LA FIN ANNONCÉE DU PÉTROLE
Que doit faire l’Algérie?
«L’explication probable de l’incapacité des nations industrielles à prévoir la crise pétrolière qui va se déclencher est sans doute la durée extraordinairement courte de la civilisation du pétrole. Les enfants du pétrole ont tendance à oublier combien cette période a été brève.»
Denis Hayes, directeur du Solar Energy Research Institute du Colorado
Il ne se passe pas de jour sans que l’on trouve une publication sur la fin annoncée mille fois, du pétrole. Dans le jargon pétrolier on parle d’un maximum de production au-delà duquel cette production décline. C’est le peak oil ou pic pétrolier Le peak oil, écrit Fatih Birol économiste en chef à l’Agence internationale de l’énergie, est l’un des concepts les plus controversés. Il y a ceux qui pensent que nous avons pour 30 ans avant de l’atteindre et ceux qui disent que nous l’avons atteint. Pour l’AIE, le plateau sera atteint autour de 2020. Peter McCabe, géologue pétrolier (Csiro), pense qu’«il faut tenir compte du développement de nouvelles technologies pour extraire du nouveau pétrole à partir des anciens champs. Il pense qu’il faut ajouter encore 30 ans».
«Je ne sais qui a raison en termes d’échelle, 11 ans ou trente ans», écrit Fatih Birol qui, faut-il le rappeler, est économiste en chef à l’AIE. Ce n’est pas «si nous attendons le pic», la question est «quand» et si nous ne sommes pas prêts quand il arrivera, ce sera la fin de la civilisation, telle que nous la connaissons. Nous devons nous préparer au pire en nous préparant pour dans 10 ans(1)
L’état pétrolier du monde donne le vertige: notre planète consomme actuellement un milliard de barils tous les douze jours et donc plus de 30 milliards de barils par an. Soit l’équivalent d’un gisement géant tous les 12 jours. S’il existe une véritable folie des hommes, elle tient à leur aveuglement. Une conversion en litres frappe davantage encore l’imagination. Un baril de pétrole équivaut à 159 litres et nous consommons chaque jour 85 millions de barils, soit 13 milliards de litres. Il y a moins de cinquante ans, les trois quarts de l’énergie du monde provenaient encore du charbon et 16% seulement du pétrole. En 1950, le charbon en fournissait encore 60%. C’est dans les deux décennies qui ont suivi que le pétrole a pris son élan pour dépasser le charbon dans les années 1960 (en 1967 exactement).(2)
Le pic de Hubbert
Nous sommes arrivés à la fin de la croissance de la production mondiale de pétrole, ce qu’on appelle le pic de production (peak oil) ou pic de Hubbert. Le géologue Hubbert avait calculé en 1956 que le maximum de la production pétrolière aurait lieu en 1970 aux Etats-Unis, ce qui s’est réalisé. De nombreux pays ont déjà atteint leur maximum de production. A partir de l’année prochaine, la production mondiale de pétrole va décroître à un rythme de plus en plus élevé, que ce pétrole soit «conventionnel» et facile à extraire ou qu’il s’agisse de pétrole dont les conditions d’extraction sont difficiles, très coûteuses, techniquement risquées et aléatoires, très coûteuses aussi pour l’environnement. Les variations de prix du pétrole au cours des prochaines années, en hausse ou en baisse, ne seront qu’un épiphénomène. L’évolution sur longue période sera une augmentation constante des prix à mesure de la rareté croissante du pétrole. Divers facteurs économiques (récession), climatiques (hivers doux) ou autres peuvent soit retarder le moment de ce déclin, soit conduire à une fluctuation en forme de «tôle ondulée» du maximum de la production. Dans les deux cas, le répit serait de quelques années, mais la décroissance serait ensuite plus accentuée. En fait la courbe de Hubbert représentative de la croissance puis du déclin de la production est une courbe en cloche, proche d’une courbe de Gauss. Dans la réalité, cette courbe sera sans doute asymétrique à cause de la surexploitation des gisements due à une forte demande.
Avec une décroissance progressive de 1%, puis 2%... 5%, nous aurions une production limitée à 80% dans 12 ans et à 50% dans 20 ans. Le volume des nouvelles découvertes est depuis longtemps inférieur à celui de la production. Les champs de pétrole découverts sont de plus en plus petits alors que les champs géants en exploitation sont en fin de vie. Le maximum de découvertes a été atteint en 1962. Depuis 1981, le volume produit chaque année est supérieur à celui des nouvelles découvertes. Actuellement, le volume produit est 3 à 4 fois supérieur au volume découvert.
