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Combattre le néolibéralisme et le pouvoir des Etats Unis (1ère partie)

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  • Combattre le néolibéralisme et le pouvoir des Etats Unis (1ère partie)

    Un texte détaillé très utile pour comprendre...

    mardi 20 janvier 2009, par Adam Hanieh

    Au cours des six derniers mois, l’économie palestinienne a été radicalement transformée selon un nouveau plan conçu par l’Autorité Palestinienne (AP) et appelé le Plan palestinien de réforme et de développement (PPRD).

    Développé en étroite collaboration avec des institutions comme la Banque Mondiale et le Département britannique pour le Développement International, le PPRD est actuellement mis en œuvre en Cisjordanie, dont l’Autorité Palestinienne dirigée par Abu Mazen a le contrôle effectif. Le PPRD embrasse les préceptes fondamentaux du néolibéralisme : une stratégie économique dirigée par le secteur privé, dans laquelle le but est d’attirer l’investissement étranger et de réduire les dépenses publiques au minimum.

    Comprendre la logique de ce cadre économique est crucial pour évaluer la conjoncture actuelle de la lutte palestinienne. La vision néolibérale qui sous-tend ces principes est le corollaire central de la direction politique promue par le gouvernement israélien, l’Autorité Palestinienne et leurs soutiens US et Union Européenne.


    Le but, comme l’explique la première partie de cet article, est de formaliser un réseau de cantons sous contrôle palestinien et de zones industrielles associées, dépendant de l’occupation israélienne, et au travers desquels un bassin de main-d’oeuvre palestinienne bon marché est exploitée par des groupes capitalistes israéliens, palestiniens et régionaux.

    Le cadre institutionnel en développement pour l’économie palestinienne n’intègre pas seulement l’occupation israélienne dans la conception du "développement", mais il agit également pour entretenir la culpabilité des élites politiques et économiques palestiniennes pour la façon dont ces structures opèrent.

    Une telle analyse n’est cependant qu’une partie de l’histoire. La seconde partie de cet article affirme que ces changements, en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza, ne peuvent être totalement appréhendés sans une compréhension du cadre régional du Moyen Orient.

    Au cours des vingt dernières années, et avec une accélération particulière sous l’administration Bush, les Etats-Unis ont poursuivi une politique d’intégration de leurs bases de soutien dans la région à l’intérieur d’une seule zone économique libérale liée aux USA par une série d’accords commerciaux bilatéraux.

    Cette vision vise à promouvoir la libre circulation des capitaux et des biens (mais pas nécessairement de la main-d’œuvre) dans tout le Moyen-Orient. Les marchés de la région seront dominés par les importations US, alors que la main-d’oeuvre bon marché, concentrée dans des zones économiques "libres" appartenant au capital régional et international, fabriquera des produits d’exportation à bas prix destinés aux marchés des USA, de l’Union Européenne, d’Israël et du Golfe. La composante centrale de cette vision est la normalisation et l’intégration d’Israël au Moyen Orient. Les USA envisagent un Moyen Orient reposant sur le capital israélien à l’Ouest et le capital du Golfe à l’Est, étayant une zone néolibérale de bas salaires qui couvre la région. Cela signifie que la destruction historique par Israël des droits nationaux palestiniens doit être acceptée et bénie par tous les états de la région. A la place d’une réelle autodétermination palestinienne (le droit au retour des réfugiés avant toute chose), un Etat artificiel nominal sera établi sur les îlots dépendants de territoires en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza.

    Cet objectif est un pré-requis essentiel de la stratégie US dans la région. Nos activités politiques doivent intégrer cette compréhension si nous voulons bâtir des mouvements de solidarité efficaces pour combattre et renverser ce projet.
    Le néolibéralisme en Palestine : le Plan Réforme et Développement


    Le 17 décembre 2007, lors d’une conférence d’une journée à Paris, plus de 90 représentants internationaux de divers pays et organismes donateurs se sont rassemblés pour assurer le gouvernement de l’Autorité Palestinienne dirigée par le Président Mahmoud Abbas (Abu Mazen) et le Premier Ministre Salam Fayyad de leur soutien. La conférence était la plus importante de la sorte depuis 1996, et était présidée par les gouvernements français et norvégiens, Tony Blair (en tant que représentant du Quartet pour le Moyen Orient) et la Commission Européenne.

