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europe:Quatre petits cochons dans une bulle

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  • europe:Quatre petits cochons dans une bulle

    « PIGS » : c’est ainsi que les Anglo-saxons, indécrottablement perfides, désignent l’ensemble constitué par le Portugal, l’Italie, la Grèce et l’Espagne (“Spain”). Quatre pays méditerranéens de la zone Euro, qui aujourd’hui traversent une bien mauvaise passe. L’”Euro protecteur” sera-t-il la prochaine bulle à éclater ?

    Vérité en deçà de la Manche, erreur au delà…

    30 décembre 2008 : la livre sterling atteint un niveau historiquement faible par rapport à l’Euro, frôlant la parité, avant de remonter significativement. Les médias français pleurent des larmes de crocodile : la livre sterling est devenue “la triste mère d’un empire mort”, pavoise le Monde. Et forcément, exulte le Figaro, “La dégringolade de la livre sterling a ravivé le débat sur l’adoption de la monnaie unique européenne”.

    Examinons la presse d’Outre-Manche. Nos meilleurs ennemis se frappent-ils la poitrine, rongés de remords ? Implorent-ils notre pardon de leurs erreurs ? Jalousent-ils le confort douillet de la zone Euro ?

    The Times
    “With sterling now one of the world’s most undervalued currencies, it is not just manufacturers and exporters that are gaining. London estate agents have reported a big increase in foreign inquiries and shops in Bond Street are packed with French, German and Chinese consumers. A less remarked, but more significant benefit of devaluation is in the economy’s most troubled sector - wholesale international finance.”

    The Economist :
    “(…) Monetary sovereignty is all the more crucial when the economy is in trouble. The Bank of England has been able to cut interest rates below those in the euro area for the first time since the single currency started in 1999. That in turn has pushed sterling down, a stimulus all the more welcome since monetary policy is less effective than usual because banks are reluctant to lend. The need for such a boost was underlined this week by figures showing that the number of people claiming unemployment benefit increased by 75,700 between October and November, taking the total above 1m.
    The weaker pound will help not just to soften the blow of recession but also to create a basis for a subsequent recovery that will be necessarily less reliant on consumers.”

    The Daily Telegraph :
    Staying out of the euro has spared us a Spanish-style catastrophe

    Inutile de multiplier les exemples : pour les économistes britanniques, la chute de la Livre par rapport à l’Euro est une bouffée d’oxygène, elle relance les exportations, et réduit le risque de déflation. Dans la classe politique, personne non plus ne parle de rejoindre l’Euro. En Grande-Bretagne, les taux de change fixe évoquent de mauvais souvenirs, que ce soit le Gold Standard entre les deux Guerres ou, plus récemment, le Système Monétaire Européen, que Margaret Thatcher s’était laissée convaincre de rejoindre en 1990. Dans les deux cas, asphyxié par la crise, le Gouvernement avait fini par revenir au change flottant, en 1931 et 1992 respectivement, permettant à l’économie britannique de respirer de nouveau. C’est ainsi que la Grande-Bretagne se vit épargner le pire de la crise des années 30, évitant notamment l’apparition d’un mouvement fasciste de masse. Et en 1992, libérée d’un taux de change devenu trop élevé, elle entame le cycle de croissance le plus long de son histoire (désormais bien fini, hélas).

    Pourquoi alors les médias français insistent-ils pour présenter une image à ce point faussée de l’état d’esprit des Britanniques sur ce sujet ? L’erreur est-elle innocente ?

    Comme un ouragan (Stéphanie de Monaco)

    Mais, me direz-vous, l’Euro ne nous a-t-il pas épargné de terribles tempêtes ? Le Monde le dit bien : "Si la politique de la Banque centrale européenne peut être critiquée, nul doute que l’euro nous a protégés ces derniers mois (…)”. Ah, puisque nul ne doute… Et au fait, de quoi nous a-t-il protégés ? Poursuivons : “(…) évitant à de nombreux pays, dont la France, d’inquiétantes dévaluations." Le mot est lâché : dévaluation ! Votre sang se glace-t-il d’effoi ? Ah bon, pas vraiment ? Effectivement, un petit rappel de bon sens s’impose :
    Perdre son emploi : traumatisant
    Perdre son logement : traumatisant
    Voir sa monnaie nationale dévaluée : agaçant, pour ceux qui souhaitaient passer des vacances a l’étranger.
    Entre une dévaluation de la monnaie nationale et la perte de son emploi, le choix est vite fait !


