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Le PNDA, les détournements et les espoirs des agriculteurs d'Annaba

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  • Le PNDA, les détournements et les espoirs des agriculteurs d'Annaba

    En Algérie, si en amont de l’activité agricole, stratèges et têtes pensantes au niveau du ministère élaborent et mettent au point des dispositifs, des programmes et des plans qui, théoriquement, et avec les moyens mis en œuvre devraient aboutir à une révolution dans le monde agricole, en aval, «la logistique» ne suit pas et se heurte à une bureaucratie zélée qui bloque tout, privant ainsi les supposés bénéficiaires d’un soutien vital pensé et conçu pour eux. Cela s’est récemment vérifié lors de l’assemblée générale des fellahs tenue à Annaba à la fin du mois de décembre dernier en présence de M. Mohamed Alioui, SG de l’UNPA.

    Lors de cette rencontre pour le renouvellement des structures de cette instance, les paysans avaient saisi cette occasion pour soulever les problèmes qu’ils rencontrent sur le terrain et qui constituent un véritable frein à l’essor de ce secteur stratégique. Ainsi, les agriculteurs criblés de dettes, harcelés par les banques, confrontés à l’indisponibilité des engrais et aux difficultés d’accès aux crédits bancaires, ont lancé un appel à leur responsable afin qu’il porte leurs doléances en haut lieu. Ainsi, l’on apprend qu’au niveau national, les banques détiennent des créances d’un montant global de 12 milliards de dinars concernant pas moins de 130 000 agriculteurs. Une somme énorme qui handicape tous les efforts consentis par la profession qui ne peut à elle seule se sortir de cette impasse.

    Des performances en 2008 mais…

    Les performances réalisées l’année dernière, avec plus de 300 000 tonnes de céréales moissonnées, ainsi que 1 million de tonnes de tomates récoltées, avaient pourtant suscité beaucoup d’espoir dans le milieu rural, et tout le monde s’attendait à ce que la campagne labours-semailles de la nouvelle saison se déroule sans trop de difficultés. La distribution des engrais soumise à une réglementation stricte parce que touchant à la sécurité ne s’est pas faite normalement et les retards accumulés se répercutent négativement sur la production.

    La spéculation qui s’est emparée de ces produits stratégiques pratique des prix prohibitifs et les fellahs -ceux qui peuvent- contraints et forcés se rabattent sur ces revendeurs qui profitent de la situation. «Ces gens-là n’ont rien à voir avec l’agriculture, ils sucent notre sang sachant que nous sommes obligés d’acheter ces engrais. Ce qui est inadmissible, c’est que ces produits stratégiques sont largement disponibles dans le privé alors qu’ils se font rares au niveau du circuit officiel de distribution. Je ne comprends vraiment pas.» Le crédit «Rfig», censé comme son nom l’indique accompagner l’agriculteur tout le long de la campagne, est un vrai casse-tête pour les agriculteurs de Annaba, la proportion des bénéficiaires de ce dispositif ne dépasse pas les 1%. Ce qui est insignifiant au vu du nombre impressionnant des dossiers déposés auprès des agences BADR. Cet organisme exige, entre autres, une assurance des cultures en cours de validité, or, la plupart des agriculteurs, exploitant des terres héritées de leurs ancêtres et encore dans l’indivision ou attributaires de lopins dans le cadre des EAC ou des EAI, ne sont pas assurés, ce qui les élimine d’office du dispositif.

    Quand les moyens matériels font défaut


    Le manque d’équipements et de machines agricoles et du matériel d’irrigation a fait le reste, et le secteur agricole n’est pas près de connaître cet essor tant attendu. La redynamisation de l’agriculture, qui pourrait devenir un moteur de croissance pour toute la région, a té fortement soutenue par le PNDA et le FNRDA qui, généralement, ont bénéficié à la profession. Ainsi, ces dernières années près de 2 milliards de dinars ont été investis dans différents domaines, allant de l’appui à la production à la mise à niveau des exploitations agricoles (1 500 ont été concernées) en passant par l’arboriculture, l’élevage, la production et la transformation du lait ainsi que l’apiculture et la mise en valeur des terres.

