jeudi 15 janvier 2009 - par Dr Al ’Ajamî
Face à la guerre qui ne dit mot consent, face à la guerre qui ne dit que des mots condescend. Curieusement, un seul mot d’ordre ; trois résonances cependant :
Droits de l’homme.
Droit des hommes.
Hommes droits.
Droits de l’homme. On en appelle au respect des Droits de l’homme, à la justice internationale, on dénonce le crime contre l’humanité, étrange singulier. On mélange pêle-mêle les images, cohue d’une indicible réalité, génocide, shoah, carnage. Le sang ne sera jamais de l’eau, il ne purifie aucune terre. Le sang nourrit la terre sombre, germe de mort portant la vie en sa négation.
On manifeste au nom du Droit international, au nom de l’humanité, d’un principe universel. On oublie que ces mêmes "Droits" sont des armées pour les puissants et des mots pour les faibles. La justice n’a de sens que pour celui qui l’exerce à son profit. Pour l’opprimé elle ne signifie rien, mais a tant de valeur. Le droit n’est pas à la victime mais au coupable, le loup l’enseigna à l’agneau. Le bourreau est un tueur qui bénéficie de la légalité, il ne cesse donc de tuer. Le mal est proportionnel à la force et à l’impunité. Le fort n’a jamais défendu le faible, il l’exploite ou le massacre. Les opprimés ne connaissent la paix et la sécurité que lorsque les seigneurs du temps s’effondrent sous le poids de leur masse. Alors, les victimes deviennent à leur tour des oppresseurs, les tyrans naissent du sein des sacrifiés. Le sang versé enfante des monstres, chimères de vengeance et de violence.
Ces droits que nous invoquons sont ceux des hommes qui les bafouent ; des armes entre leurs mains, des lames à nos gorges. Demander à l’assassin de ne pas tuer, quelle insulte à la dignité. Exiger des complices qu’ils dénoncent est au combien puéril. Sommes nous des enfants que nous ayons besoin de faire la ronde, main dans la main, à quand une chanson pour la Palestine. Et déjà l’impudeur de la charité et de la compassion médiatisée. Attendons-nous la justice de la part de l’injuste, la vérité de la part du menteur, la raison de la part du fou. Rien de juste, de vrai ou de raisonnable en cela.
Quelle impuissance nous domine au point que nous implorions le secours du maître. Tel est l’esclave qui ne connaît de soutien qu’en celui qui l’exploite et l’écrase.
La communauté internationale aurait donc remplacé la Communauté.
Prenons garde, ce n’est pas nous qui médiatisons ces événements, insupportables euphémismes. Prenons garde à n’être point instrumentalisés par l’entremise des médias. Prenons garde à ne pas défendre une cause juste par des voies fausses. A réclamer l’application du bien à qui engendre en réalité le mal. A ne pouvoir penser en dehors de la dialectique impériale. A n’être qu’un rouage de la machine inexorable.
Droits des hommes. On en appelle à l’humanité. L’émotion est exploitable et exploitée. Elle a de particulier, subtile grâce, de soulever les masses puis de les abandonner, sans laisser de trace. L’émotion est l’essence des médias, pas de restriction, les stocks sont inépuisables. Plus les foules s’indignent, plus elles réagissent et plus ceux qui les instrumentalisent se réjouissent. Ils savent que cette énergie est investie à perte ; comme une dérivatif de l’action, l’émotionnellement correct. Nous pouvons toujours clamer le respect des droits fondamentaux, c’est un droit fondamental.
Ailleurs, on vendange au souk les paysans, à plein camion, et les déverse aux manifestations spontanées des capitales. Ceux qui font le décompte de notre émotion se réjouissent de la réussite des opérations : tant de haine canalisée, tant d’envie de tuer anéantie, tant d’espoirs maîtrisés, magie et force des slogans.
Nous voila réunis, satisfaction primaire du nombre, sécurisation instinctive, chaleur qui apaise nos corps et nos âmes. En tête, des politiques, des syndicalistes, des philosophes, des penseurs, derrière, la foule des anonymes, nous. En ces manifestations de la démocratie tous sont rassemblés, rassurés, unis, mais l’ordre de présentation persiste, représentations. Faudrait-il que nous arborions un keffieh comme d’autre leur blanche chemise sur tous les charniers du monde. Dites-moi, qu’ont ils changé ces philosophes, ces donneurs de leçons, si ce n’est leur propre compte. La représentativité n’est que la représentation de soi même, la mise en scène de son ego. Illusions que le printemps balaiera, ne resteront que quelques noms, quelques mots, des lambeaux de tissu noir et blanc accrochés aux branches de nos consciences.
