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A Quatrieme Frontiere Ou L’objectif Strategique De La Guerre De Gaza

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  • A Quatrieme Frontiere Ou L’objectif Strategique De La Guerre De Gaza

    Dr. Marwa Daoudy
    Département de Science Politique,
    Institut de Hautes Etudes Internationales et du Développement (IHEID)
    (Genève, Suisse)
    La guerre israélienne, ou l’« Opération Plomb Durci», officiellement destinée à neutraliser les tirs de roquette du Hamas, aura déjà causé la mort de plus de 1300 Palestiniens et 13 Israéliens (dont 10 soldats), y compris une moitié d’enfants et de femmes palestiniens, blessé et mutilé près de 5300 habitants, et ciblé sans distinctions les militants du Hamas, les écoles et quartiers-généraux des Nations-Unies, les mosquées, les ambulances, hôpitaux et camps de réfugiés de Gaza. Au moment où nous sont parvenues les images insoutenables de ce qui s’est apparenté à la liquidation d’une population civile entière, une analyse des motivations et objectifs de guerre du gouvernement israélien s’impose.
    Il a été maintes fois soutenu que l’objectif de l’Etat hébreu était de liquider le Hamas, mouvement islamiste palestinien à la tête de Gaza depuis juin 2007, au profit de l’Autorité Palestinienne, de remporter les prochaines élections de février 2009 par un coup de force qui améliorerait l’image de Kadima, ou de redorer le blason d’une armée israélienne gravement mise en déroute par le Hezbollah en 2006. La seule certitude, à ce stade, résulte dans le « timing » de l’opération, entreprise au moment du ralentissement des fêtes de fin d’année (à l’instar de la pause estivale de la guerre de juillet 2006 au Liban) et du vide politique à la Maison Blanche. Il est vrai aussi que l’élection en janvier 2006 du Hamas, dans le cadre d’un processus qualifié de démocratique et transparent par les observateurs internationaux, ne fut guère du goût des dirigeants israéliens, qui imposèrent un embargo sur la bande de Gaza; ils parvinrent aussi à mobiliser la communauté internationale, ainsi que l’Autorité Palestinienne, en faveur d’une condamnation du mouvement islamiste. Qu’ils furent informés ou non de l’opération israélienne sur Gaza, Mahmoud Abbas et son gouvernement sont aujourd’hui décrédibilisés au sein de la population palestinienne. Car, comme le souligne la journaliste israélienne Amira Hass dans un article récemment publié par Haaretz, il ne s’agit pas d’une guerre contre le Hamas, mais d’une guerre contre tous les Palestiniens, en dépit des déclarations en ce sens d’Ehud Olmert, Tzipi Livni et Ehud Barak (revenu au devant de la scène grâce à cette guerre).
    Et s’il s’agissait, comme semblent l’indiquer les diverses sources militaires, non d’une opération musclée à but électoral, mais d’un plan stratégique précis, préparé depuis plusieurs mois, quelle qu’aurait été la décision du Hamas de reconduire ou non la trêve expirée le 19 décembre dernier? Car le 23 décembre, à la veille de l’offensive israélienne débutée le 27 décembre, le dirigeant des services de sécurité israéliens du Shin Bet, Yuval Diskin, informait le gouvernement israélien que le Hamas acceptait de poursuivre la trêve à la condition que soit complètement levé le blocus mené à l’encontre de Gaza depuis 18 mois. Ces termes furent rejetés par le cabinet israélien. Il est vrai qu’en parallèle, le Hamas avait intensifié ses tirs de roquette sur Israël, avec l’idée d’appuyer la négociation par une pression accrue sur le terrain. Or, pour Israël, l’objectif stratégique réside dans le contrôle de la quatrième frontière au sud de la bande de Gaza, partagée avec l’Egypte et à proximité de la ville de Rafah. Le désengagement unilatéral de 2005 aurait d’ailleurs servi, selon les mots du conseiller d’Ariel Sharon Dov Weisglass, d’instrument pour «cesser tout processus politique avec les Palestiniens (…), de sorte à ce que le paquet global intitulé Etat palestinien soit retiré de l’agenda de manière définitive ». Or, les
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    s.
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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    Gazaouis subissent, depuis l’embargo décrété il y a 18 mois et le siège de novembre 2008, ce que le conseiller d’Ariel Sharon Dov Weisglass qualifiait de «mise au régime »- soit des conditions d’appauvrissement et d’affamement extrêmes.. Par le biais du blocus total imposé sur la circulation des personnes et des biens, l’Etat hébreu était parvenu à contrôler les deux frontières terrestres, ainsi que la côte maritime de Gaza.
    Or, une frontière continuait d’échapper au contrôle d’Israël, ce fameux corridor Philadelphi, dans le no man’s land créé par Israël entre Rafah et l’Egypte. Ce fut au travers des tunnels construits en-dessous du mur d’acier que les Gazzaouis trouvaient une échappatoire à leur emprisonnement quotidien, et le Hamas parvenait à se fournir en armement, sans véritables réactions de la part de l’Egypte, soucieuse de ménager son opinion publique révulsée par la crise humanitaire engendrée par le blocus israélien.
