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La tentative de coup d’Etat au Maroc en 1971

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  • La tentative de coup d’Etat au Maroc en 1971

    Par Youssef Ziraoui,
    Mehdi Sekkouri Alaoui
    et Ayla Mrabet
    Histoire. Les minutes d’un anniversaire sanglant



    Le 10 juillet 1971, plus de 1000 invités se rendent au palais royal de Skhirat pour célébrer le 42ème anniversaire de Hassan II. Parmi eux des personnalités de tous bords, politiciens, sécuritaires, hommes d’affaires, artistes, etc. La fête est gâchée par… une tentative de coup d’Etat, fomentée par un militaire de 36 ans, le lieutenant-colonel M’hamed Ababou. Bilan de la journée : plus de 500 morts, 8 tonnes de munitions utilisées, des blessés par centaines, 10 condamnations à mort, plusieurs exécutions sommaires, etc. Et une grosse frayeur pour Hassan II, qui a failli y laisser son trône. TelQuel reconstitue les faits, dans le détail, d’une journée exceptionnelle. Avec de nouvelles

    révélations, des témoignages inédits, des clés pour mieux comprendre la suite : Tazmamart, un nouveau cycle d’années de plomb, et un besoin, le vôtre, le nôtre, de relire une page importante de notre histoire. 24 heures, donc, où tout a failli basculer...

    2 heures du matin. Le clairon sonne plus tôt que d’habitude, à l’école militaire d’Ahermoumou, village planté à 70 kilomètres de Fès. En deux temps trois mouvements, les 1200 élèves sous-officiers s’extirpent du lit en tenue de combat. “Depuis deux jours déjà nous étions en état d’alerte, nous devions dormir en uniforme, prêts à partir en mission à tout moment”, raconte Mohamed Moutakillah, ancien d’Ahermoumou, aujourd’hui chauffeur de bus scolaire. La veille, le commandant de l’école, le lieutenant-colonel M’hamed Ababou (lire encadré), a regroupé dans la salle d’honneur une trentaine d’officiers et de sous-officiers, pour leur annoncer l’imminence d’un exercice militaire : “Alors voilà, je vous informe qu’une manœuvre de 48 heures aura lieu à Benslimane. Normalement, c’est une autre brigade qui devait effectuer cet exercice, mais j’ai bataillé pour que l’école s’en charge.

    Celui qui se sent incapable de remplir cette mission, je l’en dispense sans rancune aucune”. Désireux d’en savoir plus, l’aspirant Mohammed Raïss (auteur de De Skhirat à Tazmamart, Ed. Afrique Orient, 2003) aurait lancé à Ababou : “Mon colonel, en quoi consiste notre mission au juste ?”. Réponse de Ababou : “Je n’en sais pas plus que vous, c’est une affaire de généraux. A Rabat, vous trouverez un état-major avancé qui vous donnera votre mission”. L’entraînement se réalisera à balles réelles, ajoute Ababou. “Ça en a étonné plus d’un, puisque les manœuvres se font normalement avec des balles à blanc”, se rappelle un des élèves sous-officiers. Distribuées la veille, 8 tonnes d’armes sont prêtes à l’utilisation : canons antichars, fusils mitrailleurs, mitraillettes anti-aériennes, grenades, canons 75, pistolets Beretta… “Nous avons même essayé un nouvel arrivage de roquettes américaines sur le champ de tir”, poursuit notre source. Soucieux de réussir l’exercice, Ababou supervise, lors de ce training, une démonstration d’embarquement et de débarquement des camions. Chronomètre en main. Ce qui ne manque pas d’éveiller quelques soupçons : “Cette effervescence inhabituelle intrigua le lieutenant Fortaz, médecin français, qui demanda avec un sourire narquois au capitaine Ghalloul : Dites-moi capitaine, j’ai l’impression que vous êtes en train de préparer un coup d’Etat”, écrit Raïss. “Oh non, répond alors le capitaine, notre pays est stable”…

    4h00. En quelques minutes, les 1200 militaires de la garnison embarquent dans les 25 camions alignés sur la place d’armes. Des commandos d’une quarantaine d’éléments menés chacun par un officier et un sous-officier. Le convoi s’ébranle. Direction plein sud. Deux jeeps de gradés ouvrent et ferment le défilé de véhicules militaires, s’étalant sur plus de 500 mètres. Après quelques kilomètres au petit pas, sur une route sinueuse, un gradé lance au chauffeur du camion de tête: “Activez ! Nous allons avoir du retard”. Réponse du soldat : “Capitaine, ce sont des boujadis, des bleus, ils sont incapables d’aller plus vite”. Après le sprint du départ, le temps se fait long. Des cadets en profitent pour terminer leur nuit de sommeil, d’autres, pour jouer aux cartes.

    6h30. La caravane militaire fait halte dans un hameau, aux abords de Fès. Les soldats profitent de la pause-pipi pour se dégourdir les jambes. Une pause express. Le convoi traverse la ville alors que les premières lueurs du jour pointent à l’horizon. Nationale 1 vers Kénitra pour éviter les encombrements. En route, les bidasses croisent l’équipe locale du MAS, qui joue le jour même une demi-finale de la coupe du trône. “J’étais supporter du MAS, nous raconte, sourire aux lèvres, un sous-officier. J’ai fait un signe de la main à Hazzaz, gardien de l’équipe (et keeper du onze marocain, ndlr), qui m’a salué en retour avec un grand sourire”.

    8h15. Quelques 150 kilomètres plus loin, le convoi décide de prendre un raccourci au niveau de Sidi Kacem. Il déchante vite, la route est bloquée, impossible d’aller plus loin. Le convoi est contraint de rebrousser chemin. La route étroite rend difficile la manœuvre, et retarde d’autant l’objectif de la journée : prendre le palais royal de Skhirat.

