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La mémoire d’Alger au fond d’un «fendjel»

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  • La mémoire d’Alger au fond d’un «fendjel»

    Que sont devenus les vieux cafés algérois au fond desquels se sont échafaudés moult événements militants, sportifs, de farniente, de joie et d’espoir?

    Qui se souvient de Kahouiet L’fnardjia (café des F’nardjia) ce fameux café des allumeurs de gaz (f’’nardjia) des réverbères et qui se chargeaient également de les éteindre. Ce café est situé au niveau de la Basse Casbah dans la rue du chahid Rabah-Riah, (ex-rue Porte-Neuve). La porte sud de la Casbah porte une transcription «Bab Djedid».

    C’est un point de rencontre de ces travailleurs «lumineux» de l’époque, qui, à l’aube et au crépuscule de chaque journée, remplissaient leur mission d’éclairer et d’éteindre la vieille ville. Aujourd’hui, hélas, cet établissement est devenu un «vulgaire» magasin aux hideuses portes blindées.

    Ammi Ahmed, un octogénaire au port altier, au demeurant bien au fait de la fréquentation de cet estaminet, car étant du quartier et ayant été un habitué du lieu durant sa jeunesse, a bien voulu nous raconter une page d’histoire de ce café bien connu des vieux Algérois. Il précisera que des religieux militants étaient de la partie comme Cheikh Ben Badis ou son compagnon Tayeb El Okbi, tout en nous montrant une photo d’un groupe d’une trentaine de militants religieux de la première heure.

    Ainsi, il nous a confié que le célèbre roi de la «zorna», en l’occurrence Boualem Titiche, accrochait là son tambourin afin qu’il soit visible par ceux qui venaient solliciter la participation de la «zorna» à un mariage ou à une circoncision, moyennant une somme, qualifiée de modique généralement.
    De même que de nombreux artistes qui fréquentaient ce lieu y étaient abordés pour les mêmes prestations. Au fil du temps, toute cette foule pittoresque s’est déplacée vers un autre lieu, le café Malakoff du même nom que les galeries commerciales qui l’abritaient.

    Un des lieux préférés d’ El Anka

    C’était désormais ce fameux café qui se prêtait à ces sollicitudes et arrangements entre artistes et hôtes. Pour la petite histoire, le duc français Malakoff ou le maréchal Pélissier, mort en mai 1864 à Alger, est tristement célèbre. En 1845, sous le couvert de Bugeaud, il avait enfumé et fait périr 500 insoumis de la tribu des Ouled Riah, réfugiés dans les grottes du Dahra. L’ex-rue Porte-Neuve porte d’ailleurs le nom d’un combattant de la révolution issu de cette région, Rabah Riah.

    Là aussi, un enfant du quartier est venu nous raconter avec plaisir, fougue et passion, l’épopée de ce sympathique café. Hacène, la cinquantaine bien entamée, au teint clair et cheveux châtains, nous rappela que le café se trouvait effectivement dans les galeries Malakoff dont les quatre lourdes portes en fer étaient fermées le soir venu.

    L’établissement fut acquis dans les années 40 par le célèbre mélomane, chanteur de chaâbi El Hadj M’rizek, auteur de l’inoubliable El Qaoua ou Lathaï (Le café et le thé).

    Cette chanson a été reprise partout en Algérie par les chanteurs et ténors du chaâbi dignes de ce nom. Le propriétaire suivant fut un certain Hadj Mokrane Stiti, ex-mandataire à la poissonnerie d’Alger avant qu’il ne vende l’établissement à El Hadj M’hamed El Anka vers 1973/1974. Après la mort du «Cardinal», surnom d’El Anka, le café fut géré quelque temps par son fils El Hadi avant d’être de nouveau vendu à l’occupant actuel Messaoud Nasri. C’était là un lieu de rendez-vous de tous les artistes de la place d’Alger, raconte Hacène. A l’exception de Amar Ezzahi, qui préférait son quartier où est enterré le saint patron d’Alger Sidi Abderrahmane El-Thaâliby (rampe Louni Arezki) ou Abdelkader Chaou, qui n’y fit jusqu’à aujourd’hui que de rares apparitions, tous les artistes convergeaient vers ce lieu encore embaumé de souvenirs des grands maîtres dont les portraits garnissent les murs du café...Feu Dahmane El Harrachi, de son vrai nom Abderrahmane Amrani, tout comme Boudjemâa El Ankiss (ou Mohamed), ou encore feu Hadj Hachemi Guerrouabi passaient dans ce café, question de tâter le «pouls» sur ce qui se dit, se fait ou se défait dans le monde des artistes.