    Le scénario serait désormais le suivant : les Israéliens auraient pour objectif le contrôle cette frontière, en plaçant Gaza, selon l’analyste palestinien Ghassan Khatib, à nouveau sous responsabilité égyptienne – et ce, en accord avec l’évaluation des experts militaires israéliens qui jugèrent de l’occupation de Gaza et sa prise à l’Egypte comme un poids plutôt qu’un avantage obtenu par Israël après la Guerre de 1967. Ce rôle de l’Egypte est sujet de controverse. Célébrée pour sa « modération » par les Etats-Unis et l’Europe, l’Egypte de Moubarak a joué un dangereux jeu de compromis, en participant de facto au blocus et à la guerre israélienne par la fermeture de sa frontière. Ce choix risquera de coûter cher au régime de Moubarak, soucieux de préserver son image –et donc la survie de son régime- au sein de l’opinion égyptienne et arabe. A l’instar de l’Arabie Saoudite, l’Egypte ne voit guère d’un bon oeil le renforcement des mouvements islamistes soutenus, tels que le Hamas, par l’Iran dont les deux pays arabes craignent l’hégémonie régionale à leurs dépens. Or, à la différence de l’Arabie Saoudite, l’Egypte possède un enjeu direct dans le conflit israélo-palestinien, du fait de sa frontière commune avec Gaza. L’Egypte tente, donc, à présent de renforcer sa crédibilité par une diplomatie active auprès du Hamas et des pays occidentaux, jusqu’aux négociations réunies à Sharm el-Sheikh.
    Quels bénéfices Israël espère-t-il extraire de cette guerre ? Les capacités matérielles du Hamas risquent fort d’être réduites par la force de frappe supérieure d’Israël, le mouvement islamiste se trouvant dans l’incapacité de se réarmer après la prise de contrôle des tunnels et de la frontière du Sud. Les sources militaires israéliennes estiment que 500 combattants du Hamas auraient été tués, sur un total estimé à 4000 hommes. Les tirs de roquettes perdurent toutefois, après plus de 20 jours de guerre totale. Le Hamas semble gagner, en outre, la guerre des images, en renforçant sa stature de résistance et de légitimité auprès des Palestiniens, aux dépens d’une Autorité palestinienne perçue désormais comme, au pire, une force de collaboration, et au mieux, un gouvernement impuissant et méprisé par les Israéliens. Si les Israéliens espéraient replacer à Gaza Mahmoud Abbas (dont le mandat arrive à expiration) ou tout successeur, malléable à leurs demandes, en gestion conjointe avec l’Egypte, ces calculs ignorent l’impact, sur les mémoires historiques, des massacres collectifs perpétrés à l’encontre de civils innocents.
    Un cessez-le-feu aura, donc, été décrété unilatéralement cette fin de semaine par Israël, plus d’une semaine après l’adoption de la Résolution 1860 du Conseil de Sécurité. Un Sommet humanitaire sera, en outre, mis sur pied par l’Egypte et la France pour la reconstruction de Gaza. Un plan de résolution -et non seulement de gestion humanitaire et de sortie de crise- devra, toutefois, tenir compte des causes et conséquences du conflit. La question des réparations et compensations exigibles des victimes devra y figurer, et la responsabilité des crimes et dommages de guerre
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    incomber à Israël, et non à la communauté internationale, dont les investissements en Palestine sont, une fois de plus, réduits à néant; n’oublions-pas que la réparation des infrastructures libanaises, détruites par Israël en 2006, fut financée par les pays européens. Pour les Palestiniens, il s’agira d’obtenir le retrait des troupes israéliennes de Gaza, la levée totale du blocus et la réouverture des points de passage, avant de discuter du « mécanisme » (nouveau mot-clé de ce conflit) de surveillance de cette fameuse quatrième frontière. C’est là que réside l’intérêt principal d’Israël, qui en empêchera désormais l’accès aux combattants et cadres du Hamas afin de protéger sa population des tirs de roquettes. Des forces de maintien de la paix ou observateurs internationaux pourraient être dépêchés sur place, même si l’expérience du sud-Liban aura démontré les limites d’une telle force-tampon. Un acquis stratégique certain pour Israël sera ce renforcement du contrôle du point d’accès depuis l’Egypte, celle-ci étant peut-être amenée à y jouer un rôle similaire à celui octroyé à l’Autorité Palestinienne en Cisjordanie. Mais Israël pourra-t-il continuer de contrôler en sus les trois autres frontières, pour mieux endiguer la bande de Gaza et en limiter les mouvements? Les dirigeants israéliens, et au-delà, l’Europe et la communauté internationale, jusque là imperméables aux violations graves des lois de la guerre et des conventions internationales humanitaires, prendraient-ils le risque d’un nouvel embrasement futur du conflit ? Si Israël souhaite sincèrement la sécurisation de sa population, la solution à long terme ne sera pas d’emmurer les Palestiniens, en semant les germes d’une radicalisation croissante par son opération de terreur et de destruction, mais de prendre le pari de négocier une paix durable et solide avec leur représentant légitime à Gaza, le Hamas, dont les dirigeants avaient admis en 2007 un retour aux frontières de 1967, soit la reconnaissance d’Israël si celui-ci se retirait de tous les territoires occupés en Cisjordanie, y compris Jérusalem-Est. Il sera aussi impératif que le Fatah et le Hamas retrouvent les bases d’une entente nationale, si nécessaire à leurs intérêts de sécurité et survie. En période de transition du pouvoir américain, l’Europe, et la France en tête, est confrontée à l’opportunité unique de se positionner en tant que médiateur, mais un médiateur courageux et impartial, qui se soucie de protéger les civils innocents de la violence d’une guerre brutale et totale, tout en amenant les protagonistes concernés à la table des négociations et des compromis mutuels. Celles-ci doivent engendrer un effort de résolution qui s’attaque aux causes du conflit (la fin de l’occupation par Israël de tous les territoires palestiniens, la reconnaissance mutuelle et durable) et les intérêts existentiels des deux parties, et non une phase de plus dans un plan stratégique global qui viserait à maximiser les gains (à court terme) du plus fort, et donc à prolonger un conflit dramatique aux ramifications dangereuses.
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

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