Outre une population de jeunes bacheliers qui donne chaque année une envergure nouvelle à nos structures universitaires, ces dernières vivent des remous, des grèves et d’autres formes de perturbations qui ne sont pas toujours liées à l’aspect pédagogique des programmes. Ces aléas- où se rejoignent, comme dans un condensé du chaudron de la société algérienne tout entière, les questions sociales, les motivations politiques et les contradictions culturelles-ont fini par prendre en otage l’Université et la projeter dans la zone des incertitudes.
Des événements, comme celui vécu dramatiquement à l’université de Mostaganem en octobre dernier où un étudiant avait tué son professeur- le plus dramatique sans doute après l’assassinat de l’étudiant Amzal Kamal le 2 novembre 1982 sur le campus de Ben Aknoun mais pour des raisons complètement différentes- ne laissent pas de poser de graves et de déterminantes question quant au sort de l’Université algérienne. L’émoi et la consternation ayant affecté le personnel universitaire (corps enseignant et administration) ainsi que l’opinion publique, n’ont d’égal que l’espoir mis dans cette institution scientifique pour former les cadres de la Nation et permettre aux enfants du peuple une ascension sociale au prix d’un labeur et d’une compétence bien mis en valeur.
Minée par des luttes politiciennes depuis que, faute de démocratie et de liberté d’expression, les organisations clandestines de la société (partis, associations, syndicats) y avaient ‘’élu domicile’’, l’Université algérienne ne faisait, depuis la fin des années soixante-dix du siècle dernier, que régresser et se fourvoyer dans une voie sans issue. Elle fera les frais de l’économie rentière qui s’installa insidieusement et qui a fini par casser tous les ressorts de la société. Le résultat, on s’en doute, est des plus amers, surtout lorsqu’il s’agit d’une institution supposée former aux valeurs de la citoyenneté, participer à la reproduction des élites et assurer l’encadrement de l’économie nationale.
Profil et qualification : quelles garanties pour l’emploi ?
Aujourd’hui, en dehors des aléas liés aux inscriptions et à l’intendance (chambre universitaire, cantine, transport), phénomènes générés par la taille de la population universitaire et par la carte régissant la répartition géographique des centres universitaires, les gestionnaires de l’économie nationale et les nouveaux capitaines d’industrie qui commencent à conférer au secteur économique ses vraies valeurs de rentabilité et de compétence se posent d’ores et déjà la grande question de savoir où se trouvent les relais en matière de ressources humaines appelées à prendre en charge les entreprises et à manager leur politique d’investissement.
Déjà, le marché actuel de l’emploi est déclaré aride dans les catégories moyennes des ouvriers spécialisés, charpentiers, plombiers, menuisiers aluminium, techniciens en froid,…etc. Aussi bien l’entreprise algérienne que l’entreprise étrangère appelée à travailler en Algérie, aucune d’entre elle n’a l’assurance de tomber sur des qualifications valables dans la formation relevant du cycle court. On feint de s’étonner par la suite lorsque des entreprises étrangères ramènent de leur pays d’origine la main-d’œuvre spécialisée pour construire nos bâtiments et aménager nos routes !
En effet, la relation intime et dialectique entre la formation et l’emploi n’a pas encore bénéficié de l’attention voulue des pouvoirs publics de façon à rationaliser et harmoniser le rapport entre la qualification et le background universitaire d’une part et les besoins d’une économie émergente d’autre part. Néanmoins, l’engagement de l’Algérie dans l’économie de marché- supposant compétitivité, performance et management moderne- ne peut souffrir davantage les atermoiements d’un système scolaire et universitaire qui forme des chômeurs en puissance. La recherche de la main-d’œuvre qualifiée, d’agents de maîtrise et de cadres compétents demeure le point noir de la politique du déploiement des entreprises dans notre pays. Le déficit en ressources humaines se pose avec une acuité inégalée depuis que le pays s’est engagé dans l’économie de marché. La particularité du chômage en Algérie est le fait qu’il soit lié à un déficit de qualification et de compétence. Là, apparaît également la faillite de la formation professionnelle qui n’a pas su s’élever au diapason des défis de l’économie moderne. Il n’y a pas lieu de se faire trop illusions sur l’absorption du chômage par les entreprises étrangères qui investissent dans notre pays avec le seul argument que la main-d’œuvre algérienne est à bon marché par rapport à l’exigence salariale des travailleurs européens. Cela ne peut devenir une réalité tangible que si nos ouvriers, agents d’exécution et cadres arrivent à s’imposer par la compétence et l’efficacité. Malheureusement, le nivellement par le bas généré par une économie rentière- qui, il faut bien le dire, n’avait besoin d’aucune qualification particulière sous le régime de la ‘’planification socialiste’’- a fait beaucoup de dégâts dans les systèmes scolaire et universitaire.
