Les économies du Golfe sont en très rapide mutation. À l’occasion des voyages simultanés de MM. Bush et Sarkozy dans cette région, nous reproduisons un extrait du rapport de mission de la délégation sénatoriale française qui s’est rendue dans cette région en mars 2007. Il témoigne de la nouvelle gestion des avoirs pétroliers qui, après des décennies de gaspillage, s’est concentrée sur les investissements nécessaires à l’après-pétrole.
À l’image de l’Arabie Saoudite, qui a mis en place une politique significative de désendettement, les pays de la péninsule arabique ont le souci de promouvoir une gestion publique rigoureuse afin de répondre aux défis socio-économiques des prochaines années, au premier rang desquels figurent l’éducation et le secteur de la santé.
Conscients que « l’âge d’or » actuel ne pourra durablement se maintenir, les gouvernements de ces pays, dont les élites ont été, pour la plupart, formées dans les meilleures universités anglo-saxonnes, ont le souci de mener des politiques structurelles d’assainissement mais aussi de diversification afin de participer pleinement à la mondialisation.
Diversification de l’économie vers l’industrie et les services
La réduction de la part des hydrocarbures dans le PIB se constate dans les trois Etats visités, et, plus généralement, dans tout le Moyen-Orient.
Cette réduction résulte, non pas du tarissement de la manne, mais du souci, largement partagé par les autorités politiques, d’accroître la part des autres secteurs, dans le double intérêt de rééquilibrage économique mais également de stabilisation de la société.
Le Royaume d’Arabie Saoudite : à tous les niveaux sortir du « tout pétrole »
Cet objectif est patent au sein de la principale force économique de la région, l’Arabie Saoudite, dont l’économie dépend très fortement du pétrole.
En 2007, le pétrole représente encore 90 % de ses exportations, 80 % de ses recettes budgétaires et la moitié de son PIB. Cela se confirme à l’examen du palmarès du « top 100 » des entreprises saoudiennes qui sont concentrées principalement dans le secteur énergétique : le secteur pétrolier représentant à lui seul 10 % des capitaux de ce « top 100 » et générant près de 30 % du revenu de ces 100 entreprises.
Aussi le gouvernement saoudien sous l’impulsion du roi Abdallah a-t-il mis en place une politique de privatisation de l’économie afin de favoriser l’émergence d’un secteur privé, créateur de croissance et d’emplois, et de diversifier l’économie pour qu’elle sorte de la dépendance énergétique : le 8eme plan quinquennal de développement, adopté en 2006, prévoit ainsi 500 milliards de dollars d’investissements d’ici 2024.
La visite de la SAGIA (Saoudi Arabia General Investment Authority), permet par le dynamisme et le professionnalisme des équipes rencontrées, de conforter cette impression. Elle est, en effet, chargée « d’attirer » les capitaux étrangers et de les répartir le plus équitablement possible avec pour objectif officiel et ambitieux d’insérer l’Arabie Saoudite parmi les 10 économies les plus compétitives du monde avant 2010.
La priorité est la restructuration de l’économie et les grands axes demeurent la diversification des ressources, la saoudisation des emplois, la libéralisation et l’insertion dans l’économie globalisée (comme en témoignent l’adhésion à l’OMC en novembre 2005 et la mise en oeuvre de l’union douanière du CCEAG) mais aussi l’appel aux investissements étrangers, l’ouverture de l’amont gazier ou le développement du tourisme, notamment religieux grâce à la proximité des lieux saints. L’Arabie Saoudite espère ainsi attirer une partie des 1,3 milliard d’habitants vivant à moins de 3 heures de vol de son territoire. Les privatisations sont entrées dans leur phase de concrétisation, dans les secteurs des télécommunications, du dessalement d’eau de mer, de la production d’électricité, des services parapétroliers et du transport aérien.
La question du financement de ces projets d’infrastructures n’est cependant pas résolue alors que les besoins sont estimés à 17 milliards de dollars par an au cours des 10 à 20 années à venir. L’excédent budgétaire exceptionnel, dû au contexte extrêmement favorable du marché pétrolier, devrait y contribuer. Cependant, l’instauration d’une véritable fiscalité, parce qu’elle impliquerait des contreparties en matière de participation à la vie politique, n’est toujours pas envisagée.