Pour les géologues de l’Aspo: l’Association pour l’étude du pic pétrolier, Les chiffres concernant l’ampleur réelle des réserves pétrolières mondiales sont faux, quand ils émanent des pays producteurs ou des compagnies pétrolières. Une véritable conspiration du silence et du mensonge. Les producteurs exagèrent le niveau de leurs réserves, accroissant ainsi leur influence et leur poids financiers. Les compagnies pétrolières, en faisant de même, envoient un message rassurant à leurs investisseurs quant à leur profitabilité. Les gouvernements des Etats consommateurs, en fermant les yeux, évitent l’impopularité. De plus, le prix du pétrole payé par les consommateurs constitue un véritable transfert de richesses pour les Etats, à travers les taxes. En France, leur montant sur le pétrole, si on ajoute la TVA, dépasse 75% du prix à la pompe.
En examinant attentivement les chiffres publiés officiellement sur les réserves prouvées, on s’aperçoit que: les réserves totales des pays de l’OPEP ont connu une croissance vertigineuse de plus de 65%, passant de 467,3 milliards de barils en 1982 à 771,9 milliards en 1991. Sans qu’aucune découverte d’importance ne justifie cette hausse de plus de 300 milliards de barils. Cette augmentation coïncide avec un nouveau système de quotas mis en application en 1986 par l’Opep. Grâce à lui, les réserves prouvées de l’Arabie Saoudite passent de 169 à 260 milliards de barils, tandis que celles du Koweït augmentent de près de 50%. Pour l’émirat d’Abu Dhabi, les 30 milliards de barils déclarés en 1985 se transforment en 92 milliards en 1988. Quant à l’Irak, les 49 milliards de barils de 1985 deviennent 100 milliards en 1988. Par un simple jeu d’écriture, un artifice comptable sans rapport avec la réalité, les pays de l’Opep trouvent ainsi le moyen d’augmenter leurs revenus en exportant plus.
à suivre
Que doit faire l’Algérie?
«L’explication probable de l’incapacité des nations industrielles à prévoir la crise pétrolière qui va se déclencher est sans doute la durée extraordinairement courte de la civilisation du pétrole. Les enfants du pétrole ont tendance à oublier combien cette période a été brève.»
Denis Hayes, directeur du Solar Energy Research Institute du Colorado
Il ne se passe pas de jour sans que l’on trouve une publication sur la fin annoncée mille fois, du pétrole. Dans le jargon pétrolier on parle d’un maximum de production au-delà duquel cette production décline. C’est le peak oil ou pic pétrolier Le peak oil, écrit Fatih Birol économiste en chef à l’Agence internationale de l’énergie, est l’un des concepts les plus controversés. Il y a ceux qui pensent que nous avons pour 30 ans avant de l’atteindre et ceux qui disent que nous l’avons atteint. Pour l’AIE, le plateau sera atteint autour de 2020. Peter McCabe, géologue pétrolier (Csiro), pense qu’«il faut tenir compte du développement de nouvelles technologies pour extraire du nouveau pétrole à partir des anciens champs. Il pense qu’il faut ajouter encore 30 ans».