Fuite des cerveaux et filons incertains de la recherche
C’est ainsi que, dans un système basé sur le nivellement par le bas, toutes les énergies susceptibles de s’investir dans la promotion de l’université et la recherche scientifique ont été marginalisées. Les moyens de dissuasion n’ont pas manqué et le plus pernicieux n’était pas nécessairement le salaire de misère. La bureaucratie, le dénuement des laboratoires, la difficulté d’accès aux sources documentaires, l’absence de statut et d’autres écueils aussi objectifs et aussi insurmontables ont fini par dresser un barrage à toute forme d’initiative ou d’esprit de recherche. Mais pour donner le change et distribuer la rente par le canal de ce qui fut appelé la ‘’recherche scientifique’’, on n’a pas hésité à envoyer à l’étranger des boursiers triés sur le volet par qui vous savez. L’opération se transformera, dans la plupart des cas et sans surprise, en une fuite des cerveaux organisée par les pouvoirs publics. Les résultats sont là. Les meilleurs laboratoires de médecine du monde, les plus performantes usines de montage électronique ou de conception informatique emploient des cadres algériens de haut niveau.
Aujourd’hui que le thème de la recherche revient au devant de la scène, le gouvernement compte mettre une enveloppe financière de 100 milliards de dinars dans ce secteur. À ce niveau, deux questions ne manqueront pas d’être posées par les institutions chargées de gérer cette enveloppe (université et autres laboratoires) et par les concernés eux-mêmes. Jusqu’à quand la recherche scientifique demeurera l’apanage de l’État alors que sous d’autres cieux elle est assurée par des entreprises industrielles qui consacrent une partie de leurs budgets à ce que leur comptabilité mentionne sous la rubrique R & D (Recherche et Développement) ? Cette question se justifie par le fait qu’une recherche pragmatique, utile et efficace pour le développement ne peut réellement être ‘’commandée’’ que par ses futurs utilisateurs. De là découle la deuxième question : à quel type de recherche devraient s’atteler les Algériens ? Nous savons que la recherche fondamentale requiert des aptitudes et des enveloppes financières hors de notre portée. Selon les acteurs même exerçant dans les activités de recherche scientifique, la recherche appliquée- lorsqu’elle est bien encadrée, judicieusement financée et rationnellement dirigée vers des objectifs précis exigés par le développement économique du pays-, demeure l’axe fondamental sur lequel devrait s’appuyer la recherche universitaire.
Tour d’ivoire et courte vue
Que ce soit pour les besoins de l’industrie, de l’agriculture ou des autres secteurs de développement, l’on ne peut consentir des dépenses en recherche qu’en contrepartie d’un cahier de charges dans lequel seront inscrits les vrais besoins de l’économie en la matière et projetés les résultats d’application censés augmenter la productivité, résoudre un problème technique ou apporter une nouvelle organisation des mécanismes de travail. L’idéal sera d’impliquer dans le futur proche les entreprises industrielles dans le financement de la recherche, et cela sans aucune coercition. Au contraire, c’est en encourageant l’investissement dans l’économie d’entreprise par toutes formes d’incitations que, à un certain moment de sa croissance, l’unité de production ou l’atelier d’usinage sentira de lui-même –via la concurrence et la pression du marché-la nécessité du renouvellement des connaissances et l’impératif de l’innovation.
Par-delà la partie qui commande le projet de recherche et la partie appelée à en utiliser les données pratiques, le cœur du système de recherche se trouve être indubitablement dans l’instance académique et universitaire. Celle-ci, promise à des réformes annoncées depuis longtemps, patauge encore dans des difficultés où l’intendance et la logistique les plus rudimentaires prennent en otage l’organisation entière et réduisent l’offre pédagogique dans ce qu’elle a de plus substantiel. Le salaire et le logement des enseignants, l’hébergement, le transport et la restauration des étudiants, l’accès aux sources documentaires et informatiques, les indemnités d’encadrement des mémoires et autres thèses de recherche, bref, tout un éventail de problèmes qui mettent face à face les étudiants, les enseignants, le syndicat et l’administration. A tort ou à raison, cette dernière est toujours vue comme évoluant dans une tour d’ivoire qui lui ferme la vue sur l’environnement pédagogique et social de l’université.