    Le meilleur moyen de détruire le capitalisme, c’est de s’attaquer à la monnaie (Lénine, cité par Keynes)

    Et c’est bel et bien ce choix qui s’impose aux Espagnols. Membres de la zone Euro, ils ne subissent pas de dévaluation par rapport aux autres pays européens. Hourra ! Par contre, ils comptent 1 million de chômeurs de plus en un an, dont 140 000 pour le seul mois de décembre, et l’industrie est à l’agonie. Dans ce “PIGS” que l’on citait il y a un an encore comme modèle, l’Euro avait entraîné une baisse spectaculaire des taux d’intérêt : l’Espagne en plein boom adoptait une politique monétaire conçue pour dynamiser une économie allemande amorphe, les taux d’intérêt devenant même, entre 2002 et 2006, inférieurs à l’inflation.

    Arriva ce qui devait arriver : les Espagnols se mirent à emprunter tant et plus (pourquoi se priver, quand on rembourse en monnaie de singe !), saisis d’un vertige immobilier. Le feu couvait, la BCE (Banque Centrale Européenne) a jeté un baril de pétrole dessus, puis un deuxième, puis un troisième... On a construit depuis le début de la décennie plus de logements en Espagne qu’en France, en Grande-Bretagne et en Allemagne réunies. Désastre écologique d’abord (côtes ravagées par les constructions sauvages), économique ensuite. Et malgré cette offre surabondante, malgré ces centaines de milliers de logements vides, leur prix explosait, telle était la frénésie immobilière. Jusqu’à ce que, brutalement, la fête se termine : gueule de bois, les Espagnols sont endettés jusqu’au cou, le déficit de leur balance des paiements est colossal, et ils ne peuvent pas recourir à la dévaluation de leur monnaie pour sortir de ce cauchemar. 13,5% de chômeurs aujourd’hui, probablement 20% en fin d’année. Un succès, vraiment ? La politique monétaire unique, appliquée à des pays qui ne constituent pas une “zone monétaire optimale”, a mené l’Espagne au désastre.

    L’Euro peut-il imploser ? Impensable, bien sûr. Sauf que… Sauf que les marchés commencent de plus en plus à prendre l’hypothèse au sérieux. Aujourd’hui, l’Etat grec est contraint de payer un taux d’intérêt de 5.35% sur ses emprunts à 10 ans, contre 3% pour l’Etat allemand. Comment s’explique cette différence, qui s’accroit de semaine en semaine, sachant que tous deux empruntent dans la même monnaie ? Deux possibilités :
    -les marchés anticipent un risque de défaut de paiement de l’Etat grec
    -les marchés anticipent un risque de sortie de la Grèce de la zone Euro.
    A moins que ce ne soient les deux… Les agences de notation commencent elles aussi a sonner le tocsin : ainsi Standard & Poors vient-elle d’annoncer qu’elle allait revoir la notation AAA qu’elle avait attribue aux Etats grec, irlandais et espagnol. En clair : Standard & Poors considère désormais qu’il existe un risque significatif de défaut de paiement de ces Etats.

    Les anticipations des marchés peuvent très vite devenir auto-réalisatrices : les investisseurs perdant confiance dans les emprunts grecs/espagnols/irlandais, ces Etats doivent payer des taux d’intérêt de plus en plus élevés pour emprunter, ce qui rend le fardeau de leur dette insupportable, ce qui réduit encore la confiance que les investisseurs leur accordent… Le petit cochon se mord la queue. Bientôt, il n’y a plus d’alternative : il faut sortir de l’Euro. Une fois que cela est arrivé à l’un des Etats (la Grèce est en pole position), la brèche est ouverte pour les suivants. On n’en est pas encore là, mais le scénario devient chaque jour plus plausible.


    Ils ont des yeux pour voir et ils ne voient pas. Ils ont des oreilles et ils n’entendent pas (Evangile selon Saint Matthieu)

    Les signes sont donc là, de plus en plus insistants, encore faut-il accepter de les voir. Or la représentation téléologique du devenir européen est tellement enracinée dans le discours dominant qu’un échec de son incarnation la plus concrète à ce jour, l’Euro, est inadmissible. Parmi les dogmes partagés qui définissent le “Cercle de la Raison” cher a Alain Minc, il y a, avant tout, l’Europe. Refuser d’y faire allégeance, c’est se condamner à errer dans le neuvième cercle de l’Enfer, le plus terrible de tous, celui que Dante réservait aux traîtres. Loin du cercle enchanté, celui des initiés du Sens de l’Histoire.

    Mais si ce n’était pas dans l’Histoire avec un grand “H” qu’il fallait chercher des augures ? Qui peut mieux nous éclairer sur le sort de nos quatre malheureux PIGS, sinon l’histoire des trois petits cochons ? L’Euro sera-t-il une maison de paille, qui s’envole au premier souffle du loup, ou une maison de briques, qui résiste à la tempête ?...
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill
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