    Suite aux discours des divers états-membres de l’Union Européenne, de l’Autorité Palestinienne, du Fonds Monétaire International et du gouvernement israélien, les participants à la conférence ont promis plus de 7,7 milliards de dollars US à l’Autorité Palestinienne. L’impulsion principale de cette conférence était d’essayer d’obtenir un soutien financier à une stratégie économique de l’AP appelée "le plan palestinien Réforme et Développement pour 2008-2010". Basées sur une série de propositions détaillées rédigées par la Banque Mondiale et autres organismes financiers internationaux, les grandes lignes du PPRD avaient d’abord été présentées en novembre 2007. Depuis lors, elles sont devenues le cadre directeur d’une politique économique, en particulier dans les secteurs de Cisjordanie où l’AP dirigée par Abu Mazen exerce un contrôle effectif.

    La première chose que l’on peut remarquer au sujet du PPRD est que le poids de la Banque Mondiale, du Fonds Monétaire International et autres organismes néolibéraux comme le Département britannique pour le Développement International (DFID) se fait clairement sentir dans ses recommandations politiques et ses perspectives.

    L’argument qui sous-tend le PPRD est explicitement néolibéral, demandant à l’Autorité Palestinienne d’entreprendre une série de réformes fiscales visant à favoriser un "environnement encourageant pour le secteur privé" comme "moteur d’une croissance économique durable". Les organisations palestiniennes de la base ont été jusqu’à décrire les institutions financières néolibérales comme "un gouvernement fantôme ’de fait’ en Cisjordanie, dictant le programme de développement du gouvernement de Salam Fayyad". [1]

    Que signifie réellement le PPRD pour les Palestiniens sur le terrain ? Comme le suggère le nom, le PPRD est composé de deux éléments principaux : la "réforme" et le "développement". La composante "réforme" engage l’AP dans un programme de resserrement fiscal qui dépasse les mesures imposées par le FMI et la Banque Mondiale à n’importe quel autre Etat de la région.
    The truth is incontrovertible, malice may attack it, ignorance may deride it, but in the end; there it is.” Winston Churchill

