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La guerre des taux de change

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  • La guerre des taux de change

    La question qui préoccupe les experts depuis le début de l’année est la suivante : quelle ampleur prendront les incidences de l’effondrement des marchés financiers en 2008 sur l’évolution probable des échanges cette année ? Une question incontournable et pertinente qu’ils associent à l’anticipation d’un fort réaménagement des taux de change des principales monnaies d’échange, notamment du dollar.
    Les escarmouches ont commencé, avec pour théâtre l’ensemble de la planète, tant le mal n’épargne personne. Des mesures commerciales restrictives ont déjà vu le jour ou sont sérieusement envisagées aux Etats-Unis, au sein de l’Union européenne, au Brésil, en Russie, en Indonésie et en Inde. Deux enjeux fondamentaux sont à inscrire au centre de ce bras de fer général : l'évolution du dollar américain et la place de la Chine dans les relations économiques internationales.
    Nombre d’observateurs relèvent que la Federal Reserve, la banque centrale américaine, en particulier son président, s'est lancée dans «une course mugabesque à la «débauche de la devise», par référence à une phrase célèbre de Lénine, en raison de leur conviction que ces mesures sont nécessaires pour éviter une répétition des années 1930» (*).
    Il est tout de même paradoxal que le dollar se redresse et prenne de la valeur par rapport aux principales monnaies, en termes de taux de change, alors que les Etats-Unis ont été au cœur ou dans l'épicentre de la crise financière. Son seul maintien à ce niveau de change est déjà source de frictions commerciales. Qu’en sera-t-il en cas de nouvelle appréciation ? Les grandes inquiétudes liées à ce questionnement autour d’une plus forte appréciation du dollar tournent autour de deux points :
    1. Un dollar fort est de mauvais augure pour la libéralisation des échanges. Pour deux raisons : au plan macroéconomique, un tel dollar alimentera à la récession aux Etats- Unis car, au regard de l'effondrement de la consommation et de l'investissement, les exportations nettes et la dépense publique restent les deux seuls leviers pour stimuler la demande.
    La crise économique que nous vivons suit le cercle vicieux classique étudié il y a longtemps par Keynes : les anticipations pessimistes des ménages et des entreprises renforcent encore la dépression qui les avait rendus pessimistes. La sortie de crise passe elle aussi par Keynes : ce n'est pas la dépense privée mais bien la dépense publique qui permettra de rompre ce cercle vicieux. Keynes a été le premier à expliquer que, lorsque l'efficacité marginale anticipée du capital diminue, seul l'Etat est en mesure de capter l'épargne de précaution qui se développe et ne s'investit plus.
    Le rôle de l'Etat est alors de procéder à un recyclage public de cette épargne, sous forme de dépenses publiques, de manière à mettre fin à la dépression issue d'une dépense privée en diminution. Le paradoxe ici est qu’un dollar fort pénalise la compétitivité des exportations américaines et réduit la marge aux seules dépenses publiques, avec leur lot d’endettement interne et la logique d’un pays qui vit au-dessus de ses moyens, au crochet des autres peuples.
    2. Ceci donne à la seconde inquiétude un sens particulier : le renchérissement des exportations états-uniennes, du fait d’une nouvelle appréciation du dollar, ne manquera pas d’alimenter les pressions politiques protectionnistes au profit du secteur de la production de biens manufacturiers.
    Dans l’ensemble, une récession cumulée à un taux de change élevé du dollar est le cocktail idéal pour ressusciter les démons d’un protectionnisme latent dont tous les partis se disputent la paternité.
    En matière d’affaires, seuls les intérêts comptent et les idéologies reprennent leur statut de leurre et de fairevaloir. On oublie souvent que la plus grave flambée de protectionnisme aux Etats-Unis s'est produite dans les années 1980 sous le règne de Ronald Reagan, le chantre de la liberté des marchés et du commerce.
    Il avait cédé aux sirènes protectionnistes et promulgué une série de mesures commerciales restrictives, destinée en grande partie à contrer la menace venant du Japon. Dans les circonstances actuelles, ces mêmes pressions trouveront un accueil plus enthousiaste de la part d’une administration démocrate et d’un Congrès qui ont placé la restauration de la classe moyenne au centre de leur action politique.
    Or, il s’agit justement de la classe qui développe le plus d'anxiété et de rejet à l’endroit de la mondialisation. La Chine a succédé au Japon comme nouveau rival dans une compétition qui fait appel à une surveillance réciproque sourcilleuse des taux de change. Certes, le yuan a été réévalué d'environ 10% depuis le début de la crise en raison de la montée du dollar auquel il est structurellement associé, mais aussi parce que les monnaies concurrentes ont été sensiblement dévaluées.
    La Chine croit donc pouvoir légitimement affirmer qu’elle a procédé au réajustement attendu d’elle, mais ses concurrents jugent la dévaluation du yuan encore importante ; son excédent commercial est alors loin de s’essouffler. Dans quelle configuration se trouve notre pays ? Le remboursement anticipé de la dette extérieure semble l’avoir épargné de retombées incalculables. Antérieurement, la variation du service de la dette consécutivement à une variation d’un dollar américain du prix du baril de pétrole était de 5 %.
    Les fluctuations du dollar avaient un triple effet sur une économie fortement endettée : primo, l’incertitude qui pèse sur le pouvoir d’achat international de l’Algérie ; secundo, l’incertitude qui pèse sur le montant réel du service de la dette dont la structure était pénalisante (une variation uniforme de 10 % du taux de change du dollar par rapport aux autres monnaies induisait une variation annuelle du service de la dette de plus de 500 millions de dollars) ; tertio, les fluctuations du dollar conduisent, par un «effet de valorisation», à d’importantes variations de l’encours de la dette extérieure exprimé dans cette même monnaie (on estime cet «effet de valorisation» net cumulé à pas moins de sept milliards de dollars US pour la seule période comprise entre 1985 et 1991).
    Tous les aléas et coûts liés à un renchérissement du dollar (notamment une lourde dette libellée dans cette monnaie) sont donc derrière nous aujourd’hui. Une autre bonne nouvelle vient confirmer cette loi des séries : lorsqu’on est mono-exportateur, comme c’est notre cas, l’effort entrepris depuis 2004 pour la diversification des réserves de change s’est révélé salutaire pour faire face au risque de change. La dépréciation du dollar (monnaie de facturation de nos exportations) par rapport à l’euro (monnaie de décaissement de l’essentiel de nos importations, européennes pour l’essentiel) était de 16,3 % entre juin 2007 et juin 2008.
    Le renversement actuel de tendance accentue les gains. Pour nous, le dollar se rattrape par rapport à l’euro, avec pour effet mécanique une appréciation du dinar par rapport à l’euro et des conséquences positives sur les recettes et les réserves de change. Quelle est la part de la prévision et celle du hasard dans le tirage de cette combinaison gagnante ?
    Source: Le soir d'Algérie
    (*) Arvind Subramanian, Peterson Institute for International Economics, From Financial Folly to Trade Troubles ?, 24 décembre 2008.
    Mieux vaut un cauchemar qui finit qu’un rêve inaccessible qui ne finit pas…
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