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Exclusif: l’étrange diplomatie africaine de Bernard Kouchner

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    Exclusif: l’étrange diplomatie africaine de Bernard Kouchner

    Pierre Péan se prépare à publier dans les semaines qui viennent un livre-portrait sans complaisance sur Bernard Kouchner. L’enquête, dont Marianne2 a pu avoir accès à certains extraits en avant-première, met en cause le désintéressement du «French doctor»: peu avant de devenir ministre des Affaires étrangères, Bernard Kouchner aurait facturé, via une société créée par deux proches collaborateurs, plusieurs rapports à certains États, dont le Gabon.


    Le paradoxe est énorme : l’homme qui incarne, auprès de millions de Français, la générosité, l’altruisme, la paix et le partage, l’homme qui truste tous les prix de popularité dans les machines à sondages, l’homme qui fait figure, depuis des années, de fils spirituel de l’abbé Pierre, cet homme-là se prêterait en réalité à des activités d’affairiste qui utiliserait son impact médiatique et surtout sa position de responsable public dans le cadre d’un commerce très privé. Telle est la démonstration que se prépare à publier, documents à l’appui, Pierre Péan dans un livre qui donne un éclairage cru à la carrière du french doctor.

    On savait que Bernard Kouchner était resté gérant de la société BK Consultants, créée en 2004. Ce que l’on ignorait, c'est qu’il aurait ensuite fait passer ses prestations de conseil et d’audit sous l’égide de trois autres sociétés (IMEDA, Africa Steps et Danomex) créées par deux de ses proches collaborateurs, Éric Danon et Jacques Baudouin. Une fois devenu ministre des Affaires étrangères, en mai 2007, Bernard Kouchner fait nommer le premier ambassadeur extraordinaire à Monaco, le 8 août 2007. Quant au second, il lui avait confié dès sa nomination la direction de la Communication du Quai d’Orsay.

    Pierre Péan établit, preuves à l’appui, que Bernard Kouchner, bien avant ces deux nominations officielles, se serait fait le VRP de la société IMEDA auprès du Gabon d’Omar Bongo, alors qu’il occupe, avant même de redevenir ministre, une haute fonction à caractère public, puisque, nommé par Jean-Pierre Raffarin, il est à la tête d’un réseau international (ESTHER ) œuvrant pour l’amélioration des services de santé dans les pays du Sud.

    Une facture de 2,65 millions d'euros!
    « Au Gabon, précise Péan, le montant des contrats passés par IMEDA et Africa Steps est de 1 735 916 870 Francs CFA, soit 2 646 388 euros. Le premier versement, de 500 millions CFA, soit 762 245 euros, à IMEDA, a été effectué le 19 janvier 2004 ; le second, à Africa Steps, de 700 millions CFA, soit 1 067 143 euros. Fin 2006, le gouvernement gabonais devait encore 817 000 euros aux deux sociétés pour honorer complètement les contrats signés… » Le tout pour des prestations réalisées sous l’égide de l’actuel ministre des Affaires étrangères. Ce qui fait qu’au moment où Bernard Kouchner s’installe au Quai d’Orsay, l’État gabonais doit toujours le reliquat de 817 000 euros aux deux sociétés des collaborateurs du ministre. Qu’à cela ne tienne !

    Il est vraisemblable que le ministre a demandé le règlement de facture lors d’un entretien officiel, comme l'écrit Péan :
    « Le nouveau ministre des Affaires étrangères a eu l’occasion de remettre la question sur le tapis, le 25 mai 2007, lors de la première visite d’Omar Bongo au président Sarkozy, à Paris. C’est donc bien un ministre français en exercice qui peut suggérer au Président gabonais de régler une facture en souffrance qui le concerne directement ou indirectement. La preuve ? Le 3 août, soit cinq jours avant l’officialisation de sa nomination au Journal Officiel, Éric Danon, confortablement installé dans sa résidence du domaine Saint-Basile, à Mougins, envoie un fax à Blaise Loembe, Trésorier Payeur Général du Gabon, pour lui rappeler qu’ils (selon toute vraisemblance, il s’agit du ministre des Affaires étrangères et lui-même) ont obtenu toutes les assurances d’Omar Bongo concernant le règlement de cette facture. Il lui demande en conséquence de « bien vouloir (en) effectuer le paiement avec la plus grande diligence », précisant même : « Nous avons reçu le mois dernier de Son Excellence le chef de l’État l’assurance que notre dernière facture serait rapidement honorée. »


    Sarkozy ignorait les activités africaines de Kouchner

    Le cas du Gabon n’est pas, semble-t-il, isolé et Pierre Péan cite et détaille d’autres prestations facturées selon le même modèle pour d’autres États africains avec lesquels la France entretient des relations de grande proximité.

    Le livre de Pierre Péan précise que le président Sarkozy ignorait, au moment de la nomination de Bernard Kouchner, l’existence de telles prestations et de telles factures en souffrance.

    Bernard Kouchner pourra arguer qu’un homme politique a bien le droit de gagner sa vie lorsqu’il n’est plus en responsabilité, et qu’il n’est pas illogique qu’il le fasse dans les domaines de compétence qui sont les siens. A la fin des années 1990, Dominique Strauss-Kahn avait été mis en cause pour la facturation de ses honoraires d’avocat au groupe Vivendi. En droit, cette facture ne posait pas de problème, correspondant à un travail dûment effectué. Mais elle constituait néanmoins une pratique discutable en regard de la déontologie politique.

    Plus récemment, le cumul, par Jean-François Copé de ses mandats politiques et de son activité d’avocat n’a pas suscité beaucoup de réprobation, alors qu’il aurait été impensable voici quelques années. Pourtant, conduire une activité d’avocat pourrait très bien le mettre, un jour ou l’autre, en position de conflit d’intérêt si la défense de son client a un rapport avec des dossiers qu’il gère en tant qu’élu du peuple. Ce n’est d’ailleurs pas pour rien que Nicolas Sarkozy lui-même a fini, à la suite d’enquêtes publiées dans la presse (notamment par Marianne et le Canard Enchaîné) par renoncer, peu avant l’élection présidentielle, à son intéressement aux bénéfices réalisés par le cabinet qu’il a cofondé.

    Les prestations de Bernard Kouchner, telles que décrites par l’enquête de Pierre Péan, semblent bien poser un problème d’une autre ampleur puisqu’il était en charge du groupement ESTHER au moment de la signature des contrats et que ses « clients », hommes d’états africains, pouvaient espérer, en lui commandant des rapports, bénéficier de l’appui de la France pour l’octroi de subventions internationales. La réaction du gouvernement à ce qui pourrait peut-être devenir « le dossier Kouchner » ne manquera donc pas d’intérêt.

    Lundi 12 Janvier 2009 - 01:00
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