«Je ne sais qui a raison en termes d’échelle, 11 ans ou trente ans», écrit Fatih Birol qui, faut-il le rappeler, est économiste en chef à l’AIE. Ce n’est pas «si nous attendons le pic», la question est «quand» et si nous ne sommes pas prêts quand il arrivera, ce sera la fin de la civilisation, telle que nous la connaissons. Nous devons nous préparer au pire en nous préparant pour dans 10 ans(1)
L’état pétrolier du monde donne le vertige: notre planète consomme actuellement un milliard de barils tous les douze jours et donc plus de 30 milliards de barils par an. Soit l’équivalent d’un gisement géant tous les 12 jours. S’il existe une véritable folie des hommes, elle tient à leur aveuglement. Une conversion en litres frappe davantage encore l’imagination. Un baril de pétrole équivaut à 159 litres et nous consommons chaque jour 85 millions de barils, soit 13 milliards de litres. Il y a moins de cinquante ans, les trois quarts de l’énergie du monde provenaient encore du charbon et 16% seulement du pétrole. En 1950, le charbon en fournissait encore 60%. C’est dans les deux décennies qui ont suivi que le pétrole a pris son élan pour dépasser le charbon dans les années 1960 (en 1967 exactement).(2)
Le pic de Hubbert
Nous sommes arrivés à la fin de la croissance de la production mondiale de pétrole, ce qu’on appelle le pic de production (peak oil) ou pic de Hubbert. Le géologue Hubbert avait calculé en 1956 que le maximum de la production pétrolière aurait lieu en 1970 aux Etats-Unis, ce qui s’est réalisé. De nombreux pays ont déjà atteint leur maximum de production. A partir de l’année prochaine, la production mondiale de pétrole va décroître à un rythme de plus en plus élevé, que ce pétrole soit «conventionnel» et facile à extraire ou qu’il s’agisse de pétrole dont les conditions d’extraction sont difficiles, très coûteuses, techniquement risquées et aléatoires, très coûteuses aussi pour l’environnement. Les variations de prix du pétrole au cours des prochaines années, en hausse ou en baisse, ne seront qu’un épiphénomène. L’évolution sur longue période sera une augmentation constante des prix à mesure de la rareté croissante du pétrole. Divers facteurs économiques (récession), climatiques (hivers doux) ou autres peuvent soit retarder le moment de ce déclin, soit conduire à une fluctuation en forme de «tôle ondulée» du maximum de la production. Dans les deux cas, le répit serait de quelques années, mais la décroissance serait ensuite plus accentuée. En fait la courbe de Hubbert représentative de la croissance puis du déclin de la production est une courbe en cloche, proche d’une courbe de Gauss. Dans la réalité, cette courbe sera sans doute asymétrique à cause de la surexploitation des gisements due à une forte demande.
Avec une décroissance progressive de 1%, puis 2%... 5%, nous aurions une production limitée à 80% dans 12 ans et à 50% dans 20 ans. Le volume des nouvelles découvertes est depuis longtemps inférieur à celui de la production. Les champs de pétrole découverts sont de plus en plus petits alors que les champs géants en exploitation sont en fin de vie. Le maximum de découvertes a été atteint en 1962. Depuis 1981, le volume produit chaque année est supérieur à celui des nouvelles découvertes. Actuellement, le volume produit est 3 à 4 fois supérieur au volume découvert.
Pour les géologues de l’Aspo: l’Association pour l’étude du pic pétrolier, Les chiffres concernant l’ampleur réelle des réserves pétrolières mondiales sont faux, quand ils émanent des pays producteurs ou des compagnies pétrolières. Une véritable conspiration du silence et du mensonge. Les producteurs exagèrent le niveau de leurs réserves, accroissant ainsi leur influence et leur poids financiers. Les compagnies pétrolières, en faisant de même, envoient un message rassurant à leurs investisseurs quant à leur profitabilité. Les gouvernements des Etats consommateurs, en fermant les yeux, évitent l’impopularité. De plus, le prix du pétrole payé par les consommateurs constitue un véritable transfert de richesses pour les Etats, à travers les taxes. En France, leur montant sur le pétrole, si on ajoute la TVA, dépasse 75% du prix à la pompe.
En examinant attentivement les chiffres publiés officiellement sur les réserves prouvées, on s’aperçoit que: les réserves totales des pays de l’OPEP ont connu une croissance vertigineuse de plus de 65%, passant de 467,3 milliards de barils en 1982 à 771,9 milliards en 1991. Sans qu’aucune découverte d’importance ne justifie cette hausse de plus de 300 milliards de barils. Cette augmentation coïncide avec un nouveau système de quotas mis en application en 1986 par l’Opep. Grâce à lui, les réserves prouvées de l’Arabie Saoudite passent de 169 à 260 milliards de barils, tandis que celles du Koweït augmentent de près de 50%. Pour l’émirat d’Abu Dhabi, les 30 milliards de barils déclarés en 1985 se transforment en 92 milliards en 1988. Quant à l’Irak, les 49 milliards de barils de 1985 deviennent 100 milliards en 1988. Par un simple jeu d’écriture, un artifice comptable sans rapport avec la réalité, les pays de l’Opep trouvent ainsi le moyen d’augmenter leurs revenus en exportant plus.
à suivre
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