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L'économie fait plus peur en France que dans d'autres pays

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  • L'économie fait plus peur en France que dans d'autres pays

    Selon le sondage TNS Sofres qui sera présenté à Lyon les 20, 21 et 22 novembre, lors des Journées de l'économie 2009, 73 % des Français estiment que l'information économique est difficilement accessible et peu compréhensible. Un pourcentage qui n'évolue guère au fil des années. Comment réussir à inverser cette tendance ?

    L'économie semble en effet faire plus peur en France que dans beaucoup d'autres pays. A quoi tient cette spécificité ? Plusieurs raisons peuvent être invoquées. L'histoire d'abord. La France est un vieux pays catholique où l'influence marxiste n'a pas été négligeable. Les résistances au "marché" demeurent fortes. La question de l'enseignement de l'économie doit également jouer. Il fut tardif - n'oubliez pas qu'il a fallu attendre les années 1960 pour que les sciences économiques sortent du giron des juristes et s'autonomisent. Et pour évoquer un point lié à l'actualité, l'enseignement en sciences économiques et sociales n'est toujours pas obligatoire en seconde au lycée.

    Depuis 2000 et la pétition signée par des étudiants de l'Ecole normale supérieure et de l'université Paris-Dauphine protestant contre les excès de la modélisation, une querelle persiste sur la trop forte importance des mathématiques dans l'enseignement. Ne pensez-vous pas que cette image porte aussi préjudice à la discipline ?

    Cette pétition alertait sur les difficultés réelles auxquelles les étudiants étaient confrontés. Souvent l'enseignement en propédeutique a pu aller trop loin dans la formalisation et le parti pris analytique. Il y a une difficulté pédagogique importante, mais la modélisation est la lingua France de la discipline et il faut l'enseigner.

    On peut mesurer aujourd'hui les excès de la modélisation mathématique à travers la création par les financiers de produits dérivés complexes qui ont contaminé les bilans des banques...

    La modélisation en finance n'a que des rapports lointains avec la modélisation nécessaire à une bonne compréhension des phénomènes économiques (l'offre et la demande, l'interaction entre les marchés, etc.). Les mathématiques financières relèvent d'un tout autre univers et leurs équations, à l'origine, sont liées à la valorisation des options, dans un marché stabilisé. Peu de connexions avec l'économie. Les effets systémiques qui peuvent résulter de leur créativité financière ? Ils n'en ont pas conscience. Ce sont des "innocents", dans les deux sens du terme.

    La finance, c'est en réalité trois ou quatre continents sans beaucoup de relations entre eux. Il y a la finance mathématique, un monde vraiment à part ; la finance classique qui se concentre sur la tarification des actifs en fonction des risques qu'ils présentent ; l'économétrie de la finance qui ausculte l'évolution des cours des actions et qui scrute toute information contenue dans les prix, susceptible de faire gagner de l'argent ; et enfin l'étude du fonctionnement des marchés financiers, pensés dans leur globalité, et dans leur rapport au reste de l'économie.

    En résumé, la finance est un domaine de grande effervescence intellectuelle mais de forte balkanisation des savoirs !

    C'est une explication à la crise ?

    La finance applique à la lettre la règle de la division du travail, mais de là à dire que c'est pour cette raison que le système s'est effondré, ce serait vraiment aller trop loin. L'introduction dans le système d'actifs obscurs, dont on ne connaissait pas véritablement le niveau de risque, traduit l'absence d'autodiscipline de la profession et les défaillances de la régulation. L'économie est une discipline complexe qui tente d'expliquer le monde dans lequel nous vivons. La crise met en évidence la fragilité des mécanismes de coordination des anticipations dans une économie de marché mondialisée.

    La défiance des Français vis-à-vis de l'économie n'est-elle pas également liée à l'échec des politiques gouvernementales dans la lutte contre le chômage ou au fait que les économistes, qu'ils soient de droite ou de gauche, avancent des recettes très différentes ?


    Même si dans l'expression "science sociale", il y a le mot "science", il y a beaucoup de questions sur lesquelles on ne sait pas trancher, et sur lesquelles on peut aussi changer d'avis au vu des faits. Regardez cette crise ! Après l'échec cuisant de l'économie planifiée soviétique et de son effondrement, le monde a vécu un tsunami libéral. Et qu'entend-on aujourd'hui ? Qu'il faut une relance keynésienne, que l'Etat doit davantage intervenir quitte à nationaliser partiellement, etc.

    C'est vrai que les économistes se bagarrent sur beaucoup de questions, mais cela tient autant à leurs désaccords sur les objectifs autant qu'à leurs différences d'évaluation des mécanismes ou des fondamentaux théoriques. La question de l'impôt est à ce titre exemplaire. Selon la conception de la redistribution des richesses qui est la vôtre, c'est-à-dire votre conception de l'équité sociale, vous ne proposerez pas les mêmes mesures économiques. Cela dit, à l'intérieur de cet espace de débat, il y a un accord implicite entre économistes (sauf ceux qui sont aux marges extrêmes) pour ne plus évoquer certaines pistes jugées inadéquates, comme rétablir des plans quinquennaux ou prôner l'autarcie, etc.

    Par le Monde
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