Les mots qui tuent.
Le 13 janvier 2009
Selon l’étymologie du mot, un terroriste devrait être quelqu’un qui sème la terreur. En ce sens, plus un groupe armé, y compris l’armée régulière d’un pays, possède des armes puissantes, plus il peut semer la terreur. Peut-on être plus terroriste qu’en faisant pleuvoir des centaines de tonnes d’obus et de bombes, y compris des bombes à fragmentation et légèrement radioactives, sur une ville en quelques minutes ou quelques heures ? Peut-on terroriser une population habitant sur un espace exigu, plus qu’en lui bloquant toutes les issues de fuite et l’arrosant d’un feu continuel durant douze jours faisant près d’un millier de morts (dont la moitié avaient moins de 16 ans) et quelques milliers de blessés ?
Mais les mots ont le sens que leur donnent les conventions et leur sens évolue. De nos jours on réserve le nom de « terroristes » à ceux qui ne peuvent pas se permettre tous ces armements sophistiqués, et qui ont recours à des armes rudimentaires et mènent donc des guerres « non symétriques » ne répondant plus aux normes. Pour certains, la raison principale d’appeler un groupe terroriste est le fait qu’il s’attaque à des civils et non seulement à des militaires. Mais on ne se préoccupe pas en général de savoir si ces terroristes ne sont pas eux-mêmes des civils qui ont été opprimés et attaqués de diverses façons durant toute leur vie.
Le dérapage sémantique est cependant allé plus loin. Même s’il n’y a aucune définition communément admise du terrorisme, dès qu’on a appliqué à quelqu’un ce titre de terroriste, cet individu est tellement diabolisé qu’il a perdu concrètement tous ses droits humains. Pour quelques pays occidentaux - et pas des moindres - il est devenu tout à fait normal d’assassiner quiconque est considéré « terroriste », sans aucune forme de procès. Comme le terroriste est considéré comme un ennemi universel, il est considéré comme un danger pour toute l’humanité et quiconque peut impunément l’éliminer, même si c’est en envoyant sur sa voiture ou sa résidence un missile qui tuera en même temps sa femme et ses enfants et quelques voisins. Quiconque lui est proche est considéré terroriste par contagion.
Cela devient plus dramatique encore lorsqu’un groupe appartenant à une nation dont tous les droits ont été bafoués depuis soixante ans essaye de faire valoir ses droits par toutes sortes de moyens les uns politiques, les autres violents. Il suffit qu’une soi-disant grande puissance déclare ce groupe « terroriste » pour que tous les membres de l’organisation soient considérés « terroristes » et donc « cible légitime » pour l’assassinat, même s’il s’agit d’enseignants et de médecins qui n’ont jamais eu aucune activité violente.
Prenons le cas du Hamas. La lutte pour la reconquête des droits des Palestiniens expulsés de leurs terres et ensuite occupés dans les territoires limités qui leur étaient restés, avait été incarnée durant plus de 25 ans par Yasser Arafat et son parti politique le Fatah. Malgré sa reconnaissance d’Israël et toutes les concessions faites à Oslo, Arafat n’a jamais pu obtenir d’Israël le respect des promesses faites. C’est en réaction à cet échec que se forma le groupe du Hamas, décidé de ne pas se laisser piéger de la même façon et de ne pas reconnaître Israël tant qu’Israël ne reconnaîtrait pas un état Palestinien viable. Cela semble tout simplement logique. (Et l’ironie veut que, comme c’est maintenant communément admis en Israël, c’est Israël qui a encouragé la formation du Hamas pour affaiblir Arafat).
Le Hamas est une organisation politique ayant une branche militaire, comme cela semble normal pour un peuple occupé, encerclé et dont les dirigeants sont sans cesse sous la menace d’être assassinés par un missile venu du pays voisin. La réaction symbolique de cette milice consiste alors à répliquer à ces assassinats par un lancement de roquettes auquel réplique un lancement de missiles israéliens, et le cercle infernal continue. Mais ce qui défie la compréhension est que les projectiles allant dans un sens soient terroristes mais pas ceux allant dans l’autre, même s’ils tuent un nombre beaucoup plus grand de civils.
Le Hamas, en tant que parti politique, a été élu par le Peuple palestinien dans une élection dont personne ne peut douter du caractère totalement démocratique. Ce fut la surprise générale. La première élection démocratique dans le monde arabe (de quoi faire rougir de honte les dictatures pro-américaines du Golfe). Les États-Unis déclarèrent que le Hamas étant terroriste ne devrait pas être reconnu. Et l’Union Européenne après beaucoup de tergiversations fit de même. Ce fut une erreur monumentale, responsable en grande partie du sang versé actuellement à Gaza. On connaît la suite. Israël arrêta 45 membres du parlement, considérés comme criminels du simple fait qu’ils appartenait au parti Hamas (sans se soucier de savoir et encore moins de démontrer qu’aucun d’entre eux n’aie jamais fait de violence ou incité à la violence ). Ils sont toujours dans les geôles israéliennes. On exigeait pour reconnaître ce gouvernement élu qu’il reconnaisse Israël, mais sans demander à Israël de reconnaître un état palestinien. On exigeait également de ce gouvernement qu’il cesse de se défendre, mais sans demander à Israël de cesser d’assassiner ses autorités élues.