Des événements, comme celui vécu dramatiquement à l’université de Mostaganem en octobre dernier où un étudiant avait tué son professeur- le plus dramatique sans doute après l’assassinat de l’étudiant Amzal Kamal le 2 novembre 1982 sur le campus de Ben Aknoun mais pour des raisons complètement différentes- ne laissent pas de poser de graves et de déterminantes question quant au sort de l’Université algérienne. L’émoi et la consternation ayant affecté le personnel universitaire (corps enseignant et administration) ainsi que l’opinion publique, n’ont d’égal que l’espoir mis dans cette institution scientifique pour former les cadres de la Nation et permettre aux enfants du peuple une ascension sociale au prix d’un labeur et d’une compétence bien mis en valeur.
Minée par des luttes politiciennes depuis que, faute de démocratie et de liberté d’expression, les organisations clandestines de la société (partis, associations, syndicats) y avaient ‘’élu domicile’’, l’Université algérienne ne faisait, depuis la fin des années soixante-dix du siècle dernier, que régresser et se fourvoyer dans une voie sans issue. Elle fera les frais de l’économie rentière qui s’installa insidieusement et qui a fini par casser tous les ressorts de la société. Le résultat, on s’en doute, est des plus amers, surtout lorsqu’il s’agit d’une institution supposée former aux valeurs de la citoyenneté, participer à la reproduction des élites et assurer l’encadrement de l’économie nationale.
Profil et qualification : quelles garanties pour l’emploi ?
Aujourd’hui, en dehors des aléas liés aux inscriptions et à l’intendance (chambre universitaire, cantine, transport), phénomènes générés par la taille de la population universitaire et par la carte régissant la répartition géographique des centres universitaires, les gestionnaires de l’économie nationale et les nouveaux capitaines d’industrie qui commencent à conférer au secteur économique ses vraies valeurs de rentabilité et de compétence se posent d’ores et déjà la grande question de savoir où se trouvent les relais en matière de ressources humaines appelées à prendre en charge les entreprises et à manager leur politique d’investissement.
Déjà, le marché actuel de l’emploi est déclaré aride dans les catégories moyennes des ouvriers spécialisés, charpentiers, plombiers, menuisiers aluminium, techniciens en froid,…etc. Aussi bien l’entreprise algérienne que l’entreprise étrangère appelée à travailler en Algérie, aucune d’entre elle n’a l’assurance de tomber sur des qualifications valables dans la formation relevant du cycle court. On feint de s’étonner par la suite lorsque des entreprises étrangères ramènent de leur pays d’origine la main-d’œuvre spécialisée pour construire nos bâtiments et aménager nos routes !
En effet, la relation intime et dialectique entre la formation et l’emploi n’a pas encore bénéficié de l’attention voulue des pouvoirs publics de façon à rationaliser et harmoniser le rapport entre la qualification et le background universitaire d’une part et les besoins d’une économie émergente d’autre part. Néanmoins, l’engagement de l’Algérie dans l’économie de marché- supposant compétitivité, performance et management moderne- ne peut souffrir davantage les atermoiements d’un système scolaire et universitaire qui forme des chômeurs en puissance. La recherche de la main-d’œuvre qualifiée, d’agents de maîtrise et de cadres compétents demeure le point noir de la politique du déploiement des entreprises dans notre pays. Le déficit en ressources humaines se pose avec une acuité inégalée depuis que le pays s’est engagé dans l’économie de marché. La particularité du chômage en Algérie est le fait qu’il soit lié à un déficit de qualification et de compétence. Là, apparaît également la faillite de la formation professionnelle qui n’a pas su s’élever au diapason des défis de l’économie moderne. Il n’y a pas lieu de se faire trop illusions sur l’absorption du chômage par les entreprises étrangères qui investissent dans notre pays avec le seul argument que la main-d’œuvre algérienne est à bon marché par rapport à l’exigence salariale des travailleurs européens. Cela ne peut devenir une réalité tangible que si nos ouvriers, agents d’exécution et cadres arrivent à s’imposer par la compétence et l’efficacité. Malheureusement, le nivellement par le bas généré par une économie rentière- qui, il faut bien le dire, n’avait besoin d’aucune qualification particulière sous le régime de la ‘’planification socialiste’’- a fait beaucoup de dégâts dans les systèmes scolaire et universitaire.