  • #2
    Les trois éléments clés de ce programme sont :
    1) dans l’attaque probablement la plus dure contre le secteur public au Moyen Orient au cours de l’histoire récente, l’AP s’est engagée à couper 21% des emplois du secteur public d’ici à 2010. Près de 40.000 personnes perdront leur emploi par ce licenciement de masse. [2]
    2) l’AP a promis de ne pas augmenter les salaires du secteur public pendant les trois prochaines années. Dans un environnement où le niveau d’inflation est très élevé (11% dans l’année jusqu’à mars 2008) et où les prix de la nourriture et de l’énergie grimpent rapidement, ce gel des salaires est, pour le Palestinien moyen en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza, la recette d’un désastre annoncé.
    3) enfin, une autre composante clé du PPRD est l’obligation que les citoyens présentent un "certificat de paiement" de leurs factures de services pour obtenir tout service municipal ou gouvernemental. Cette mesure aura un impact dramatique sur les pauvres, puisque le subventionnement des factures d’électricité et d’eau (c’est-à-dire la continuité de ces services malgré le non règlement des factures) était le principal moyen de survie pour des millions d’individus dont le niveau de pauvreté monte en flèche.
    Ces nouvelles mesures signifient que les individus faisant une demande pour divers services – carte d’identité, permis de conduire, permis de construire, etc. – se verront refoulés si leurs dettes ne sont pas réglées. Les fonctionnaires verront leurs dettes de services publics déduites de leurs salaires.
    Les organismes financiers internationaux placent une priorité tellement haute sur le PPRD que virtuellement, toute donation de soutien à l’AP – dont les 7,7 milliards de $ US promis lors de la Conférence de Paris – dépendra de sa mise en œuvre. Pour s’assurer de sa conformité, un nouveau compte bancaire appelé Fonds d’affectation spéciale pour le PPRD a été créé, où sera versée l’aide internationale à l’AP. Ce compte est établi à Washington D.C. et est géré par la Banque Mondiale, qui a explicitement statué que les dépenses faites au moyen de ce compte seront basées sur "l’estimation des progrès réalisés dans la mise en œuvre du PPRD". [3]
    Une "culture du droit" ?
    Pour saisir l’impact des mesures du PPRD dans sa globalité, il faut le replacer dans le contexte de la situation économique actuelle en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza. Pendant la période 1999/2007, le PIB par habitant a baissé d’environ 2/3 et les attaques israéliennes sur le territoire palestinien ont balayé les économies personnelles. Ce sont les pires niveaux de pauvreté jamais enregistrés : les trois-quarts des ménages de Gaza, et bien au-dessus de la moitié en Cisjordanie, vivent dans la pauvreté. [4]
    De plus, au cours des 15 dernières années, un changement significatif de la structure de la main-d’oeuvre palestinienne s’est produit qui aggrave encore davantage l’effet de ces mesures. Israël a réduit son recours à la main-d’oeuvre palestinienne dans des domaines comme la construction et l’agriculture, remplaçant ses ouvriers par de la main-d’œuvre immigrante de pays comme l’Asie et l’Europe de l’Est. En conséquence, l’emploi proposé par l’Autorité Palestinienne est devenu la clé de la survie pour les Palestiniens en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza. Environ 1/5ème des travailleurs palestiniens en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza sont employés par l’Autorité Palestinienne dans des secteurs comme l’éducation, la santé, la sécurité et les affaires municipales. Dans un environnement de ratios de dépendance élevée (une moyenne de 5,3 personnes dépendaient de chaque personne employée en 2007), près d’un million de personnes comptent sur les salaires fournis par les emplois du secteur public. [5] Le 5 février 2008, peu après l’annonce des mesures fiscales du PPRD, les employés du secteur public ont lancé une grève. En plus de protester contre les réductions salariales et le "certificat de paiement", les travailleurs demandaient une revalorisation de la ligne "frais de déplacement" de leurs salaires à cause de l’augmentation de leurs frais de déplacement (conséquence des checkpoints militaires israéliens et des augmentations du prix du fuel). [6]

    La grève n’a cependant pas réussi à repousser l’application du PPRD. L’une des principales raisons en est que les travailleurs du secteur public en Cisjordanie (et leurs représentants syndicaux) sont traditionnellement liés au Fatah, le parti au pouvoir qui domine l’Autorité Palestinienne et est responsable du PPRD. A cause de cette relation, les grèves et autres actions des travailleurs tendent à être limitées, au nom de l’opportunisme politique. [7]

    Néanmoins, la grève a bien montré le gouffre grandissant entre la trajectoire néolibérale de l’Autorité Palestinienne et son appel de plus en plus faible à la libération nationale. L’illustration la plus crue en fut le langage employé par la direction de l’AP en référence au "certificat de paiement" proposé par le PPRD. Tout au long de la grève, des représentants éminents de l’AP n’ont cessé de condamner les travailleurs du secteur public et les pauvres pour leur supposée "culture du non-paiement" et leur "logique revendicatrice de ce qui est dû".

    Il est nécessaire de comprendre clairement que la population palestinienne, en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza, n’a aucun contrôle sur les services de base comme l’eau, l’électricité et l’accès au téléphone. En conséquence du système de contrôle établi par Israël dans les territoires, tous ces services sont fournis par des compagnies israéliennes, par des intermédiaires palestiniens. La facture que reçoit un consommateur est peut-être rédigée en arabe, le service provient en fait d’une compagnie israélienne (à l’exception d’une petite quantité d’électricité produite dans la Bande de Gaza).