Des économies déjà plus diversifiées : les Emirats arabes unis et le Royaume de Bahreïn
Deux images fortes attestent de cette diversification déjà largement engagée. En premier lieu, le dynamisme immobilier de Dubaï, caractérisé par l’augmentation du nombre des transactions réalisées et des mises en chantier ainsi que l’envolée des prix des actifs immobiliers. En second lieu, la visite d’ALBA (Aluminium Bahreïn) à Manama, l’une des plus importantes usines de production d’aluminium au monde.
Une économie émirienne en profonde mutation
L’économie des Emirats arabes unis (EAU) est ainsi en phase de mutation profonde : depuis 2000 a été lancé un vaste mouvement de privatisation dans les secteurs de l’eau, de l’électricité, de l’industrie et des services, tandis que le montant planifié d’investissement public et privé au titre « d’Abu Dhabi 2030 » est de 1.000 milliards de dirhams sur 15 ans, soit environ 200 milliards d’euros. A titre de comparaison, il y aurait eu, entre 1968 et 2006, « seulement » 192 milliards de dirhams d’investissement public soit environ 40 milliards d’euros.
Les EAU apparaissent ainsi comme le pays de la région le plus avancé dans le processus de diversification de son économie : les services (commerce international, tourisme et activités financières) atteignent 40 % du PIB, essentiellement à Dubaï, tandis que le secteur des hydrocarbures a vu son poids relatif décroître : 70 % au milieu des années 1970, 45 % dans les années 1980 et environ 35 % aujourd’hui. L’économie des Emirats arabes unis a ainsi été classée « économie la plus compétitive du monde arabe » par le World Economic Forum (WEF) de Doha des 9 et 10 avril 2007.
Les infrastructures et le secteur des transports connaissent un essor considérable : Dubaï revendique la place de première plate-forme aéroportuaire régionale. Un nouvel aéroport est en construction ambitionnant de devenir le plus grand aéroport mondial et le principal « hub » nord-sud, d’une capacité de 120 millions de passagers par an. La compagnie Emirates, fondée en 1985, est devenue un acteur aéronautique mondial majeur et est le premier client de lancement de l’A380 (43 appareils initialement commandés, auxquels se sont ajoutés quatre autres appareils en mai 2007).
Avec Qatar Airways, cette compagnie constitue désormais un très sérieux concurrent d’Air France KLM. En outre, en contrepartie de ces achats d’avions, elle tente d’obtenir des ouvertures de lignes supplémentaires, ce qui peut susciter des tensions au sein de l’administration entre les directions en charge de la régulation des créneaux aériens et celles dont la vocation affichée est de dynamiser le commerce extérieur.
L’émirat d’Abou Dabi semble désormais s’inspirer de la stratégie suivie par Dubaï afin de diversifier à son tour son économie et développe ses capacités aéroportuaires, industrielles et touristiques. Ainsi, à titre anecdotique, l’Emirates Palace, hôtel 7 étoiles, ouvert en 2005, dont le dôme est doré à l’or fin, a coûté plus de 3 milliards de dollars et représente la « vitrine luxueuse » d’Abou Dabi face à l’hôtel Burj Al Arab de Dubaï.
Les entreprises émiriennes (en particulier Emirates, évoqué précédemment, mais aussi Dubaï Ports Authority, Etihad Airways, Emirates Bank International, Emaar, International Petroleum Investment Company et Dubaï Aluminium) ou les fonds d’investissement (Mubadala Development Company et Dubaï Holding) mènent d’ambitieuses politiques d’internationalisation et de prises de participation sur des marchés extérieurs.
On doit cependant relever le caractère trop spéculatif de ces investissements, insuffisamment tournés vers les infrastructures et les moyens de production au profit de la mobilité et la forte rentabilité. L’exception du Qatar, et depuis peu, celle de Dubaï, qui souhaitent investir dans EADS, mérite à ce titre d’être soulignée [1]. En effet, le fonds d’investissement Dubaï International Capital (DIC) est entré à hauteur de 3,12 % dans le capital d’EADS en juillet 2007.
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