dus à l’embargo contre Gaza.
La politique délibérée de punition collective et de famine pour toute une population, dans l’espoir qu’elle se détourne des dirigeants qu’elle a élus, se produit sous les yeux de la communauté internationale. Des rapports bien documentés du rapporteur spécial sur les Droits de l’Homme pour les Nations Unies et des organisations des Droits de l’Homme sont classés sans suite. Le rapporteur spécial Richard Falk a demandé en vain une action immédiate contre ces « atteintes permanentes et à grande échelle au droit humain fondamental à la vie ». Il a demandé que les Nations-Unies fournissent un effort urgent pour protéger la population civile qui « est punie collectivement par une politique qui est égale à la commission de crimes contre l’humanité ». Peut-on être plus clair ?
Malgré cela, les États-Unis et l’Union européenne ont fait tout le contraire pendant tout ce temps. Les Etats-Unis déversent chaque année 2.5 milliards de dollars d’aide militaire à la force d’occupation israélienne et multiplient les accords et projets de collaboration militaire. Washington a toujours soutenu la politique israélienne contre Gaza et a fait savoir qu’il soutient l’impitoyable campagne militaire en cours.
L’Union européenne n’a aucune objection à de bonnes relations avec Israël. Mieux encore. Au dernier sommet européen, début décembre, le Conseil de l’Union européenne a même décidé de « revaloriser » ses relations avec Israël, malgré un vote négatif du parlement européen.
Cette politique cynique des deux grandes puissances est en bonne voie d’enterrer le droit international. Elle sape ainsi toute autorité pour faire la leçon à d’autres en cette matière, alors qu’il y a précisément urgence pour une pression internationale qui mette fin à l’intervention sanglante de l’armée israélienne et au blocus inhumain de Gaza. Nous appelons dès lors à une condamnation vigoureuse d’Israël et à la suspension de tous les accords commerciaux et diplomatiques avec Israël tant que continue la politique d’occupation.
Auteurs du texte : Ludo De Brabander, responsable de l’asbl Vrede et lecteur à l’École supérieure Artevelde de Gand ;Ludo De Witte, publiciste ; Nadia Fadil, post-doctorante à l’Université européenne de Florence et à la KULeuven
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