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Un génocide en Palestine ?

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  • Un génocide en Palestine ?

    Billet posté le dimanche 4 janvier à 09:56 par Henri Goldman.

    Une guerre sanglante s’est rallumée à quelques milliers de kilomètres. Elle mobilise nos affects comme aucun autre conflit n’a jamais réussi à le faire. Et comme, en ce moment précis, nous nous sentons impuissants, ces affects se libèrent dans la surenchère des mots qui sont le substitut des armes. L’obsession qu’ils charrient est tout à fait singulière. Des deux côtés, cette obsession nous renvoie à la Seconde Guerre mondiale et au judéocide, comme si c’était indispensable pour sacraliser ses propres engagements. Cela fait des décennies qu’Israël fait payer aux Palestiniens le plus grand crime européen de toute l’histoire et inscrit le supposé « refus arabe » dans le grand refus éternel dont les Juifs seraient victimes.

    En miroir, sur les images de solidarité avec les bombardés de Gaza, on voit défiler des pancartes où l’étoile de David est mise en parallèle avec la croix gammée et Gaza avec Auschwitz. Sur Internet, des sites sérieux affirment que les Palestiniens sont victimes d’un génocide et suggèrent que ceux qui refusent de l’admettre et de le nommer comme tel ont la solidarité frileuse.

    Faut-il se scandaliser de cette inflation terminologique ? « Il y a suffisamment d’arguments et d’adjectifs pour dénoncer et qualifier les atrocités commises par les forces d’occupation israéliennes pour qu’il soit nécessaire de les présenter comme des “actes de génocide”. Pour autant, à l’échelle humaine où se vivent les deuils, la souffrance d’une mère palestinienne qui vient de perdre son mari et ses trois fils dans un raid de “représailles” n’est pas moindre que s’ils avaient été les victimes d’un génocide estampillé. Je comprends qu’en de tels moments, on souhaite nommer sa douleur en choisissant parmi les mots disponibles ceux qui sont les plus de lourds de sens. Ce n’est sûrement pas face à elle qu’il faut s’indigner bruyamment de l’utilisation abusive d’un mot ou d’une référence. Même les cris de “Mort aux Juifs” (ou leur écho symétrique de “Mort aux Arabes”) et les appels à la vengeance ne m’apparaissent pas inhumains s’ils sont proférés dans le climat de paroxysme émotionnel qui entoure la mise en terre d’un être aimé à jamais disparu. Le scandale ne commence qu’après, quand des discours construits viennent donner une forme politique à cette souffrance et quand les propagandistes de causes douteuses s’abattent comme des charognards sur la douleur des femmes et des hommes qui pleurent leurs morts. » |1|

    C’est pourquoi je tiens ceux qui sont incapables de manifester leur solidarité sans verser de l’huile sur le feu pour des irresponsables qui insultent l’avenir.

    Il faut pourtant s’interroger. « D’où vient cette obsession presque jubilatoire avec laquelle certains critiques d’Israël lui retournent ses références historiques les plus sacrées ? Les anciens génocidés seraient devenus les nouveaux génocidaires, les anciennes victimes (du racisme, des pogroms, de la violence d’État) seraient devenus, exactement dans les mêmes catégories, des bourreaux. (…) Manifestement, il s’est noué autour de la “Mémoire de la Shoah” une relation perverse entre Israël et le reste du monde, dans laquelle l’État hébreu s’adresse à lui au moyen de ce que les psys appellent un double bind, ou une injonction paradoxale. D’une part, il serait toujours le petit Poucet victime, État-mouchoir de poche au milieu d’un océan d’Arabes. À ce titre, il revendique toujours le droit de désigner les nouveaux Hitler qui se dressent devant lui : Nasser, Arafat ou Saddam Hussein et sa “quatrième armée du monde |2|.

    D’autre part, il manipule avec une délectation certaine tous les attributs de la puissance face à ces Arabes “qui ne comprennent que la force”. »

    Dans le même registre, j’ai reçu ce mail d’un ami juif emporté par la tornade nationaliste – celle qui vous attrape par les tripes et vous anesthésie le cerveau – qui s’en prenait à l’appel lancé par l’Union des progressistes juifs de Belgique à manifester le 31 décembre contre l’opération « Plomb durci » |3| :

    « Formidable, vous allez vous retrouver une fois de plus avec des nazislamistes qui appellent au meurtre des juifs dans les mosquées, vous serez à côté de gens qui n’hésiteront pas, une fois de plus et vous les avez déjà entendus, à traiter tous ceux qui ne vont pas dans leur sens de “sales juifs”. » J’étais à la manifestation et n’ai rien vu de tel. Mais c’est maintenant, dans la durée, qu’il faudra continuer à faire preuve de sang-froid pour être, si c’est un tant soit peu possible, utile.

    __________________________________________________ ____

    Post-scriptum (4/1/2009). Un appel intitulé « Arrêtez les crimes israéliens à Gaza » vient d’être rendu public. Issu d’une initiative flamande, il compte à ce jour 126 signataires francophones. Il a été envoyé à la presse quotidienne pour publication. Le voici donc, avec la liste des signataires, en avant-première pour les visiteurs de ce site.

    Le blog d’Henri Goldman
    Dernière modification par DZone, 06 janvier 2009, 20h53.

  • #2
    Crime de masse à Gaza, émeute à Bruxelles

    Non, ce n’est pas un scoop. Le crime existe. Pas l’émeute. Enfin, touchons du bois, pas encore. Et pourtant il y aurait de quoi. Mais patience, j’y reviendrai dans quelques lignes.

