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L'Iran détient la clé de son propre réveil

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  • L'Iran détient la clé de son propre réveil

    Alors que l'on vient de célébrer le 60e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, on pourrait se laisser aller au découragement. Avec toute la violence et les violations des droits que rien ne semble pouvoir arrêter, le Moyen-Orient est un terrain propice à un tel sentiment de désespoir. En effet, l'extrême violence qui règne actuellement à Gaza va laisser son empreinte sur des générations de jeunes, fragiliser les perspectives de paix, et aggraver une crise humanitaire déjà profonde.

    Nos combats sont nombreux et quelques lueurs d'espoir apparaissent dans cette région du monde. Je suis convaincue, par exemple, que mon pays détient la clé de son propre réveil.

    En Iran, une jeune génération de femmes déterminées et cultivées oeuvre inlassablement pour faire progresser les droits des femmes. Il y a environ deux ans, elles ont lancé la campagne "Un million de signatures", un mouvement populaire visant à réformer le système judiciaire et à informer la population de la discrimination à l'égard des femmes. A ce jour, elles ont recueilli des signatures, dont celles de beaucoup d'hommes iraniens, et elles ont débattu avec des milliers d'Iraniens de l'importance d'une réforme de la justice.

    Notre action collective est une réussite remarquable et un exemple fort de la manière dont une société civile dynamique sert de catalyseur pour le changement. Du point de vue du gouvernement, cependant, cette action prend trop d'importance.

    En 2008, le gouvernement iranien a lancé une contre-campagne visant ces femmes, et des dizaines d'entre elles ont été emprisonnées, harcelées et privées de documents permettant de quitter le pays. Ces actes ne passent pas inaperçus. Récemment, deux experts des droits de l'homme des Nations unies ont présenté une déclaration conjointe exprimant leur profonde préoccupation. Les rapporteurs spéciaux Margaret Sekaggya and Yakin Erturk ont souligné que les autorités iraniennes prenaient particulièrement pour cible les femmes et les hommes actifs dans la campagne "Un million de signatures".

    En décembre 2008, l'Iran a empêché Nasrin Sotoudeh, jeune avocate de renom oeuvrant pour la défense des droits humains, de se rendre en Italie où devait lui être remis un prix international des droits de l'homme. Quelques jours plus tard, la police iranienne a procédé à la perquisition et à la fermeture des bureaux d'une organisation que j'ai contribué à fonder, le Centre des défenseurs des droits de l'homme, au motif qu'elle exerçait ses activités sans autorisation. Une semaine plus tard, les autorités iraniennes ont perquisitionné mon propre cabinet, saisissant mes ordinateurs. Elles m'ont confisqué de nombreux dossiers confidentiels concernant la défense des droits d'Iraniens injustement emprisonnés ou privés de leurs droits fondamentaux pour avoir mené la campagne "Un million de signatures" et d'autres actions importantes pour la défense des droits de l'homme.

    Il y a quelques jours, la police a laissé un groupe de "manifestants" s'attaquer à mon domicile et à mon cabinet. C'est un bien triste signe des temps que, en Iran, les protestations pacifiques organisées par des femmes demandant davantage de droits se terminent par des arrestations et de la violence de la part de la police iranienne, alors que cette même police a fermé les yeux pendant la manifestation violente de voyous devant chez moi.

    Les jeunes défenseurs des droits de l'homme avec lesquels je travaille sont-ils intimidés ? Non ! Cette génération remarquable de militants iraniens comprend que les progrès réalisés par des forces modérées en Iran constituent une menace pour ceux qui craignent le changement. Cependant, ils n'acceptent pas que les actes insensés de ceux qui cherchent à freiner la progression de l'Iran les empêchent de poursuivre leurs efforts pour faire avancer le pays.

    On m'interroge souvent à propos de l'élection présidentielle prévue en juin, et je réponds parfois que mon avis sur le futur vainqueur n'a pas vraiment d'importance. En tant qu'avocate, et ayant consacré ma carrière à lutter pour et au sein du système judiciaire iranien, je m'intéresse davantage à la légalité de la protection des droits de l'homme en Iran. La véritable réussite sera une élection respectant une procédure régulière. Les politiciens vont et viennent, mais un système judiciaire sain, efficace et juste, est la garantie à long terme de droits de l'homme accrus pour le peuple iranien.

    Suis-je découragée par les derniers événements ? Non. En 2005, j'ai écrit que l'Iran connaissait un processus de "réveil", qu'un profond changement social se produisait dans la société. Les dernières mesures de répression contre les défenseurs des droits de l'homme sont inacceptables et constituent une régression, mais elles ne vont pas empêcher les Iraniens de rester sur la voie qu'ils ont choisie. Ce n'est pas une voie aisée, mais les voies dignes d'intérêt le sont rarement. Quels que soient les récents événements, je suis déterminée à rester en Iran et à poursuivre mon action de valorisation et de défense des principes des droits de l'homme.

    Par Shirin Ebadi, Le Monde
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