    Nous pouvons aussi citer le café Tlemçani, tout proche de la Grande- Mosquée d’Alger, dans le quartier de la Marine. Il fut longtemps géré par un certain Abdelkader Moussaoui, frère de Boualem, l’un des premiers ambassadeurs d’Algérie à l’aube de l’indépendance. La particularité de ce café était le lieu où s’arrangeaient les mariages entre les familles algéroises, le tout dans le confort feutré de tapis et bercés par le va-et-vient incessant des théières parfumées à la menthe.

    Le Café des sports fait également partie de ces lieux mythiques. Il se situe à la rue Hadj Omar (ex-rue Bruce) non loin de la mosquée Ketchaoua. Bien que tombé en ruine, des portraits en mosaïque des trois principaux sports (football, boxe et cyclisme) figurent encore sur la façade qui a résisté au temps. Il ne faut pas oublier que le sport fut l’un des creusets du nationalisme au même titre que le scoutisme ou la pratique de l’art populaire.
    Le café situé tout près du saint d’Alger, Sidi Abderrahmane, a été l’un des derniers cafés qui préparaient le café selon une méthode traditionnelle intemporelle. Faire chauffer du café directement sur le feu dans un petit «contenant» d’une seule dose, muni d’un long bras pour maintenir l’ustensile sur la braise le temps nécessaire. Ce mode de préparation s’appelle, selon les régions, «ghalaïa» ou «djezoua». Il se pratique à ce jour, dans quelques rares villages du pays.

    Bouzourène, Oubabès et les autres


    Le café El Bahdja, qui se trouve dans une ruelle reliant la rue Bab Azoun à l’ex-Rue de Chartres, a joué un rôle important dans la société algéroise, non de souche, mais implantée depuis quelque temps dans la capitale, dont les membres sont appelés «Ouled lebled». Là également, se tenaient des rencontres entre les parents de futurs couples pour arranger les unions et les fêtes.

    Déambuler dans le Vieil Alger est un doux rafraîchissement pour la mémoire d’un Algérois en quête de souvenirs qui ne cessent de l’interpeller au détour de chaque venelle de la vieille citadelle. Chaque mur lui raconte son histoire, chaque porte cochère des vieilles bâtisses lui fait «un clin d’oeil» comme pour l’inviter à entrer et admirer le patio toujours baigné de lumière et de soleil, contrairement aux ruelles qui, pour leur part, offrent une ombre fraîche.
    Tout en haut de la Casbah, c’est le septuagénaire Ramdane Ouali, ancien militant qui nous narrera l’histoire de deux cafés. Appelé chez lui, il se déplacera pour apporter son témoignage qu’il qualifie de «modeste», sur ces lieux de rencontre, en fait, pour les militants des partis d’avant la révolution armée, comme le PPA ou le Mtld. Il s’agit des cafés de Saïd Bouzourène, Rezki Oubabès et d’Omar Boukas.

    Ces trois lieux ont été assidûment fréquentés par les militants de la première heure qui y préparaient déjà le 1er-Novembre 1954 et qui ont continué ensuite la lutte contre l’OAS lors de ce qu’on appelle la seconde «Bataille d’Alger» explique Ramdane Ouali. Nombre d’entre eux ont été condamnés à mort, d’autres à perpétuité, avant d’être libérés en 1962. Il y a lieu de citer également un autre ancien café, peu connu, du reste, par les citoyens algérois. C’est celui appelé El Hillal. Il se situe sous les arcades entre la mosquée Betchine, et le lycée Emir Abdelkader. Toute la communauté yéménite installée à Alger s’y réunissait pour échanger des anecdotes du pays, sur leur vie et leurs expériences respectives en Algérie.