    A cause de cette relation, le "certificat de paiement" du PPRD veut essentiellement dire que l’AP a pris le rôle d’un collecteur de dettes pour les compagnies israéliennes, choisissant de cibler les couches les plus pauvres de la communauté pour entretenir les structures de l’occupation. Et pire, le langage néolibéral adopté par l’AP reproche à des millions de gens vivant dans des conditions de pauvreté jamais vues auparavant d’essayer de trouver le moyen de survivre. Salim Vally, militant sud-africain, a récemment noté que les administrations municipales néolibérales en Afrique du Sud utilisent le même langage d’une "culture de la revendication" pour décrire l’incapacité des habitants des townships pauvres à payer les nouvelles redevances.

    Evidemment, dans une confirmation frappante des tendances similaires en jeu dans les deux pays, Vally révèle qu’il y a quelques années, des responsables de la municipalité de Cape Town, en Afrique du Sud, ont offert à une délégation palestinienne en visite (dont le négociateur en chef de l’AP Saeb Erekat), une provision de compteurs d’eau à carte payée d’avance comme partie de la campagne d’encouragement à l’imposition des redevances. L’AP a promis d’installer ce type de compteurs comme partie du PPRD. [8]

    En étripant un cinquième de la main-d’oeuvre, en imposant un gel des salaires alors que les prix grimpent en flèche, et en contraignant les pauvres à régler immédiatement des millions de dollars de dettes, le PPRD aura un impact dévastateur et sans précédent sur la population. Ces mesures néolibérales ouvriront indubitablement des fissures significatives au sein des différentes forces politiques et des mouvements sociaux pour la période à venir.

    Mais la clé à toute réponse efficace est la compréhension que le PPRD n’est pas seulement une tentative délibérée d’appauvrir la population. Il vise plutôt à être le complément de la seconde composante du PPRD : son modèle particulier de "développement".
    Le "développement" et le modèle de zone industrielle

    A côté des mesures fiscales décrites ci-dessus, le PPRD promeut une série de projets de développement qui ont été fortement appuyés par les USA, l’Union Européenne et le gouvernement israélien. La condition préalable essentielle de ce modèle de développement est un vaste bassin de travailleurs palestiniens désespérés et acculés à la pauvreté, qui seront prêts à accepter les emplois proposés selon ce type de développement. C’est l’intersection entre les composantes "réforme" et "développement" du PPRD.

    Le but du modèle de développement du PPRD est d’utiliser une main-d’œuvre palestinienne bon marché dans des zones et parcs industriels, situés aux lisières du patchwork des territoires palestiniens en Cisjordanie.

    Selon cette approche, les capitaux israéliens, palestiniens et régionaux coopéreront (sous la bannière de la "paix") à l’intérieur de ces zones industrielles pour profiter des coûts salariaux palestiniens très bas. Alors qu’un peu de cette production concernera des secteurs traditionnels à basse valeur ajoutée comme les textiles, certaines zones seront dédiées à servir de complément aux secteurs de haute technologie de l’économie israélienne, où une main-d’œuvre palestinienne instruite pourra offrir des alternatives à bas salaires. Les marchandises produites seront exportées aux USA, vers l’Union Européenne et dans les Etats du Golfe. L’Autorité Palestinienne jouera le rôle de maintien de l’ordre d’une armée de réserve forte de plusieurs millions de travailleurs enfermés derrière des murs et des checkpoints dans les territoires palestiniens. En échange, la direction de l’AP pourra brandir les signes extérieurs d’un Etat, obtiendra, pour elle-même, le privilège de voyager et de se déplacer librement, et touchera sa part des dividendes en provenance des zones.
    La première étape de ce plan se centre sur la Cisjordanie, où le gouvernement d’Abu Mazen et de Salam Fayyad exerce le pouvoir et est capable de la mettre en œuvre, avec le soutien d’Israël. Une série de zones industrielles est prévue pour des secteurs près de Jenine, Naplouse et Tarqumiya (près d’Hébron).
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    • #3
      Bien que les détails exacts de ces zones aient été gardés secrets, les institutions concernées prétendent que la phase initiale devrait employer directement environ 40.000 travailleurs, avec un chiffre identique d’emplois créés "indirectement" à l’extérieur des zones. [9] Si ces projets arrivent à maturité, ils auront un impact majeur sur la structure du travail palestinien en Cisjordanie : près de 20% des emplois en Cisjordanie seront liés, d’une manière ou d’une autre, à ces zones industrielles.
      A l’intérieur de ces zones, les législations du travail palestiniennes et israéliennes, les niveaux des salaires, les règlementations sur l’environnement, ou autres règles relatives au lieu de travail ne s’appliqueront pas.

