http://www.lejdd.fr/cmc/internationa...is_184367.html
Elu lundi à la tête de l'Union africaine, et ce, pour une période d'un an, le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi, a demandé à ses pairs de l'appeler "roi des rois traditionnels d'Afrique". Pas moins. A la tête de cette organisation, le "Guide de la révolution" compte promouvoir la création des Etats-Unis d'Afrique. Mais la proposition ne fait pas l'unanimité au sein des chefs d'Etat africains.
Appelez-le "roi des rois traditionnels d'Afrique". En marge du sommet de l'Union africaine (UA), le dirigeant libyen, Mouammar Kadhafi, en a sérieusement fait la demande. Et ce, depuis sa nouvelle stature de président de l'Union africaine. L'autoproclamé "Guide de la révolution" a été élu lundi pour un an à la tête de l'UA*, en lieu et place du président tanzanien Jakaya Kikwete. Lors de son discours, Mouammar Kadhafi, passé en quelques années du panarabisme au panafricanisme, a une nouvelle fois mis sur la table son idée de fédération africaine, sur le modèle américain. "Il faut pousser l'Afrique en avant vers les Etats-Unis d'Afrique", a-t-il lancé, avant d'ajouter: "Je continuerai et insisterai pour que les Etats souverains parviennent aux Etats-Unis d'Afrique." "Nous ne sommes pas près de leur réalisation, nous sommes toujours des Etats indépendants. Si le processus n'est pas terminé, rien ne pourra être fait", a-t-il toutefois reconnu.
L'accession à la tête de l'UA du dirigeant libyen controversé n'est pas une grande surprise. Basée sur un système géographique, la présidence de l'Union revenait cette année à l'Afrique du Nord. Dans cette zone, le "Guide" avait peu de concurrent: le Maroc s'est retiré de l'UA pour protester contre l'admission dans l'organisation de la République arabe sahraouie démocratique en 1982 - la rébellion indépendantiste du Sahara - et la Mauritanie a été suspendue après un coup d'Etat. Seul candidat en lice pour cette zone, il est par ailleurs le seul dirigeant d'Afrique du Nord à s'être rendu à Addis Abeba, où se déroule le sommet. A 66 ans, il est par ailleurs l'un des chefs d'Etat du continent africain au pouvoir depuis le plus longtemps, le colonel ayant pris le pouvoir à la faveur d'un coup d'Etat contre le roi Idris al-Mahdi en 1969.
Malaise chez les dirigeants africains
Mais son élection lundi n'a toutefois pas été faite dans les règles de l'art. Le président de l'UA est généralement désigné par acclamations. Il a cette fois-ci été choisi lors d'une réunion à huis clos. Selon certains analystes, quelques dirigeants africains auraient ainsi voulu éviter d'étaler au grand jour leurs divergences sur le cas Kadhafi. Car tous ne sont pas heureux de le voir accéder à une tribune supplémentaire. Pour preuve, seule une vingtaine de chefs d'Etat sur les 53 membres que compte l'organisation ont fait le déplacement dans la capitale éthiopienne. De grandes personnalités africaines sont ainsi absentes, dont les présidents algérien, Abdelaziz Bouteflika, ivoirien, Laurent Gbagbo, congolais, Denis Sassou Nguesso ou encore gabonais, Omar Bongo.
Outre son goût pour l'ostentatoire et l'exubérance - Mouammar Kadhafi est arrivé à Addis Abeba accompagné par sept chefs traditionnels africains, dont le roi du royaume d'Allada au Bénin, ceux-là même qui l'ont proclamé "roi des rois traditionnels d'Afrique" - le dirigeant libyen dérange par ses prises de position. Ses "Etats-Unis d'Afrique" ne sont pas du goût de tous. De nombreux pays africains, Ouganda en tête, jugent que les institutions actuelles sont suffisantes. Mouammar Kadhafi, lui, pense que l'Afrique aurait un poids plus important sur la scène internationale si elle parlait davantage d'une même voix. L'idée, constamment débattue lors des sommets de l'UA, est revenue sur le tapis dimanche soir à Addis Abeba. Le "Guide" a alors tenté de faire adopter un projet de gouvernement, composé de ministres représentant l'ensemble du continent. Mais cette idée n'a pas été retenue. L'UA entend, à l'horizon 2012, se doter d'une simple autorité supranationale avec des secrétaires, et non des ministres.
Mouammar Kadhafi, lui, entend profiter de ses douze mois de mandats pour faire progresser ses idées. "Je sais que certains d'entre vous sont déçus et je vais vous provoquer, mais c'est dans l'intérêt de l'Afrique", a-t-il déclaré, un rien elliptique, lundi. Une chose est sûre, le dirigeant libyen compte désormais s'exprimer au nom de l'Afrique. Il n'a d'ailleurs pas attendu sa nomination pour défendre certaines positions. Dans une tribune publiée dans le New York Times le 22 janvier dernier, le colonel a ainsi proposé sa solution pour sortir du conflit au Proche-Orient. Jugeant la solution à deux Etats obsolète, Mouammar Kadhafi défend l'idée d'un seul Etat, "qui permettrait à chaque partie de ne pas se sentir privée d'une part de sa terre". Et le "Guide" a même déjà trouvé son nom: Isratine. Tout simplement.
*L'Union africaine, qui tient actuellement son sommet à Addis Abeba, en Ethiopie, compte 53 pays membres. Créée en 2002, elle a remplacé l'Organisation de l'unité africaine (OUA) et fonctionne sur le modèle de l'Union européenne (Commission, Parlement, Conseil de la paix et de la sécurité). Elle tient sommet deux fois par an et change de président chaque année.
