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L’ex-Pdg de l’Enapal recouvre la liberté après 18 années de souffrance

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  • L’ex-Pdg de l’Enapal recouvre la liberté après 18 années de souffrance

    Dix-huit ans après, Hassaïne Zemmouri, l’ancien P-dg de l’ex-Enapal, a recouvré sa liberté. Il a été acquitté avant-hier par la justice, innocenté de tous les chefs d’inculpation. Cette même justice qui l’avait pourtant condamné respectivement à 10, 5 et 3 ans de prison ferme en 1997, 1999 et 2003, après avoir été maintenu en détention préventive durant six ans et demi, soit de 1991 à 1997 au niveau de la maison d’arrêt de Serkadji.

    Le verdict a été prononcé tard dans la soirée de ce dimanche à l’issue d’un procès en assises, qui a duré près de trois heures au niveau de la cour d’Alger. Un procès qui a tenu en haleine toute l’assistance et lors duquel l’avocat de la défense, Me Bouchachi, a exécute une plaidoirie magistrale. Pour sa part, le représentant du ministère public s’est contenté de requérir une amende de 500 000 DA, tout en tenant à apporter une «mise au point», prenant à témoin l’assistance et les cinq membres formant le tribunal criminel. Ainsi, pour M. Farouk Mohamed, «la justice n’est pas là pour porter atteinte aux justiciables. Seule la loi est appliquée dans son intégralité, qu’elle soit en défaveur ou dans l’intérêt du mis en cause». Or, pour Hassaïne Zemmouri, «il y a eu manipulation de la justice à cette époque. Conséquence : j’ai passé six ans et demi en prison et dix-huit années de souffrance». Selon lui, «les chefs d’inculpation de détournement et dilapidation de biens publics et passation de contrat avec une entreprise étrangère au détriment de l’intérêt public sont sans fondement. Ce que j’ai fait était conforme à la réglementation et aux lois de mon pays. Je n’ai jamais trahi la confiance que les responsables de mon pays ont placée en moi, lorsqu’ils m’ont demandé de rentrer au pays et assurer la gestion de l’Enapal pour éviter une catastrophe sociale».

    Récit d’une affaire.«J’ai reçu des instructions pour signer avec Unishipping»

    1990. Hassaïne Zemmouri, qui se trouvait au Canada pour le compte d’une firme internationale spécialisée dans le commerce extérieur, est approché par le ministre de l’Economie de l’époque qui lui demande «de prendre la direction générale de l’Enapal, ex-Onaco, et éviter une catastrophe sociale». «Nous sommes en mai 1990, soit plus d’une année après les événements d’Octobre 1988. Il fallait assurer le pain et le lait aux Algériens et éviter ainsi que d’autres explosions sociales voient le jour. M. Zemmouri n’a pas hésité à répondre à l’appel de la patrie et engager le défi. Il a réussi son pari. Mais sa récompense était tout autre : il a été poursuivi en justice et placé en détention préventive durant six années et demie pour avoir fait gagner à l’Algérie plus de cinq millions de dollars par an», plaide l’avocat de la défense. En effet, la première mesure prise par l’ex-P-dg de l’Enapal consistait à revisiter les termes du contrat de transport des produits alimentaires assurés par son entreprise. «J’ai reçu des instructions du ministre de l’Economie de l’époque pour signer un contrat de transport avec l’entreprise Unishipping pour créer un climat de concurrence avec les autres entreprises de transport maritime de marchandises. Les négociations engagées avec l’entreprise française ont abouti à la conclusion d’un contrat portant une réduction de 37 dollars la tonne sur le prix appliqué par la Cnan», explique le prévenu. En effet, le contrat stipule que «le transport du lait et de la farine lactée du port d’Anvers vers celui d’Alger est de 103 dollars la tonne», alors que jusque-là, le transport était assuré par la Cnan pour 140 dollars la tonne, «avec sous-traitance pour d’autres compagnies étrangères ».