      Les mouvements à l’entrée et à la sortie de ces zones seront contrôlés par l’armée israélienne et les forces palestiniennes de sécurité. On peut présumer que si le modèle typique de contrôle de la circulation d’Israël est appliqué, les travailleurs devront passer par des vérifications sécuritaires draconiennes pour obtenir les permis de travail nécessaires. Dans ce cas, la possibilité de travailler dépendra de l’obéissance aux ordres militaires israéliens (plus de 11 000 Palestiniens sont actuellement détenus comme prisonniers politiques pour violation de ces ordres militaires).

      L’organe syndical principal en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza, la Fédération Générale Palestinienne des Syndicats (Palestinian General Federation of Trade Unions - PGFTU), n’a pas obtenu le droit de représenter les travailleurs dans les zones industrielles. Les projets pour la zone Tarqumiya confirment ce pronostic. La Turquie sera le principal partenaire et financeur de la zone et contrôlera la sécurité intérieure. L’Autorité Palestinienne et Israël contrôleront la sécurité extérieure, depuis leurs côtés respectifs. Les sources turques espèrent voir s’y installer environ 200 usines, qui emploieront 10 000 palestiniens.

      Les représentants des hommes d’affaires turcs ont explicitement noté dans un environnement global de produits chinois à bas coût, des zones comme Tarqumiya aideront à la relocalisation de l’industrie turque dans la région pour profiter de la main-d’œuvre bon marché. Ils prévoient aussi que les marchandises produites dans la zone seront exportées vers les USA, l’Union Européenne et les Etats du Golfe. [10] En plus de l’exploitation d’une main-d’oeuvre bon marché, ces zones serviront à normaliser et à légitimer les structures existantes de l’occupation. Le Jenin Industrial Estate (JIE) en est un exemple clair. La terre pour le JIE a été confisquée deux fois aux fermiers palestiniens : en 1998, lorsque l’Autorité Palestinienne a soulevé la première fois l’idée d’une zone industrielle, puis une nouvelle fois en 2003, lorsque l’armée israélienne a confisqué la terre pour construire une zone-tampon pour le mur d’apartheid [11]. Il est évident que, dans un exemple frappant de la manière dont ce modèle de développement intègre les structures de l’occupation, le mur constituera la frontière nord du JIE.

      L’importance centrale du modèle de "développement" de la zone industrielle pour les USA, Israël et l’AP a été confirmée à la fin du mois de mars 2008, pendant la visite de la Secrétaire d’Etat US Condoleezza Rice dans la région. Le 30 mars, lors d’une réunion organisée entre Rice, le Ministre de la Défense israélien Ehud Barak et le Premier Ministre de l’AP Salam Fayyad à Jérusalem, Israël a convenu de faciliter la création de Tarqumiya et l’a présentée comme une mesure d’ "édification de la confiance". Le projet Tarqumiya a été soutenu avec force par le représentant du Qartet, Tony Blair, comme un des quatre projets "à impact rapide" liés à la mise en œuvre du PPRD.
      La "Conférence pour l’Investissement en Palestine" de mai

      Comme l’indiquait la réunion de mars entre Rice, Barak et Fayyad, la construction de zones telles que Tarqumiya et le JIE est une haute priorité des négociations politiques en cours.