Le JDD
Elu lundi à la tête de l'Union africaine, et ce, pour une période d'un an, le dirigeant libyen Mouammar Kadhafi, a demandé à ses pairs de l'appeler "roi des rois traditionnels d'Afrique". Pas moins. A la tête de cette organisation, le "Guide de la révolution" compte promouvoir la création des Etats-Unis d'Afrique. Mais la proposition ne fait pas l'unanimité au sein des chefs d'Etat africains.
Appelez-le "roi des rois traditionnels d'Afrique". En marge du sommet de l'Union africaine (UA), le dirigeant libyen, Mouammar Kadhafi, en a sérieusement fait la demande. Et ce, depuis sa nouvelle stature de président de l'Union africaine. L'autoproclamé "Guide de la révolution" a été élu lundi pour un an à la tête de l'UA*, en lieu et place du président tanzanien Jakaya Kikwete. Lors de son discours, Mouammar Kadhafi, passé en quelques années du panarabisme au panafricanisme, a une nouvelle fois mis sur la table son idée de fédération africaine, sur le modèle américain. "Il faut pousser l'Afrique en avant vers les Etats-Unis d'Afrique", a-t-il lancé, avant d'ajouter: "Je continuerai et insisterai pour que les Etats souverains parviennent aux Etats-Unis d'Afrique." "Nous ne sommes pas près de leur réalisation, nous sommes toujours des Etats indépendants. Si le processus n'est pas terminé, rien ne pourra être fait", a-t-il toutefois reconnu.
L'accession à la tête de l'UA du dirigeant libyen controversé n'est pas une grande surprise. Basée sur un système géographique, la présidence de l'Union revenait cette année à l'Afrique du Nord. Dans cette zone, le "Guide" avait peu de concurrent: le Maroc s'est retiré de l'UA pour protester contre l'admission dans l'organisation de la République arabe sahraouie démocratique en 1982 - la rébellion indépendantiste du Sahara - et la Mauritanie a été suspendue après un coup d'Etat. Seul candidat en lice pour cette zone, il est par ailleurs le seul dirigeant d'Afrique du Nord à s'être rendu à Addis Abeba, où se déroule le sommet. A 66 ans, il est par ailleurs l'un des chefs d'Etat du continent africain au pouvoir depuis le plus longtemps, le colonel ayant pris le pouvoir à la faveur d'un coup d'Etat contre le roi Idris al-Mahdi en 1969.
Malaise chez les dirigeants africains
Mais son élection lundi n'a toutefois pas été faite dans les règles de l'art. Le président de l'UA est généralement désigné par acclamations. Il a cette fois-ci été choisi lors d'une réunion à huis clos. Selon certains analystes, quelques dirigeants africains auraient ainsi voulu éviter d'étaler au grand jour leurs divergences sur le cas Kadhafi. Car tous ne sont pas heureux de le voir accéder à une tribune supplémentaire. Pour preuve, seule une vingtaine de chefs d'Etat sur les 53 membres que compte l'organisation ont fait le déplacement dans la capitale éthiopienne. De grandes personnalités africaines sont ainsi absentes, dont les présidents algérien, Abdelaziz Bouteflika, ivoirien, Laurent Gbagbo, congolais, Denis Sassou Nguesso ou encore gabonais, Omar Bongo.
Outre son goût pour l'ostentatoire et l'exubérance - Mouammar Kadhafi est arrivé à Addis Abeba accompagné par sept chefs traditionnels africains, dont le roi du royaume d'Allada au Bénin, ceux-là même qui l'ont proclamé "roi des rois traditionnels d'Afrique" - le dirigeant libyen dérange par ses prises de position. Ses "Etats-Unis d'Afrique" ne sont pas du goût de tous. De nombreux pays africains, Ouganda en tête, jugent que les institutions actuelles sont suffisantes. Mouammar Kadhafi, lui, pense que l'Afrique aurait un poids plus important sur la scène internationale si elle parlait davantage d'une même voix. L'idée, constamment débattue lors des sommets de l'UA, est revenue sur le tapis dimanche soir à Addis Abeba. Le "Guide" a alors tenté de faire adopter un projet de gouvernement, composé de ministres représentant l'ensemble du continent. Mais cette idée n'a pas été retenue. L'UA entend, à l'horizon 2012, se doter d'une simple autorité supranationale avec des secrétaires, et non des ministres.
Mouammar Kadhafi, lui, entend profiter de ses douze mois de mandats pour faire progresser ses idées. "Je sais que certains d'entre vous sont déçus et je vais vous provoquer, mais c'est dans l'intérêt de l'Afrique", a-t-il déclaré, un rien elliptique, lundi. Une chose est sûre, le dirigeant libyen compte désormais s'exprimer au nom de l'Afrique. Il n'a d'ailleurs pas attendu sa nomination pour défendre certaines positions. Dans une tribune publiée dans le New York Times le 22 janvier dernier, le colonel a ainsi proposé sa solution pour sortir du conflit au Proche-Orient. Jugeant la solution à deux Etats obsolète, Mouammar Kadhafi défend l'idée d'un seul Etat, "qui permettrait à chaque partie de ne pas se sentir privée d'une part de sa terre". Et le "Guide" a même déjà trouvé son nom: Isratine. Tout simplement.
*L'Union africaine, qui tient actuellement son sommet à Addis Abeba, en Ethiopie, compte 53 pays membres. Créée en 2002, elle a remplacé l'Organisation de l'unité africaine (OUA) et fonctionne sur le modèle de l'Union européenne (Commission, Parlement, Conseil de la paix et de la sécurité). Elle tient sommet deux fois par an et change de président chaque année.
Le JDD
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