    La surface agricole utile de la wilaya de Annaba, forte de 48 177 ha, s’est vue augmentée de 13%, ce qui est fort appréciable. 2 500 ha sont venus renforcer les périmètres irrigués et la céréaliculture et la production laitière sont en hausse. Les résultats auraient été bien meilleurs si la bureaucratie, la corruption et les détournements ne s’en étaient pas mêlés l’une pour bloquer, les autres pour se servir au passage et profiter de cette manne «providentielle» que l’Etat a mise à la disposition de ce secteur longtemps marginalisé. L’on se rappelle la commission d’enquête dépêchée expressément en mai 2008 par l’ex-ministre de l’Agriculture, M. Saïd Barkat, dont les services avaient relevé certaines irrégularités dans l’octroi des subventions et soutiens. Composée de 44 membres et menée par un inspecteur, cette commission s’était intéressée à la qualité des bénéficiaires avant de s’assurer sur le terrain si les crédits alloués avaient été réellement exploités pour réaliser les projets pour lesquels ils avaient été initialement accordés. On découvrit que certains avaient détourné ces subventions pour les investir dans des secteurs plus lucratifs, d’autres ont disparu de la circulation et d’autres encore n’ont pas respecté leurs engagements (cahiers des charges). Le cas des chambres froides dans la wilaya de Annaba est édifiant puisque sur les 35 chambres froides subventionnées à coups de milliards, seulement une dizaine est fonctionnelle, les autres périclitent ou sont transformées en dépôts pour différents produits sans rapport avec la vocation première de ces installations. Ainsi, certaines sont carrément abandonnées, d’autres sont confrontées au problème d’énergie électrique et d’autres ne trouvant pas les crédits nécessaires à leur mise en service. Pourtant,
    ces chambres froides sont indispensables au stockage des produits agricoles périssables mais on ne s’en inquiète pas outre mesure et la situation se dégrade de jour en jour. Selon le directeur des services agricoles, tous ceux qui, d’une manière ou d’une autre, ont bénéficié du soutien de l’Etat dans le cadre du PNDA et n’ont pas respecté le cahier des charges rembourseront ou seront poursuivis en justice.

    Le cas des EAC et des EAI, dont les terres fertiles ont été détournées par leurs exploitants pour être cédées à des particuliers et servir d’assiette pour la construction de locaux ou habitations, a eu de graves conséquences sur le secteur. Ainsi, sur les 555 EAC et EAI que compte la wilaya de Annaba, 469 ont fait l’objet d’enquêtes menées par la Gendarmerie nationale. Ces entités agricoles confiées à des ouvriers agricoles des anciens domaines autogérés ont été au départ exploitées tant bien que mal avant d’être, plus tard, abandonnées pour être sous-louées à des agriculteurs privés ou laissées en jachère. Les services de la DSA ont de leur côté déclenché une autre enquête et convoqué des bénéficiaires pour s’expliquer sur les dépassements constatés. Ainsi, il est apparu que plusieurs EAC, comme celles d’El Bouni, de Chorfa, de Oued El Aneb et de Tréat, qui «exploitent» plus d’un millier d’hectares, n’ont pas respecté les clauses contractuelles mentionnées sur les titres d’attribution. Sous-location à des tiers, mise en jachère, vente illégale avec la complicité de notaires véreux, détournement de parties de terrain, constructions illicites et autres, telles ont été les infractions relevées par les éléments de la Gendarmerie nationale. Les dossiers avaient été transmis à la justice qui statuera sur ces cas. Cela entraîne, selon un spécialiste du foncier agricole, une déchéance des droits des attributaires et des dédommagements qui seront versés à l’Etat.

