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Le triptyque de l’édition miné par des intrus en Algérie

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  • Le triptyque de l’édition miné par des intrus en Algérie

    Y a-t-il en Algérie des librairies répondant aux critères de cette noble profession ? Cette interrogation mérite d’emblée des éclaircissements quand on sait que la plupart de ces commerces -puisque le sort en a été ainsi édicté par les opportunistes du livre- versent dans des activités parallèles sous la couverture de vente de livres inscrite sur le registre du commerce.

    Rares sont les libraires qui sont adeptes de la préservation du fruit intellectuel d’autrui. La conviction échappe à ces pseudo-professionnels dont le seul souci est de saisir la moindre occasion pour jouer sur une scène qui n’est pas la leur, en témoigne le dernier Salon du livre constantinois, ou encore, on ne le répétera jamais assez, le bazar du hall de la maison de la Culture Mohamed El Aïd Al Khalifa, auquel les responsables du secteur locaux tournent le dos au lieu d’opérer une action salvatrice, et somme toute logique, pour mettre fin à cette kermesse annuelle qui ne fait l’affaire ni de la culture ni du fisc et encore moins de la population locale avertie. Cette tare pénalise les véritables libraires en dépit de leur nombre assez, assez réduit. En fait, les expositions et les salons «anarchiques» handicapent leur labeur et dévalorisent le livre pour le réduire à un vulgaire produit commercial.

    Des libraires professionnels, jusqu’à preuve du contraire, les seuls pouvant parler ès qualités, pointent un doigt accusateur sur ces «foires» quelconques, dont les répercussions mercantiles banalisent le triptyque «professionnel» du livre : auteur-éditeur-libraire. Cette boucle a vu l’intervention de pseudo-professionnels qui ont fini par la transformer en un nœud inextricable.

    L’aventure du livre relève d’une mission quasi incertaine. Ceux qui ont opté pour cette voie en savent quelque chose. Le livre est devenu un business, un filon à exploiter, ce qui ne fait le bonheur que des «vrais commerçants». Les vrais libraires, eux, souffrent pour joindre les deux bouts. Il en est de même pour les éditeurs.

    Quant au lecteur, il subit la situation. En fait, c’est le résultat logique de l’absence d’une politique globale, intersectorielle, devant prendre en charge l’auteur, l’édition, le livre, le lecteur et, surtout, la formation d’un lectorat et la promotion de la lecture et du livre. Car il est illusoire de croire que le ministère de la Culture peut, seul, faire face à l’anarchie qui règne dans le secteur et rendre au livre la place qui lui sied dans la société et dans le cœur des citoyens.

    Concurrence déloyale entre détaillants, grossistes et importateurs mine le milieu. Le premier cité est souvent le dindon de la farce. «Parfois, on se demande quelle est vraiment la fonction d’une librairie», s’interroge un professionnel du livre. Les cartes du monde livresque sont brouillées au point qu’il est difficile de différencier entre commerçants tous azimuts et libraires.

    Quant à l’édition, il faut dire qu’elle est relativement bien servie, mais en nombre plus qu’en qualité. Alger, Oran, Constantine et bien d’autres villes encore ont leurs éditeurs et maisons d’édition. Mais ce n’est pas pour autant que le livre a retrouvé sa place et sa valeur réelles.

    La ville de Constantine, pour l’exemple, a pu, ces dix dernières années, imposer sa présence «d’éditrice de province» grâce à l’activité d’une maison d’édition qui se spécialise dans les livres de patrimoine, d’histoire, et autres romans. Il s’agit de Media-Plus. Fidèle à sa tradition en matière de professionnalisme et de rigueur, cette maison d’édition compte plus de trente titres à son actif et non des moindres. On retrouve dans ses catalogues les traces du géographe Marc Cote, qui compile les 12 régions de notre pays dans son guide d’Algérie, unique en son genre, ou encore l’analyse du journaliste du Monde diplomatique Alain Greich dans Palestine 47, le partage avorté, et bien d’autres ouvrages, notamment la réédition de Malek Haddad dont les romans étaient presque oubliés dans sa propre ville. Pour l’année 2008, le coup littéraire est signé Nedjma Benachour avec Constantine et ses romanciers. Un ouvrage qui connaît un franc succès dans le milieu universitaire algérien. En fait, Média–Plus ne joue pas sur la quantité dans les rayons.

    Elle cible la demande tout en respectant sa ligne. C’est le pari gagnant de ses ouvrages publiés sous la direction d’une équipe restreinte mais qui veille judicieusement à promouvoir «la bonne lecture». Constantine renferme également d’autres nouveaux éditeurs qui tentent de se frayer un chemin.

    Cependant, dans le lot, il s’en trouve des occasionnels pour ne pas dire des mercenaires. Il est aussi des maisons d’édition qui font dans le fourre-tout, loin de toute accroche avec la profession. L’édition pour ces intrus est perçue comme une activité purement et simplement commerciale qui ne nécessite qu’un registre du commerce et un budget de départ. C’est ainsi qu’on voit défiler des tonnes de livres qui finiront en stock mort. Ce ratage est souvent masqué par des «coups de marketing» pour «transformer» une parution, malgré elle, en best-seller. Mais qui est apte à donner des statistiques pour «étoiler» des livres édités si ce n’est le libraire ? Les rares librairies que nous avons rencontrés ne sont certes pas visités par la même clientèle, mais ils s’étonnent cependant en apprenant que tel ou tel titre a eu un franc succès. «C’est ça le best-seller !?», devait ironiser un libraire en nous montrant une pile d’une nouvelle parution dont le taux de vente n’a pas excédé la moyenne.

    Par la Tribune
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