Suite ...
Le 13 janvier 2009
Selon l’étymologie du mot, un terroriste devrait être quelqu’un qui sème la terreur. En ce sens, plus un groupe armé, y compris l’armée régulière d’un pays, possède des armes puissantes, plus il peut semer la terreur. Peut-on être plus terroriste qu’en faisant pleuvoir des centaines de tonnes d’obus et de bombes, y compris des bombes à fragmentation et légèrement radioactives, sur une ville en quelques minutes ou quelques heures ? Peut-on terroriser une population habitant sur un espace exigu, plus qu’en lui bloquant toutes les issues de fuite et l’arrosant d’un feu continuel durant douze jours faisant près d’un millier de morts (dont la moitié avaient moins de 16 ans) et quelques milliers de blessés ?
Mais les mots ont le sens que leur donnent les conventions et leur sens évolue. De nos jours on réserve le nom de « terroristes » à ceux qui ne peuvent pas se permettre tous ces armements sophistiqués, et qui ont recours à des armes rudimentaires et mènent donc des guerres « non symétriques » ne répondant plus aux normes. Pour certains, la raison principale d’appeler un groupe terroriste est le fait qu’il s’attaque à des civils et non seulement à des militaires. Mais on ne se préoccupe pas en général de savoir si ces terroristes ne sont pas eux-mêmes des civils qui ont été opprimés et attaqués de diverses façons durant toute leur vie.
Le dérapage sémantique est cependant allé plus loin. Même s’il n’y a aucune définition communément admise du terrorisme, dès qu’on a appliqué à quelqu’un ce titre de terroriste, cet individu est tellement diabolisé qu’il a perdu concrètement tous ses droits humains. Pour quelques pays occidentaux - et pas des moindres - il est devenu tout à fait normal d’assassiner quiconque est considéré « terroriste », sans aucune forme de procès. Comme le terroriste est considéré comme un ennemi universel, il est considéré comme un danger pour toute l’humanité et quiconque peut impunément l’éliminer, même si c’est en envoyant sur sa voiture ou sa résidence un missile qui tuera en même temps sa femme et ses enfants et quelques voisins. Quiconque lui est proche est considéré terroriste par contagion.
Cela devient plus dramatique encore lorsqu’un groupe appartenant à une nation dont tous les droits ont été bafoués depuis soixante ans essaye de faire valoir ses droits par toutes sortes de moyens les uns politiques, les autres violents. Il suffit qu’une soi-disant grande puissance déclare ce groupe « terroriste » pour que tous les membres de l’organisation soient considérés « terroristes » et donc « cible légitime » pour l’assassinat, même s’il s’agit d’enseignants et de médecins qui n’ont jamais eu aucune activité violente.
Prenons le cas du Hamas. La lutte pour la reconquête des droits des Palestiniens expulsés de leurs terres et ensuite occupés dans les territoires limités qui leur étaient restés, avait été incarnée durant plus de 25 ans par Yasser Arafat et son parti politique le Fatah. Malgré sa reconnaissance d’Israël et toutes les concessions faites à Oslo, Arafat n’a jamais pu obtenir d’Israël le respect des promesses faites. C’est en réaction à cet échec que se forma le groupe du Hamas, décidé de ne pas se laisser piéger de la même façon et de ne pas reconnaître Israël tant qu’Israël ne reconnaîtrait pas un état Palestinien viable. Cela semble tout simplement logique. (Et l’ironie veut que, comme c’est maintenant communément admis en Israël, c’est Israël qui a encouragé la formation du Hamas pour affaiblir Arafat).
Le Hamas est une organisation politique ayant une branche militaire, comme cela semble normal pour un peuple occupé, encerclé et dont les dirigeants sont sans cesse sous la menace d’être assassinés par un missile venu du pays voisin. La réaction symbolique de cette milice consiste alors à répliquer à ces assassinats par un lancement de roquettes auquel réplique un lancement de missiles israéliens, et le cercle infernal continue. Mais ce qui défie la compréhension est que les projectiles allant dans un sens soient terroristes mais pas ceux allant dans l’autre, même s’ils tuent un nombre beaucoup plus grand de civils.
Le Hamas, en tant que parti politique, a été élu par le Peuple palestinien dans une élection dont personne ne peut douter du caractère totalement démocratique. Ce fut la surprise générale. La première élection démocratique dans le monde arabe (de quoi faire rougir de honte les dictatures pro-américaines du Golfe). Les États-Unis déclarèrent que le Hamas étant terroriste ne devrait pas être reconnu. Et l’Union Européenne après beaucoup de tergiversations fit de même. Ce fut une erreur monumentale, responsable en grande partie du sang versé actuellement à Gaza. On connaît la suite. Israël arrêta 45 membres du parlement, considérés comme criminels du simple fait qu’ils appartenait au parti Hamas (sans se soucier de savoir et encore moins de démontrer qu’aucun d’entre eux n’aie jamais fait de violence ou incité à la violence ). Ils sont toujours dans les geôles israéliennes. On exigeait pour reconnaître ce gouvernement élu qu’il reconnaisse Israël, mais sans demander à Israël de reconnaître un état palestinien. On exigeait également de ce gouvernement qu’il cesse de se défendre, mais sans demander à Israël de cesser d’assassiner ses autorités élues.
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