Et demain, parce qu’il y aura toujours des lendemains, faute d’avoir dénoncé les vrais coupables, eux tous, nous tous. Faute d’avoir défendu de vrais idéaux il en sera comme il en était. Jusqu’à quand ? Jusqu’au prochain massacre, entre deux tueries ordinaires, jusqu’à la prochaine vague d’émotion.
Voyeurisme intolérable, pornographie de l’information hard live, regarder en boucle l’agonie. Comble de la superficialité se souhaiter la bonne année ainsi qu’à tous les palestiniens, écoeurement de la banalité. Nous ne sommes pas tous des Palestiniens, pas plus que nous n’étions des Juifs Allemands. Nous sommes des nantis, ayant des droits, celui de vivre et de manger, de travailler et de sacrifier quelques week-ends à une juste cause.
Quelle trouble solidarité ! Leur souffrance serait-elle une caution de notre confort ? Leur résistance donnerait-elle du sens au vide de notre bien-être matériel ? Vivrions-nous là par procuration un héroïsme disparu de nos factures ? Un vent de liberté, un souffle de jihâd rafraîchissant la sécheresse de nos meublés. De la vie insufflée par la mort, étrange paradoxe, impudeur, association mensongère. Je ne suis pas un Palestinien, je suis son frère, lui souffre, moi pas.
Je m’interroge : Qui l’emporte ? La force du complot ou la lâcheté de ceux qui tournent le dos ? Où commence le cynisme et où s’arrête-t-il ? A qui sert cette cristallisation ? A quoi sert cette exploitation de symboles accumulés ? Des interrogations entraînant un sombre dégoût, un âpre désarroi. Du bruit, de la fureur masquant notre trouble métaphysique. Des questions qui dérangent ? Il sera banni celui qui trouble la fête. Désigner les objets réels avant de les combattre. Désigner les vrais coupables et non ceux que la vindicte populaire montre du doigt. Désigner les vrais enjeux quelques soient les implications de nos intérêts et de nos égoïsmes.
Dans l’enthousiasme et l’indignation y a-t-il encore un temps pour la réflexion.
Face à la guerre qui ne dit mot consent, face à la guerre qui ne dit que des mots condescend. Curieusement, un seul mot d’ordre ; trois résonances cependant :
Droits de l’homme.
Droit des hommes.
Hommes droits.
Droits de l’homme. On en appelle au respect des Droits de l’homme, à la justice internationale, on dénonce le crime contre l’humanité, étrange singulier. On mélange pêle-mêle les images, cohue d’une indicible réalité, génocide, shoah, carnage. Le sang ne sera jamais de l’eau, il ne purifie aucune terre. Le sang nourrit la terre sombre, germe de mort portant la vie en sa négation.
On manifeste au nom du Droit international, au nom de l’humanité, d’un principe universel. On oublie que ces mêmes "Droits" sont des armées pour les puissants et des mots pour les faibles. La justice n’a de sens que pour celui qui l’exerce à son profit. Pour l’opprimé elle ne signifie rien, mais a tant de valeur. Le droit n’est pas à la victime mais au coupable, le loup l’enseigna à l’agneau. Le bourreau est un tueur qui bénéficie de la légalité, il ne cesse donc de tuer. Le mal est proportionnel à la force et à l’impunité. Le fort n’a jamais défendu le faible, il l’exploite ou le massacre. Les opprimés ne connaissent la paix et la sécurité que lorsque les seigneurs du temps s’effondrent sous le poids de leur masse. Alors, les victimes deviennent à leur tour des oppresseurs, les tyrans naissent du sein des sacrifiés. Le sang versé enfante des monstres, chimères de vengeance et de violence.
Ces droits que nous invoquons sont ceux des hommes qui les bafouent ; des armes entre leurs mains, des lames à nos gorges. Demander à l’assassin de ne pas tuer, quelle insulte à la dignité. Exiger des complices qu’ils dénoncent est au combien puéril. Sommes nous des enfants que nous ayons besoin de faire la ronde, main dans la main, à quand une chanson pour la Palestine. Et déjà l’impudeur de la charité et de la compassion médiatisée. Attendons-nous la justice de la part de l’injuste, la vérité de la part du menteur, la raison de la part du fou. Rien de juste, de vrai ou de raisonnable en cela.