Fuite des cerveaux et filons incertains de la recherche
C’est ainsi que, dans un système basé sur le nivellement par le bas, toutes les énergies susceptibles de s’investir dans la promotion de l’université et la recherche scientifique ont été marginalisées. Les moyens de dissuasion n’ont pas manqué et le plus pernicieux n’était pas nécessairement le salaire de misère. La bureaucratie, le dénuement des laboratoires, la difficulté d’accès aux sources documentaires, l’absence de statut et d’autres écueils aussi objectifs et aussi insurmontables ont fini par dresser un barrage à toute forme d’initiative ou d’esprit de recherche. Mais pour donner le change et distribuer la rente par le canal de ce qui fut appelé la ‘’recherche scientifique’’, on n’a pas hésité à envoyer à l’étranger des boursiers triés sur le volet par qui vous savez. L’opération se transformera, dans la plupart des cas et sans surprise, en une fuite des cerveaux organisée par les pouvoirs publics. Les résultats sont là. Les meilleurs laboratoires de médecine du monde, les plus performantes usines de montage électronique ou de conception informatique emploient des cadres algériens de haut niveau.
Aujourd’hui que le thème de la recherche revient au devant de la scène, le gouvernement compte mettre une enveloppe financière de 100 milliards de dinars dans ce secteur. À ce niveau, deux questions ne manqueront pas d’être posées par les institutions chargées de gérer cette enveloppe (université et autres laboratoires) et par les concernés eux-mêmes. Jusqu’à quand la recherche scientifique demeurera l’apanage de l’État alors que sous d’autres cieux elle est assurée par des entreprises industrielles qui consacrent une partie de leurs budgets à ce que leur comptabilité mentionne sous la rubrique R & D (Recherche et Développement) ? Cette question se justifie par le fait qu’une recherche pragmatique, utile et efficace pour le développement ne peut réellement être ‘’commandée’’ que par ses futurs utilisateurs. De là découle la deuxième question : à quel type de recherche devraient s’atteler les Algériens ? Nous savons que la recherche fondamentale requiert des aptitudes et des enveloppes financières hors de notre portée. Selon les acteurs même exerçant dans les activités de recherche scientifique, la recherche appliquée- lorsqu’elle est bien encadrée, judicieusement financée et rationnellement dirigée vers des objectifs précis exigés par le développement économique du pays-, demeure l’axe fondamental sur lequel devrait s’appuyer la recherche universitaire.
Tour d’ivoire et courte vue
Que ce soit pour les besoins de l’industrie, de l’agriculture ou des autres secteurs de développement, l’on ne peut consentir des dépenses en recherche qu’en contrepartie d’un cahier de charges dans lequel seront inscrits les vrais besoins de l’économie en la matière et projetés les résultats d’application censés augmenter la productivité, résoudre un problème technique ou apporter une nouvelle organisation des mécanismes de travail. L’idéal sera d’impliquer dans le futur proche les entreprises industrielles dans le financement de la recherche, et cela sans aucune coercition. Au contraire, c’est en encourageant l’investissement dans l’économie d’entreprise par toutes formes d’incitations que, à un certain moment de sa croissance, l’unité de production ou l’atelier d’usinage sentira de lui-même –via la concurrence et la pression du marché-la nécessité du renouvellement des connaissances et l’impératif de l’innovation.
Par-delà la partie qui commande le projet de recherche et la partie appelée à en utiliser les données pratiques, le cœur du système de recherche se trouve être indubitablement dans l’instance académique et universitaire. Celle-ci, promise à des réformes annoncées depuis longtemps, patauge encore dans des difficultés où l’intendance et la logistique les plus rudimentaires prennent en otage l’organisation entière et réduisent l’offre pédagogique dans ce qu’elle a de plus substantiel. Le salaire et le logement des enseignants, l’hébergement, le transport et la restauration des étudiants, l’accès aux sources documentaires et informatiques, les indemnités d’encadrement des mémoires et autres thèses de recherche, bref, tout un éventail de problèmes qui mettent face à face les étudiants, les enseignants, le syndicat et l’administration. A tort ou à raison, cette dernière est toujours vue comme évoluant dans une tour d’ivoire qui lui ferme la vue sur l’environnement pédagogique et social de l’université.
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