      Une autre composante de la réunion tripartite fut une discussion sur la manière dont Israël aiderait à faciliter une "Conférence pour l’Investissement en Palestine", réunie à Bethléem du 21 au 23 mai. Cette conférence a confirmé sans conteste possible la trajectoire néolibérale de l’AP et l’intégration de l’occupation militaire israélienne dans le modèle de développement.

      Plus de 1.000 délégués ont participé à la conférence, dont toutes les figures clés de l’AP (Abu Mazen, Salam Fayyad et d’autres ministres importants étaient présents) [12]. Elle a réuni les capitalistes palestiniens les plus riches à l’extérieur du pays (en particulier en Amérique du Nord et en Europe), comme les groupes capitalistes arabes de Jordanie, du Golfe et d’ailleurs.

      La conférence a été sponsorisée par des groupes d’affaires palestiniens actifs en Cisjordanie et à Gaza (dont l’Arab Bank, la Bank of Palestine, Paltel, Consolidated Contractors Company, Arab Palestinian Investment Company) ; d’importants capitaux étrangers (CISCO, Intel, Coca Cola, Marriott Hotels, Booz Allen Hamilton), et des organisations gouvernementales US et européennes (USAID, DFID, et l’Agence Française de Développement).
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      • #4
        Le but principal de la conférence était de présenter les attaques néolibérales sur le secteur public mises en œuvre par l’AP selon le PPRD, les brandissant comme "bonnes pour les affaires" et une raison attractive d’investir dans les territoires palestiniens.

        En plus des zones industrielles citées ci-dessus, plusieurs projets ont été mis en avant pendant la conférence qui visent à réunir les capitaux arabes et israéliens dans des investissements partenariaux. Les industriels israéliens ont été encouragés à participer, bien que l’on n’en ait pas fait une large publicité à cause de l’opposition du public palestinien à ces types de projets en partenariat.

        L’un des projets présentés lors de la conférence fut le "couloir pour la paix et la prospérité" (CPP), dont le but est la création d’une zone agro-industrielle dans les régions fertiles de la Vallée du Jourdain. Pendant des siècles, la Vallée du Jourdain a été une zone agricole clé pour les fermiers palestiniens en Cisjordanie. Mais suite à l’occupation de la région en 1967, l’armée israélienne a commencé à chasser beaucoup de ces fermiers, à confisquer leurs terres et à y établir des colonies israéliennes (d’abord comme des colonies militaro-agricoles, puis comme colonies israéliennes agro-industrielles). En contrôlant l’eau, l’accès routier et autres ressources, la terre est essentiellement devenue une zone militaire israélienne bien que des villages palestiniens éparpillés soient demeurés dans le secteur.

        Le but du CPP est d’établir une zone de libre échange agricole qui transformera les petits fermiers palestiniens en ouvriers journaliers et sous-traitants d’une grande agro-industrie contrôlée par le capital israélien et régional [13]. En d’autres termes, non seulement le CPP entérine l’occupation et l’expropriation de terres, qui ont eu lieu au cours des 40 dernières années dans la Vallée du Jourdain, mais il vise en fait à intégrer l’occupation dans le projet lui-même. Les produits agricoles récoltés dans le CPP ne serviront en rien à résoudre les problèmes de sécurité alimentaire du secteur : la production est destinée à l’exportation vers Israël et les Etats du Golfe.

        Une dernière indication de la relation entre les structures de l’occupation et le modèle de développement néolibéral fut le soutien donné par l’appareil militaire israélien à la conférence elle-même. Alors que chaque jour, les habitants de Bethléem sont dans l’impossibilité de se déplacer sans procédures sécuritaires sophistiquées, cartes d’identité à la couleur particulière et checkpoints spécialisés, les participants à la conférence sont entrés dans le pays et ont bénéficié du droit à voyager sans harcèlement ni le moindre contrôle de sécurité aux frontières israéliennes.