    À Gaza, le crime annoncé a bien lieu. On le présente comme l’opération la plus sanglante menée par l’État d’Israël depuis 40 ans (RTBF, journal de 19h). Voici comment le résume, dans un communiqué daté d’hier, l’Union juive française pour la paix |1| :
    « L’armée israélienne a attaqué Gaza cette nuit avec des moyens militaires énormes. Le premier bilan fait état de 150 morts, civils pour la plupart. Ce massacre était annoncé, envisagé et commenté ces derniers jours dans la presse israélienne, après la fin de la trêve respectée par le Hamas et rompue sans arrêt par l’armée israélienne. »

    Mais, surtout, le communiqué précise d’emblée : « Ce crime a été rendu possible par l’impunité totale accordée à Israël depuis bientôt 9 ans et le soutien actif dont il bénéficie au sein de l’Union Européenne.
    Il est le résultat direct du “rehaussement de la coopération avec l’UE” imposée par la présidence française contre le vote de report du Parlement Européen. »
    Gaza, en mai 2007
    Dernière modification par DZone, 06 janvier 2009, 20h55.

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    • #3
      Rehaussement : pour comprendre de quoi il s’agit, voici un extrait de la présentation qu’en fait le site IsraëlValley, de la Chambre de commerce France-Israël, en date du 14 décembre :

      « Les vingt-sept ministres des Affaires étrangères de l’Union européenne ont voté à l’unanimité en faveur du rehaussement des relations avec Israël, rapporte le Haaretz. Ce rehaussement se traduira notamment par une série d’activités communes telles la tenue à Bruxelles de sommets annuels entre le Premier ministre israélien et les chefs d’État européens (un premier sommet de ce type se tiendra en avril prochain) et des rencontres trimestrielles du ministre israélien des Affaires étrangères avec ses homologues européens. » On considère généralement que ce « rehaussement » fait d’Israël l’équivalent d’un 28ème État de l’Union européenne.

      Comment justifier le « rehaussement » ? Le 10 décembre, Alain Gresh, sur son blog du Monde Diplomatique, résumait ainsi l’argumentation :

      « Toute la stratégie française (et européenne) de rapprochement avec Israël est justifiée par le fait qu’une amélioration des relations permettrait à l’Union européenne et à la France d’influer sur la politique israélienne. » Et il ajoutait :« Il suffit de voir ce qui se passe à Gaza, l’extension des colonies, les pogroms anti-arabes, pour mesurer le succès de cette stratégie. »

      C’est effectivement une constante européenne de ne surtout jamais rien faire de concret qui puisse déplaire aux autorités israéliennes sous prétexte de conserver auprès d’elles sa capacité d’influence. Un curieux raisonnement, dont l’inefficacité est pourtant aveuglante et qui ne se s’applique à aucun autre État du monde.

      Le rehaussement avait été bloqué au Parlement européen, suite à l’engagement de quelques parlementaires, dont Véronique De Keyser (PS). Par contre, aucune voix socialiste ne s’est opposée au vote de la Belgique dans le cadre du rehaussement voté par le Conseil. La réponse du gouvernement belge, rédigée par Patrick Dewael et lue par Annemie Turtelboom (VLD) à l’interpellation de Josy Dubié (Écolo) est édifiante :

      « Je vais profiter de ce dialogue intensifié entre l’Union européenne et Israël ainsi que des contacts bilatéraux entre la Belgique et ce pays pour insister encore davantage sur le devoir – nécessaire et incontournable – qu’a celui-ci de respecter le droit international, le droit communautaire et ses propres engagements dans le cadre du processus de paix. Et j’agirai de même à l’égard de l’Autorité palestinienne, sur laquelle pèsent également des obligations. »

      Ce qui leur a valu ce commentaire de Josy Dubie : « J’ai l’impression que l’histoire bégaie. Cela fait quarante ans que j’entends ce discours concernant les pressions exercées sur ce pays afin, par exemple, qu’il mette fin à la colonisation. Or, rien n’a changé dans ce domaine. Sur place, ce “rehaussement” sera, une fois de plus, interprété comme une prime à la violation du droit international et un renoncement aux valeurs défendues par l’Union européenne. »

      Il ne croyait pas si bien dire. Faut-il rire ou pleurer devant les états d’âmes des huiles européennes pleurnichant comme d’habitude sans rien faire d’autre devant la brutalité planifiée de leur meilleur allié proche-oriental ?

      N’y a-t-il pas quelques raisons de vouloir hurler que l’hypocrisie a des limites à la face de ce continent des droits de l’Homme qui donne des leçons de morale à la terre entière ? Comment expliquer à notre jeunesse arabo-musulmane, qui s’identifie avec quelque raison à la Palestine, que nos États cautionnent un crime rampant qui dure depuis quarante ans en toute impunité internationale ?

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      • #4
        Si demain cette colère se manifeste de façon un peu brutale, de doctes professeurs de vertu viendront dénoncer l’« importation du conflit », comme si la solidarité avec les peuples en lutte, de l’Algérie au Chili en passant par le Vietnam, n’était pas à mettre au crédit de l’opinion démocratique. J’espère que, pour rester audible, cette colère légitime respectera le cadre de l’État de droit, les personnes et les biens. Ma crainte, je l’avoue, est qu’elle s’en prenne à des Juifs individuels plutôt qu’à la lâcheté collective de nos gouvernants |2|.

        Comme je l’écrivais dans un billet précédent : De la géopolitique mondiale aux écoles de Molenbeek, il n’y a qu’un pas. L’islamisme des garages, les roulements de mécaniques des petits caïds des quartiers et des préaux ne sont que le pathétique revers des dénis de justice que nous tolérons, en Irak ou en Palestine. Si nous ne comprenons pas ce qui relie le local et le global et n’agissons pas en conséquence, nous aurons beau manier avec toute l’intelligence du monde la carotte et le bâton, nous n’arriverons à rien.

        Le blog d’Henri Goldman

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