    Régression de la filière tomate ces 5 dernières années

    Sur le plan cultures industrielles, la filière tomate, qui avait connu une croissance record pendant plus d’une décennie, donnant lieu à l’implantation d’une douzaine de conserveries, avait créé près de 80 000 emplois permanents, saisonniers directs et indirects, donnant une véritable bouffée d’oxygène à l’économie de la région. Cette embellie ne dura pourtant pas et la filière a régressé ces 5 dernières années, amenant la fermeture des 3/4 des unités de transformation. La conséquence directe de ces fermetures est l’accumulation des récoltes devant les conserveries qui proposent des prix qui ne couvrent même pas les frais de production. Colère des producteurs puis
    manifestations allant jusqu’à barrer la route de l’aéroport en déversant des tonnes de tomates sur la chaussée. Il avait fallu l’intervention des forces de l’ordre pour disperser les protestataires. Le problème n’était pas pour autant réglé puisque les producteurs revenaient à la charge pour demander à ce que leur tutelle prenne des mesures allant dans le sens d’un règlement du conflit. Les conserveurs, eux, se plaignent de la concurrence déloyale à laquelle ils sont confrontés. L’importation du triple concentré de tomate de Turquie et d’Italie, de la tomate en conserve de Chine et celle tunisienne entrée frauduleusement sur le territoire national a fait beaucoup de mal. Les produits locaux soumis à cette concurrence ne se vendent plus, la marchandise stockée ne trouvait plus preneur. Les conséquences désastreuses de cette situation se sont répercutées sur le monde du travail où les licenciements se comptaient par centaines.

    Les années suivantes, les agriculteurs se sont détournés de la tomate pour adopter d’autres cultures maraîchères. Une somme d’efforts et d’expériences de plus d’une vingtaine d’années est partie en fumée. Les superficies se sont réduites comme une peau de chagrin. Ainsi, de 1 200 ha de terres cultivées de tomates, on n’en est plus qu’à 150. Un léger mieux a été cependant constaté ces 2 dernières années avec la mise en place de conventions entre producteurs et transformateurs encore en activité et la situation commence à s’améliorer.

  • #2
    Production laitière : les éleveurs ne jouent pas le jeu

    Côté élevage, la wilaya de Annaba compte 90 000 têtes de bovins et ovins, dont 45 000 vaches laitières produisant près de 30 millions de litres de lait par an. Une partie infime de cette production est orientée vers la transformation, principalement au niveau de la laiterie l’Edough, malgré les soutiens accordés par l’Etat dans le cadre du FNRDA. En effet, le producteur bénéficie de 12 DA par litre livré, le collecteur 5 DA et le transformateur (laiteries), selon les quantités transformées, 2 DA/l pour 5 000, 3 DA/l pour 10 000, etc. Ce soutien qui a pour objectif d’encourager et de favoriser la production laitière locale et réduire progressivement la dépendance vis-à-vis de l’étranger est soumis à des conditions auxquelles certains éleveurs ne veulent pas adhérer. Il est stipulé dans le cahier des charges que le cheptel bovin doit être soumis à un dépistage à l’issue duquel un agrément est délivré par la direction des services vétérinaires, agrément qui ouvre droit au soutien. Certains éleveurs se dérobent à cette opération et ne veulent pas soumettre leur bétail au dépistage parce que si l’on découvre des zoonoses, telles que la brucellose, la tuberculose bovine ou la rage, les animaux atteints sont abattus sur le champ et l’Etat ne concède que 30% de la valeur bouchère de l’animal abattu. Une perte sèche pour l’éleveur qui a dépensé beaucoup d’argent pour l’entretien des bêtes. Ce sont les crémiers qui prennent le relais avec tous les risques pour la santé publique parce que le lait produit par un animal atteint de brucellose est impropre à la consommation et peut contaminer l’homme. Ce problème soulevé à plusieurs reprises par les éleveurs pour revoir à la hausse les indemnisations accordées suite à l’abattage des animaux atteints n’a pas encore trouvé de solution et on attend toujours qu’une décision soit prise.
    Entre-temps, le lait continue à être vendu aux crémeries et au bord des routes comme c’est le cas sur la RN16.

    Annaba, qui possède un important potentiel agricole, peut prétendre à une meilleure place dans le classement national des wilayas productrices pour peu que les freins qui la ralentissent soient levés, le décollage se fera dans quelques années et la situation générale du secteur agricole s’améliorera.


    Par La Tribune

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