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Quand Toyota tousse, le Japon s'enrhume

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  • Quand Toyota tousse, le Japon s'enrhume

    Alors que Toyota annonce les premières pertes de son histoire, le Japon découvre la précarité et le chômage de masse.

    Comme à chaque nouvel an, Kuniyuki Suzuki a réuni sa famille pour des agapes dans le meilleur hôtel de Yokohama, dans la banlieue de Tokyo. Ce patron-patriarche, qui porte beau à 75 ans, dirige le premier grossiste en fruits et légumes de la mégalopole. Au moment des voeux, il prononce une sombre prédiction : «L'économie va sombrer.» Ce 1er janvier plane au-dessus des tables bien dressées un nouveau nuage : celui de la confiance perdue, enfuie depuis le «choc Toyota». Un symbole est tombé le 21 décembre lorsque le géant de Nagoya a annoncé une prévision de perte d'exploitation de 150 milliards de yens (1,2 milliard d'euros) pour l'exercice 2008-2009. Toyota, premier constructeur d'auto mobiles mondial, n'avait jamais connu que l'excellence depuis ses débuts en 1938. Même lors des précédentes récessions. Cette fois, «l'environnement est de plus en plus rude. C'est une situation d'urgence sans précédent», a admis son directeur général, Katsuaki Watanabe. En conséquence, le constructeur a annoncé le 6 janvier la fermeture pendant onze jours en février et mars de toutes ses usines au Japon.

    L'héritage Koizumi

    Les ennuis de Toyota ont des répercussions importantes : sur les équipementiers, qu'il abreuvait de commandes, ou sur les mairies, qu'il alimentait en recettes fiscales. La récession au Japon est pire que celle qui a suivi l'éclatement de la bulle des années 1980 et 1990. Le plein- emploi avait alors été maintenu, les réductions de coûts étant préférées aux restructurations. Le salarié acceptait de voir sa rémunération baisser, un actionnaire de geler son dividende, un patron son bonus pour qu'un collègue garde son emploi. Dans les grandes entreprises, la notion d'«emploi à vie» n'avait pas été vraiment remise en question. Le droit du travail nippon, très favorable au salarié, y a contribué.

    Or les choses ont changé avec l'arrivée de Junichiro Koizumi au pouvoir, en 2001. Ce dernier a autorisé les entreprises à recourir massivement au travail temporaire, même pour les emplois peu qualifiés, dans l'automobile ou la construction, où un tiers de l'emploi est aujourd'hui à temps partiel. «C'est la première récession de l'après-Koizumi. Nous constatons enfin les effets désastreux de sa politique. Pour la première fois, les Japonais ont peur de perdre leur emploi. Si Toyota se permet de licencier ses cadres, cela signifie que plus personne n'est à l'abri», grince un haut fonctionnaire de la Banque du Japon.

    Toyota n'a pas encore annoncé de plan social, mais ses arrêts de production ont déjà jeté sur le pavé des milliers d'intérimaires à qui le constructeur fournissait le gîte en sus du salaire. Les autres manufacturiers n'ont pas les mêmes pudeurs et licencient déjà parmi les CDI. Or l'assurance-chômage est chiche au Japon. Les télés passent en boucle les images de pauvres hères, serrant d'une main un sac plastique réunissant toutes leurs affaires. «Cela peut arriver à n'importe qui, demain», titre le quotidien Asahi. Du coup, la consommation plonge.

    Un Toyoda pourrait reprendre le volant du groupe

    La guerre de succession a commencé à Toyota, et elle pourrait bien s'achever par une restauration. Le directeur général actuel, Katsuaki Watanabe, avait pris les rênes du constructeur en 2005. Personne ne conteste ses qualités ni son énergie, qui ont permis un programme de réductions de coûts sans précédent dans le groupe. Mais la perte historique qu'essuiera le constructeur en 2008 est un prétexte tout trouvé pour remettre les commandes à Akio Toyoda. A 52 ans, le petit-fils de Kiichiro Toyoda, fondateur du groupe, s'est déjà fait une réputation. Le Prince, comme les journaux l'ont surnommé, connaît bien les rouages de l'entreprise, dont il a notamment dirigé les opérations en Chine et la stratégie Internet. Il est déjà directeur général adjoint de la firme et plaît aux médias avec son anticonformisme prudent. S'il était nommé, il serait le premier Toyoda à diriger le groupe, après un intermède de trois directeurs généraux. Un retour très symbolique : la famille ne possède plus qu'une part infime du capital. Akio, lui, répète que l'idée de diriger Toyota ne lui «traverse jamais l'esprit»

    Par Challenges
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