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Les femmes s'engagent en politique en Irak

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  • Les femmes s'engagent en politique en Irak

    Malgré les espoirs d'amélioration, la situation des femmes en Irak n'a guère évolué depuis l'occupation américaine en 2003. Leur participation au scrutin du 31 janvier va cependant leur permettre d'obtenir des sièges dans les conseils locaux, pour enfin défendre leurs droits.

    Amal Kibash, candidate au conseil provincial de Bagdad, mène une campagne que beaucoup jugeraient audacieuse, voire frénétique. A l'approche du scrutin, qui se tient le 31 janvier, elle ne rate pas une seule occasion de gagner les faveurs d'un nouvel électeur. "Vous allez votez pour moi, pas vrai ?", demande-t-elle en souriant aux passants alors qu'elle bat le pavé de son quartier de Sadr City, qui en mai dernier était encore un champ de bataille pour les milices chiites. D'immenses affiches représentant son visage voilé ornent plusieurs bâtiments dont certains portent encore les stigmates de combats récents.

    En décembre 2008, à Bassorah, où, il y a encore un an, des banderoles prévenaient les femmes qu'elles se feraient abattre si elles étaient trop maquillées ou osaient s'aventurer hors de chez elles non voilées, une autre candidate, Ibtihal Abdul-Rahman, collait des affiches à son effigie. Encouragées par l'amélioration de sécurité un peu partout en Irak, des milliers de femmes briguent aujourd'hui un siège dans les conseils provinciaux. Sur les quelque 14 400 candidats estimés, près de 4 000 sont des femmes. Certaines candidates ont vu leurs affiches maculées de boue, défigurées par des barbes ou déchirées, mais la plupart ont été épargnées par les violences qui, depuis le début de cette année, ont déjà coûté la vie à deux candidats et au chef d'une coalition [Hassan Zaidan Al-Luhaibi, qui dirigeait la coalition sunnite, le Front irakien pour le dialogue national. Le 29 janvier, dernier jour de la campagne électorale, trois autres candidats et deux membres de la Commission électorale ont été assassinés par des hommes armés].

    Pour nombre d'entre elles, les élections sont l'occasion d'apporter la bouffée d'air frais qui fait cruellement défaut aux conseils provinciaux, gangrenés par une grave corruption et dominés par des hommes et de grands partis politiques souvent ultraconservateurs. Mais, même si elles sont élues, ces candidates seront face à de nombreux obstacles, en particulier la rigidité d'esprit de la plupart des hommes en Irak, qui considèrent les femmes soit comme des objets sexuels soit comme des génitrices, qui dans tous les cas n'ont pas leur place dans le monde impitoyable de la politique. "Telles sont les mentalités. Nous devons les changer", estime la parlementaire Safia Taleb Al-Suhail. "Comment ? En nous battant."

    Safia Taleb Al-Suhail dirige un groupe de parlementaires femmes qui font pression pour que la disposition constitutionnelle imposant 25 % de femmes au Parlement soit également appliquée dans les conseils provinciaux. Ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle. Cette parlementaire, fille d'un éminent chef tribal chiite assassiné au Liban en 1994 par les sbires de Saddam Hussein, est rentrée en Irak après la chute du régime dans l'espoir de participer à l'avenir politique de son pays. Alors que l'Irak des années 1950 avait été le premier pays arabe à nommer une femme à un poste de ministre et à adopter un Code de la famille progressiste, les aspirations des femmes au pouvoir ont été pour ainsi dire étouffées par le régime misogyne de Saddam. La situation des femmes s'est encore compliquée après 2003, avec la montée en puissance des partis religieux.

    Safia Taleb Al-Suhail et d'autres femmes ont joué un rôle clé en faisant pression sur l'administrateur américain en Irak de l'époque, Paul Bremer, pour qu'un quota de femmes soit inscrit dans la première Constitution provisoire de l'Irak. Cette mesure est restée dans le texte constitutionnel actuel, beaucoup estimant que c'était là le seul moyen de garantir la participation des femmes dans cette culture phallocrate. Mais, lors de sa publication en octobre dernier, la version finale de la loi réglementant les élections provinciales faisait omission du quota de femmes – sans qu'on sache très bien si l'oubli était volontaire ou non. La Commission électorale a établi que cette loi était acceptable en l'état, estimant que les femmes se voyaient garantir une représentation suffisante par l'obligation de désigner une femme pour trois hommes dans chaque liste gagnante. Mais selon Safia Taleb Al-Suhail, nombre des listes électorales ne présentent pas assez de femmes pour respecter cette exigence, certaines ne comptant même que quatre candidats, tous des hommes.

    Mahdiya Abed-Hassan Al-Lami, une militante des droits des femmes et candidate à Bagdad sur la liste de l'ancien Premier ministre Ibrahim Al-Jaafari, se dit favorable au système des quotas mais déplore qu'il ait été manipulé par tous les grands partis politiques, aussi bien laïques que religieux, dans l'objectif de marginaliser les femmes. La plupart des femmes choisies sur les listes importantes sont là en raison de leurs relations familiales ou tribales et de leur loyauté à tel groupe religieux ou à tel parti, estime-t-elle, et non pour leurs compétences.

    Par Sam Dagher , International Herald Tribune, Courrier International


    Madiya al-Lami est microbiologiste et candidate aux élections provinciales en Irak
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