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Décès maternels et infantiles à Tamanrasset

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  • Décès maternels et infantiles à Tamanrasset

    La Tribune : Pourriez-vous nous faire un état des lieux du secteur de la santé dans la wilaya de Tamanrasset ...

    Dr Ahmed Zenati : Si je dois parler de la situation du secteur de la santé dans notre wilaya, je dois revenir sur ce qui se passait et ce qui existait auparavant, c’est-à-dire durant les années 1980/90. Et ce, en tenant compte du fait que cette wilaya occupe pratiquement le quart de la superficie totale de l’Algérie. Il y avait donc deux hôpitaux qui totalisaient 330 lits, avec trois polycliniques et des centres de santé qui nécessitaient des réaménagements. En 2000 et 2002, nous avons commencé les travaux de réhabilitation de ces structures et mis en place un ensemble de matériels (radiologie, chirurgie dentaire, scanner…) pour leur bon fonctionnement. Nous avons aussi procédé -nous continuons encore l’opération- à l’ouverture de laboratoires d’analyses médicales dans toutes les communes et les daïras de la wilaya. Nous avons également lancé une vaste opération de renouvellement du parc automobile, en l’occurrence les ambulances, pour l’évacuation des personnes malades, étant donné que plus de 40% de la population vit dans des zones enclavées. La raison pour laquelle nous avons, en parallèle, mis en place un système d’équipes mobiles pour au moins deux visites par mois dans ces régions éparses de la wilaya.

    Et concernant le personnel médical, y a-t-il suffisamment de médecins ?

    Nous avons trois médecins par commune. Des communes de 2 000 à 4 000 habitants mais qui sont très éloignées l’une de l’autre. Cela en ce qui concerne les médecins généralistes. Concernant les médecins spécialistes, il y avait un manque important avant l’année 2006. Depuis, nous avons reçu jusqu’à 70, mais nombre d’entre eux sont repartis vers le Nord à la fin de leur service civil qui dure une année. Nous avons beaucoup souffert de cette instabilité durant la période allant du mois de mars à septembre derniers. De nouveaux médecins sont arrivés aujourd’hui -nous sommes à 45 médecins spécialistes entre Tamanrasset et In Salah- mais cela reste insuffisant d’autant que le manque concerne particulièrement les spécialités de base comme la réanimation, la radiologie, la chirurgie et la gynécologie. Concernant cette dernière spécialité, nous avons cinq gynécologues à In Salah et un seul à Tamanrasset. Ce n’est pas du tout adapté aux besoins de la population. Certes, il y a une nette amélioration par rapport au passé, en ce qui concerne notamment l’infrastructure d’accueil et le matériel mais le manque de médecins spécialistes est considéré comme un handicap majeur pour assurer la bonne prise en charge sanitaire des populations locales.

    Quelles sont les maladies qui pèsent lourd dans cette wilaya ?

    Il y a bien sûr le sida. Nous avons aussi les maladies non transmissibles comme l’hypertension artérielle et le diabète. Il y a également le paludisme.

    Le paludisme ?

    C’est une région frontalière. Nous traitons pratiquement 70% des malades qui viennent du Mali et du Niger. Nous sommes obligés de les traiter parce qu’ils représentent un réservoir potentiel pour l’émergence d’épidémies, entre autres le paludisme. Pour ce qui est du sida, le problème n’est pas seulement lié à ces étrangers mais également à la population locale. Cette année (2008), nous avons enregistré 72 cas de sida dont 45% sont des étrangers (essentiellement des Maliens et des Nigériens) et 55% des Algériens. Ces 55% ne sont pas nécessairement des gens de la wilaya de Tamanrasset puisqu’il y a parmi eux des personnes venues du Nord.

    Et comment se fait la prise en charge de ces personnes atteintes du sida ?


    Nous sommes un centre de référence depuis l’année 2001. Nous avons commencé le traitement par la trithérapie en 2003. Notre centre de dépistage du virus du sida effectue plus de 6 000 tests par an.

    Et pour les autres maladies ?

    Le grand problème à Tamanrasset concerne la santé maternelle et infantile. Les décès maternels sont malheureusement assez importants dans cette wilaya. Nous avons 119 cas de décès maternels pour 100 000 naissances vivantes. Ça dépasse la moyenne normale qui est de 86 à 88 cas pour 100 000 naissances vivantes. La cause première en est l’analphabétisme. Quand on parle de la santé, il ne faut pas se référer seulement à l’infrastructure, au matériel médical et au personnel… Il faut voir l’environnement dans lequel évolue ce secteur. Les femmes qui décèdent souffrent généralement de problèmes d’hypertension artérielle, d’hémorragie post-délivrance… des problèmes qu’elles pourraient éviter si elles suivaient bien leur grossesse, si elles respectaient le planning familial, etc.

    Ce qui n’est pas toujours le cas puisque la grande majorité de ces femmes est analphabète. Il est vrai aussi que l’accouchement en milieu assisté est passé de 44% durant les années 2000 et 2002 à près de 80% aujourd’hui mais les véritables problèmes persistent.

    Pour les décès infantiles (petit poids à la naissance, détresse respiratoire…), nous sommes aux alentours de 30 cas de décès pour 1 000 naissances vivantes. La moyenne normale est de 25 pour 1 000 naissances vivantes. Nous constatons une nette amélioration par rapport aux années précédentes mais ce n’est pas suffisant pour arriver à la moyenne normale. Nous sommes en train de faire les efforts nécessaires mais ces indicateurs ne peuvent changer sans qu’il y ait un changement profond de l’environnement. Et quand je dis environnement, je fais surtout référence au problème d’analphabétisme. C’est l’ennemi juré de la santé.

    Qu’en est-il du personnel paramédical ?

    Durant les années 1980/90, le plus grand nombre des paramédicaux venait du Nord. En 2002, nous avons bénéficié d’un programme de formation pour la wilaya, avec le concours du ministère de la Santé, de la Population et de la Réforme hospitalière. Cette mesure nous a permis de répondre à une demande très importante de paramédicaux mais aussi de sages-femmes. Beaucoup de ces sages-femmes n’aiment pas toutefois travailler dans les régions enclavées, comme c’est le cas, par exemple, à Tinzaouatine et Aïn Guezzam. Dans ces régions, ce sont les médecins généralistes qui font office de sages-femmes (accouchement, planning familial, dépistage du col de l’utérus…).
    Nous manquons aussi de laborantins dans certaines régions. Il faut donner plus d’autonomie à ces régions enclavées pour assurer une bonne prise en charge sanitaire de leurs habitants.

    Le privé est-il suffisamment présent dans cette wilaya ?

    Il y a justement un problème très important à soulever à ce sujet. La santé à Tamanrasset est presque totalement prise en charge par le secteur public. Nous n’avons que dix médecins généralistes et six à sept spécialistes qui sont installés à titre privé.

    Pour les chirurgiens-dentistes, nous en avons quatre seulement pour toute la wilaya. Tout le reste est pris en charge par le secteur public. Pour ce qui est des médicaments, sachez que ce sont les médecins du secteur public -des équipes mobiles- qui assurent souvent et les consultations et la distribution des médicaments dans les régions enclavées. Et ce n’est pas chose facile, étant donné la superficie de la wilaya.

    Quels sont vos projets pour le court et moyen terme ?

    Nous comptons construire une maternité urbaine de 60 lits. Nous allons bientôt lancer les travaux de réalisation d’un centre de désintoxication. Nous allons aussi bénéficier d’un hôpital de psychiatrie de 120 lits dont l’étude est pratiquement finalisée.

    Par la Tribune
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