Quelle impuissance nous domine au point que nous implorions le secours du maître. Tel est l’esclave qui ne connaît de soutien qu’en celui qui l’exploite et l’écrase.
La communauté internationale aurait donc remplacé la Communauté.
Prenons garde, ce n’est pas nous qui médiatisons ces événements, insupportables euphémismes. Prenons garde à n’être point instrumentalisés par l’entremise des médias. Prenons garde à ne pas défendre une cause juste par des voies fausses. A réclamer l’application du bien à qui engendre en réalité le mal. A ne pouvoir penser en dehors de la dialectique impériale. A n’être qu’un rouage de la machine inexorable.
Droits des hommes. On en appelle à l’humanité. L’émotion est exploitable et exploitée. Elle a de particulier, subtile grâce, de soulever les masses puis de les abandonner, sans laisser de trace. L’émotion est l’essence des médias, pas de restriction, les stocks sont inépuisables. Plus les foules s’indignent, plus elles réagissent et plus ceux qui les instrumentalisent se réjouissent. Ils savent que cette énergie est investie à perte ; comme une dérivatif de l’action, l’émotionnellement correct. Nous pouvons toujours clamer le respect des droits fondamentaux, c’est un droit fondamental.
Ailleurs, on vendange au souk les paysans, à plein camion, et les déverse aux manifestations spontanées des capitales. Ceux qui font le décompte de notre émotion se réjouissent de la réussite des opérations : tant de haine canalisée, tant d’envie de tuer anéantie, tant d’espoirs maîtrisés, magie et force des slogans.
Nous voila réunis, satisfaction primaire du nombre, sécurisation instinctive, chaleur qui apaise nos corps et nos âmes. En tête, des politiques, des syndicalistes, des philosophes, des penseurs, derrière, la foule des anonymes, nous. En ces manifestations de la démocratie tous sont rassemblés, rassurés, unis, mais l’ordre de présentation persiste, représentations. Faudrait-il que nous arborions un keffieh comme d’autre leur blanche chemise sur tous les charniers du monde. Dites-moi, qu’ont ils changé ces philosophes, ces donneurs de leçons, si ce n’est leur propre compte. La représentativité n’est que la représentation de soi même, la mise en scène de son ego. Illusions que le printemps balaiera, ne resteront que quelques noms, quelques mots, des lambeaux de tissu noir et blanc accrochés aux branches de nos consciences.
Et demain, parce qu’il y aura toujours des lendemains, faute d’avoir dénoncé les vrais coupables, eux tous, nous tous. Faute d’avoir défendu de vrais idéaux il en sera comme il en était. Jusqu’à quand ? Jusqu’au prochain massacre, entre deux tueries ordinaires, jusqu’à la prochaine vague d’émotion.
Voyeurisme intolérable, pornographie de l’information hard live, regarder en boucle l’agonie. Comble de la superficialité se souhaiter la bonne année ainsi qu’à tous les palestiniens, écoeurement de la banalité. Nous ne sommes pas tous des Palestiniens, pas plus que nous n’étions des Juifs Allemands. Nous sommes des nantis, ayant des droits, celui de vivre et de manger, de travailler et de sacrifier quelques week-ends à une juste cause.
Quelle trouble solidarité ! Leur souffrance serait-elle une caution de notre confort ? Leur résistance donnerait-elle du sens au vide de notre bien-être matériel ? Vivrions-nous là par procuration un héroïsme disparu de nos factures ? Un vent de liberté, un souffle de jihâd rafraîchissant la sécheresse de nos meublés. De la vie insufflée par la mort, étrange paradoxe, impudeur, association mensongère. Je ne suis pas un Palestinien, je suis son frère, lui souffre, moi pas.
Je m’interroge : Qui l’emporte ? La force du complot ou la lâcheté de ceux qui tournent le dos ? Où commence le cynisme et où s’arrête-t-il ? A qui sert cette cristallisation ? A quoi sert cette exploitation de symboles accumulés ? Des interrogations entraînant un sombre dégoût, un âpre désarroi. Du bruit, de la fureur masquant notre trouble métaphysique. Des questions qui dérangent ? Il sera banni celui qui trouble la fête. Désigner les objets réels avant de les combattre. Désigner les vrais coupables et non ceux que la vindicte populaire montre du doigt. Désigner les vrais enjeux quelques soient les implications de nos intérêts et de nos égoïsmes.
Dans l’enthousiasme et l’indignation y a-t-il encore un temps pour la réflexion.
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