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L'Europe en route vers la stagdéflation

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  • L'Europe en route vers la stagdéflation

    L'année 2008 fut marquée par le réveil politique de l'Europe à l'occasion de l'intervention russe en Géorgie, puis du plan de sauvetage du système bancaire. L'année 2009 pourrait acter son déclassement économique avec le basculement dans la stagdéflation, c'est-à-dire une récession couplée à une spirale de baisse de l'activité et des prix, de l'investissement et de l'emploi.

    Force est de constater que si la crise est née aux Etats-Unis, c'est l'Europe qui acquitte le prix le plus élevé. La zone euro est particulièrement touchée : croissance négative à hauteur de 1,9 % pour 2009 ; chômage de 9,3 % en 2009 et 10,5 % en 2010 ; déficit public de plus de 4 % du PIB et dette publique estimée à 76 % du PIB en 2010. Parallèlement, l'inflation a chuté depuis juillet 2008, tandis que les cours des actifs immobiliers et financiers s'effondraient, ce qui est caractéristique d'une dynamique déflationniste dont la BCE s'obstine à nier l'existence. Le seul pôle d'excellence européen qui résiste demeure le chômage de masse.

    La violente contraction de l'activité place les acquis économiques majeurs de l'Union, le grand marché et l'euro, devant une délicate heure de vérité. Le grand marché est menacé par la multiplication des plans nationaux d'aide à certains secteurs sinistrés-banque et automobile en tête-, qui a pour corollaire la suspension de fait des règles de la concurrence. Le même problème se pose sur le plan mondial, du fait des programmes de soutien à des industries telles que l'automobile ou l'aéronautique, comme des dévaluations compétitives effectuées par les pays émergents, au premier rang desquels la Chine, mais aussi par les Etats-Unis et le Royaume-Uni. La zone euro était pour sa part écartelée depuis l'origine par la divergence économique entre le modèle de l'Allemagne post-Agenda 2010, fondé sur la reconstitution de la compétitivité à l'exportation grâce à l'investissement et à la compression des coûts de production, et la croissance tirée par la consommation financée par la dette privée (Espagne et Irlande) ou publique (France). Elle converge aujourd'hui, mais vers la déflation, avec l'effondrement conjoint des exportations allemandes et de la consommation financée à crédit dans les autres pays.

    Dans le même temps se développe une divergence financière explosive des dettes publiques. Le postulat selon lequel il n'existe pas de limite à l'endettement d'un Etat n'est pas moins faux et dangereux que les mythes concernant la fin des cycles ou l'autorégulation des marchés : la réévaluation des risques n'épargne nullement les dettes souveraines. A preuve, la Grèce et l'Espagne ont été dégradées par les agences de notation, tandis que l'Italie, l'Irlande et le Portugal ont été placés sous surveillance négative. Les écarts de taux d'intérêt pour les emprunts à 10 ans par rapport à l'Allemagne se creusent pour atteindre 300 points de base pour la Grèce, 260 points pour l'Irlande, 160 points pour l'Italie et le Portugal, 115 points pour l'Espagne. Par ailleurs, la surévaluation de l'euro ne cesse de s'accroître face à l'ensemble des monnaies émergentes, mais aussi et surtout face au dollar et à la livre sterling, ce qui sape la compétitivité des entreprises. La multiplication d'Etats surendettés et sous-compétitifs crée donc un risque réel de krach obligataire et ne peut avoir d'autre issue, à terme, que l'inflation au sein de la zone euro ou la sortie des membres les plus fragiles.

    Loin de favoriser le rattrapage de l'Europe face à l'Amérique du Nord ou à l'Asie, la crise souligne les quatre handicaps du continent. Une démographie sinistrée, qui réduit la croissance potentielle. Une offre sous-compétitive-hors l'exception allemande. Le niveau élevé des dépenses, des dettes et des prélèvements publics, qui limite les marges de manoeuvre face à la déflation. Des institutions défaillantes et déséquilibrées, entre une Banque centrale arrimée à la chimère du péril inflationniste qui refuse les taux zéro comme le recours aux mesures non conventionnelles de rachat de dettes, un gouvernement économique dans les limbes, qui s'est mobilisé autour du sauvetage des banques mais a échoué à mettre en place un plan de relance européen, des politiques économiques toujours plus nationales et moins coordonnées. L'Europe voit s'ouvrir, avec la réunion du G20 à Londres, une occasion unique de faire valoir ses vues sur la régulation du capitalisme du XXIe siècle. Parallèlement, elle s'enferme dans la stagdéflation, qui la voue durablement à une croissance infime, un chômage massif, une inflation minime, voire une baisse des prix, des déficits et des dettes publics en forte hausse qui peineront à trouver des financements. L'Europe risque ainsi non seulement de manquer la sortie de crise qui devrait se dessiner à partir de 2010, mais bien de perdre toute chance de figurer, aux côtés des Etats-Unis et de la Chine, parmi les pôles majeurs qui structureront l'âge du capitalisme universel.

    Par Nicolas Baverez, Le Point
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