        En dépit du fait que plus de 200 palestiniens, dans la Bande de Gaza, sont morts au cours de l’année dernière à cause du siège imposé par Israël et l’impossibilité de voyager pour recevoir des soins médicaux d’urgence, les autorités israéliennes ont permis aux hommes d’affaires de Gaza de participer à la conférence. Une pancarte érigée par l’armée israélienne à l’entrée de Bethléem souhaitait la bienvenue à la conférence. Elle était écrite en arabe, en hébreu et en anglais, et décorée des logos de l’occupation militaire israélienne. Il faut signaler que la conférence n’est pas passée sans une forte opposition des forces populaires en Cisjordanie et dans la Bande de Gaza. Le Comité National pour le Boycott, le Désinvestissement et les Sanctions a fait une déclaration, soutenue par de nombreux mouvements politiques.

        "Le développement économique et social en Palestine est crucial, et il est impératif que nous prenions les mesures nécessaires à l’amélioration de la situation économique et politique actuelle. Cependant, en dépit des conférences nationales et internationales en cours destinées à réunir les efforts et les ressources nationaux, et en dépit du soutien de la solidarité internationale, nous pensons que la conférence économique qui aura lieu à Bethléem dans quelques jours, avec la participation de représentants israéliens officiels et officieux, a des implications politiques graves qui ne peuvent être ignorées (…). Les projets proposés prennent comme point de départ la participation israélienne dans la prise de décision et le contrôle israélien sur leurs statuts juridiques (…). Ils sont destinés à satisfaire les demandes économiques de l’administration israélienne, pas celles du peuple palestinien. (…) Ce n’est pas ces projets de développement que nous voulons ou dont nous avons besoin. Ce que nous demandons, c’est une conférence nationale palestinienne avec le soutien arabe et international pour renforcer la ténacité palestinienne et comme démarche vers la fin de la dépendance à l’occupation et à son économie" [14].

        En résumé, les mesures fiscales du PPRD et leurs projets de développement ne contribueront en aucune façon à mettre fin à l’occupation israélienne de la Cisjordanie et de la Bande de Gaza. En réalité, ces mesures n’agiront que comme renforcement de l’occupation en lui conférant la légitimité supposée et la bénédiction de la direction de l’Autorité Palestinienne. La grande majorité de la population de ces secteurs verra ses conditions de vie empirer, comme résultat direct de ces projets. Mais alors que le PPRD et des événements comme la Conférence pour l’Investissement sont le témoignage accablant de la dérive de l’Autorité Palestinienne, les forces conduisant ce type d’approche néolibérale ne résultent pas simplement de la corruption, des luttes intestines ou de choix stratégiques malheureux. Elles sont plutôt enchâssées dans la reconfiguration économique globale du Moyen Orient conduite par les USA. La deuxième partie de cet article explore ce processus régional crucial et la place de la Palestine à l’intérieur de celui-ci.

        Source : MRzine

        Traduction : MR pour ISM

        Par Adam Hanieh [email protected]

        Cet article est paru sur le site ISM France : http://www.ism-france.org/news/
        Notes

        [1] Stop the Wall, "National BDS Steering Committee : Bethlehem Investment Conference : Development or Normalization ? " 20 mai 2008.

        [2] L’Autorité Palestinienne tente de brouiller ce licenciement de masse en prétendant que ceux qui perdront leur emploi seront " engagés légalement". Sans tenir compte des procédures d’embauche, ceci aura un impact énorme sur ceux qui comptent sur cet emploi pour survivre. Voir Palestinian National Authority, "Building a Palestinian State : Towards Peace and Prosperity" p.14.

        [3] World Bank, détails du Fonds d’affectation spéciale.

        [4] Karen Laub, "IMF : Palestinian Reform Plan Doable" Associated Press, 11 Décembre 2007.

        [5] Statistiques sur la main-d’oeuvre et les ratios de dépendance disponibles sur le Bureau Central Palestinien des Statistiques
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