    Les Européens, eux, se contentaient du Milk Bar dans la rue Ben M’hidi (ex- d’Isly), du Casino musical dans la même rue ou encore du Tantonville. Situé tout près de l’Opéra d’Alger (aujourd’hui Théâtre national d’Alger), ce dernier était surtout fréquenté par des artistes ou encore des magistrats et gens de la justice revenus du tribunal d’Alger situé tout près.
    Cela étant, cette énumération des vieux cafés algérois ne saurait être exhaustive sans l’évocation de celui qui porte le nom si poétique de Café de la treille (Qahouat Lâariche. Il est situé sur l’aile est de la Casbah, dans l’ex-rue El Knaï, tout près de la muraille du Vieil Alger dite Rempart Médée, non loin de la mosquée Es Safir.

    Une treille aux grappes généreuses protégeait du soleil et berçait les consommateurs assis sur des tapis à l’extérieur, fumant leur narguilé et cueillant quelques fleurs de jasmin entrelacées aux branches de la treille pour les mettre dans leur «fendjel» afin de parfumer leur café.

    par l'Expression

  • #2
    A l’exception de Amar Ezzahi, qui préférait son quartier
    Pour Ezzahi c'est plutôt le café El Kawakib

    De toute cette convivialité, et de ces réunions joyeuses, il en reste, hélas, plus rien.

    Sans oublier le côté historique de ces lieux, qui doivent être restaurés, et classés patrimoine national.
    "Tout ce que je sais, c'est que je ne sais rien."
    Socrate.

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    • #3
      J'ai bien aimé le titre de l'article

      Sinon c'est vrai que certains cafés "historiques" ont fermé ou perdu de leur superbe, mais d'autres les ont remplacés. Alger a repris la tradition très française des cafés, ils en existent à chaque coin de rue. La fin des années 90's a vu l'émergence de plusieurs établissement à thèmes sur Alger (des cafés littéraires, aux cafés "lounge" en passant par de petites scènes musicales)...Etc.

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      • #4
        A Constantine le café Nedjma est toujours là....Mais pour cela il faut préférer aller ailleur, n'est-ce pas...
        Ce café est chargé d'Histoire et de mythes.

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        • #5
          Celà reste insuffisant.

          Il y a le café-médiathèque d'Art et Culture de la rue Pichon. Un autre dans le domaine Mezoaur à Sehaoula. Un autre aussi à Birkhadem, j'ai oublié son nom...Mais ça reste timide.
          "Tout ce que je sais, c'est que je ne sais rien."
          Socrate.

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          • #6
            En fait, c'est la clientèle qui manque parfois.
            Il y avait le Diwan-Café dans le Val d'Hydra qui organisait des conférences débats, des concerts, des nuits poésies...Le tout dans une ambiance jeune, festive et un chwia frondeuse

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            • #7
              Si la clientèle se fait rare, celà revient peut-être au fait que ces endroits restent des espaces un peu clos au gand public. Même les riverains ne les connaissent pas parfois.

              Il faut peut-être un peu plus de communication et de publicité.
              "Tout ce que je sais, c'est que je ne sais rien."
              Socrate.

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              • #8
                Si la clientèle se fait rare, celà revient peut-être au fait que ces endroits restent des espaces un peu clos au gand public. Même les riverains ne les connaissent pas parfois.
                A leur décharge, il faut quand même signaler la spécificité de l'urbanisme algérois. Les lieux sont espacés les uns des autres et certains sont très mal desservis par les transports en commun. Donc en dehors des cafés d'Alger centre, les autres sont généralement réservés aux riverains ou aux personnes mécaniquement autonomes.

                Il faut peut-être un peu plus de communication et de publicité.
                Il y aussi le prix des consommations qui les réservent de fait à une niche (en 1999, le prix du café simple était à 50 D.A). D'un autre côté, les patrons ont des besoins de rentabilité (les loyers coûtent chers dans certains quartiers d'Alger, le salaire des employés...etc.).

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                • #9
                  En un mot c'est une question de Moyens matériels.

                  Mais il n y a pas que ça, c'est une multitude de facteurs qui expliquent cette situation léthagique dont souffre le vie culturelle en Algérie.
                  Sachant que le volet culturel n'est qu'un maillon d'une chaîne qui peine à fonctionner.
                  "Tout ce que je sais, c'est que je ne sais rien."
                  Socrate.

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                  • #10
                    Sachant que le volet culturel n'est qu'un maillon d'une chaîne qui peine à fonctionner.
                    Exact, il faut le prendre dans un contexte économique plus global.

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