    «Si j’ai causé le moindre préjudice pour mon pays, je suis prêt à payer»

    Les propos tenus par Zemmouri avant-hier en audience ont été soutenus publiquement seize ans avant par le directeur général de l’entreprise française en question. Ce dernier, dans un communiqué rendu public le 22 novembre, a indiqué que «le choix de notre entreprise pour le transport s’est fait en conformité avec la réglementation en vigueur. Nous avons été consultés au même titre que les autres armateurs et opérateurs sur le marché. (…) Nous avons fait économiser à l’Enapal la somme de 37 USD X 150 000 t, soit 5,5 millions de dollars. Le transport du lait était inférieur de 37 dollars par rapport à celui de la concurrence».Un silence religieux règne dans la salle d’audience. Le président du tribunal suit avec une attention particulière les propos du prévenu. En l’espace de dix minutes, pas moins de six questions sont posées à Zemmouri. «Il faut que toute la lumière soit faite sur cette affaire», commente l’avocat du prévenu. «Si dans ce dossier, il y a le moindre soupçon prouvant mon accusation, je suis prêt à payer. A chaque fois, c’est moi-même qui introduisais une cassation au niveau de la Cour suprême pour réviser mon procès. Je n’ai rien fait de mal pour subir toute cette situation. Peut-être mon seul tort est d’avoir respecté la réglementation et avoir répondu à l’appel de mon pays», souligne le mis en cause. L’assistance est tenue en haleine. Les débats sont scrupuleusement suivis. Ceux assurés de temps à autre par le représentant du parquet général replongent le procès dans une ambiance singulière. «Vous dites que vous n’avez pas porté préjudice à l’entreprise publique, or le rapport d’expertise en ma possession indique tout à fait le contraire. Comment expliquezvous cela ?» interroge le procureur. «Absolument pas. Le rapport en notre possession et celui se trouvant chez le président du tribunal criminel ne souffrent aucune ambiguïté. Il affirme clairement qu’aucun préjudice n’a été causé à l’entreprise Enapal lors de la conclusion de son contrat avec Unishipping», fait remarquer l’avocat Bouchachi, lequel, conforté par les propos des trois témoins, entame sa plaidoirie.

    «Zemmouri a préféré rester dans son pays pour défendre son honneur»

    La plaidoirie de l’avocat de la défense était l’autre moment fort du procès. S’adressant aux membres du jury, Me Mustapha Bouchachi remonte dans le temps et resitue l’affaire dans son époque. Il rappelle le tapage médiatique qui a suivi la nomination de Hamrouche à la tête de l’exécutif, la chute de son gouvernement et l’affaire ACT. Et à chaque fois, il rappelle les six années de détention préventive passées par son client à la prison de Serkadji. «Pourquoi a-t-on décidé de le maintenir durant toute cette période en prison ? Pourquoi a-t-on refusé de programmer le jugement de son affaire ? A-t-on peur que la vérité soit connue ? Aujourd’hui, la vérité doit couronner ce procès. Hassaïne Zemmouri n’a commis aucun crime. Tout plaide en sa faveur. Son seul tort, peut-être, est d’avoir répondu à l’appel de son pays. Lors de sa dernière condamnation à trois ans de prison ferme, il aurait pu prendre sa famille et quitter le pays comme certains l’ont fait. Mais lui, il a refusé cette démarche. Il s’est pourvu en cassation, car il considérait qu’il a été condamné pour des actes qu’il n’a pas commis. Aujourd’hui, nous sommes devant une juridiction de son pays et nous plaidons toujours non coupable. Rendez-lui son honneur et celui de sa famille et laissez-le terminer ses jours dans la fierté», conclut l’avocat de la défense sur un ton qui a suscité une grande émotion. Le président du tribunal reprend la parole et s’adresse de nouveau au prévenu : «M. Zemmouri, quel est votre dernier mot ?» «Je suis victime d’une machination. Cela fait dixhuit ans que je souffre et j’ai perdu six années et demie de ma vie en prison. Rendez-moi mon honneur. Réhabilitez-moi aux yeux de ma famille et de mon pays.» Trente-cinq minutes plus tard, le tribunal criminel rend son verdict en répondant à l’unanimité des membres de son jury : «Hassaïne Zemmouri est reconnu non coupable et n’a pas commis de passation de contrat contraire à la réglementation et portant préjudice à l’intérêt national».

    Par le soir
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