    10h00. Dans la résidence royale donnant sur la plage de Skhirat, on s'active. Un tournoi de golf est organisé, en l’absence de Hassan II, convaincu par le général Melbouh que la compétition l'aurait retardé pour la suite de la cérémonie. Un millier de convives- des hommes pour la plupart, les femmes étant invitées le lendemain- sont attendus, “tenue estivale de détente” exigée, comme mentionné sur le carton d’invitation. L’ambiance est à la fête, on est loin de se douter du projet de putsch.

    10h15. A bord de sa Citroën DS, Ababou a décidé de devancer le peloton kaki. Il arrive le premier à Bouknadel, village situé à une quinzaine de kilomètres de Rabat. En civil, chemisette à fleurs et pantalon pattes d’éph, il va à la rencontre de “l’état-major avancé”, une poignée de commandants des Forces armées royales (FAR). En attendant sa garnison, Ababou mène sa garde rapprochée en forêt, et explique les véritables raisons de ce raout champêtre : “Mes amis, aujourd’hui c’est l’anniversaire du roi, toutes les personnalités importantes du pays sont invitées au palais de Skhirat. Profitant de cette occasion et de l’effet de surprise, le général Medbouh (directeur de la maison militaire, chargé “d’informer le souverain de toutes les questions relatives à la défense nationale”, ndlr) et moi-même avons décidé de faire un coup d’Etat, rapporte Raïss dans son livre. J’attends mes hommes qui arriveront d’un moment à l’autre”. Parmi les présents, un certain lieutenant-colonel Abdellah Kadiri, (lire encadré) qui aurait, selon Raïss, lancé à Ababou : “Je crois que tu plaisantes. Un coup d’Etat ça se prépare, ce n’est pas une partie de chasse. D’ailleurs, moi je ne suis pas d’accord. Va faire ton coup, moi je reste ici”.

  • #2
    11h20. Le convoi arrive enfin au point de ralliement : la forêt de la Maâmora. Il fait chaud, très chaud, les soldats dégoulinent de sueur. Ababou donne l’ordre de débarquement, c’est l’heure du casse-croûte. Au menu : boîtes de sardines, barres chocolatées et une bonne ration d’amphétamine. “Les hommes reçoivent, comme à chaque départ en longue manœuvre, une dose de benzédrine. C’est le produit qu’utilisaient pendant les guerres, les commandos anglais pour maintenir leurs nerfs en bon état pendant leurs opérations”, raconte Claude Clément, dans Oufkir, (1975, éditions Jean Dullis). M’hamed Ababou, accompagné de son frère aîné Mohamed, rassemble les chefs de commandos. “Il nous demanda de nous approcher de lui et de former un demi-cercle, puis il commença son speech d’une voix calme, rassurante, et d’un sang-froid remarquable”, écrit Raïss. “Il s’agit d’encercler deux bâtiments à Skhirat, occupés par des éléments subversifs”, lance Ababou, d’après plusieurs témoignages. Une version contredite par les PV de l’époque : “Le lieutenant-colonel Ababou M’hamed nous tint les propos suivants : messieurs, vous êtes des officiers jeunes, vous connaissez tous la condition de l’officier dans notre armée. Le haut commandement a décidé de faire un coup d’Etat, déclare notamment Aziz Binebine lors de l’interrogatoire militaire. Nous devons attaquer le palais de Skhirat. Nous devons intervenir à 13 heures.

    A cette même heure, d’autres unités interviendront dans d’autres villes du royaume”. Avec une branche, Ababou dessine un croquis grossier du site à prendre d’assaut. Il explique aux officiers que le convoi doit se diviser en deux unités. La première, qu’il dirigera lui-même, devra investir la zone par la porte sud, tandis que la deuxième, pilotée par son frère Mohamed, pénétrera par la porte nord. “Il faut boucler toutes les issues, faire sortir tous les ressortissants étrangers des rangs et les faire monter dans les camions. Ne laissez personne s’échapper ! Tirez sur les fuyards !”, poursuit le colonel. Ababou lance à ses hommes : “Relevez les bâches de vos camions et ordonnez à vos hommes d’engager les chargeurs. Messieurs, jusqu’à Rabat, nous allons nous déplacer dans une zone d’insécurité, préparez-vous à la guerre, vous pouvez disposer !”, rapporte Ahmed Marzouki, auteur de Tazmamart Cellule 10 (Ed. Tarik, 2000), un des protagonistes du coup d’Etat. Ababou et ses officiers supérieurs s’arment de mitraillettes, deux chargeurs en poche. Prêts à dégainer…

    13h30. Après avoir traversé Salé, les 1200 soldats, en plus de leurs encadrants, investissent Rabat. Le cortège emprunte le boulevard Hassan II, une des principales artères de la capitale, “sous les regards ébahis de curieux attroupés au bord de la route et sous les hola admiratifs d’enfants du peuple qui imitaient le salut militaire”, relate Ahmed Marzouki. Sur la route côtière menant à Skhirat, la circulation dense en ce week-end d’été retarde la machine, engluée dans les embouteillages. “Le convoi a parcouru les 300 kilomètres qui séparent Ahermoumou de la capitale sans jamais être inquiété, sans avoir rencontré ni gendarmes, ni policiers, ni quelque contrôle que ce soit”, remarque Aziz Binebine, auteur de Tazmamort (Ed. Delanoel, 2009). En direction de Skhirat, RAS non plus.

    Seuls agents d’autorités croisés?: des motards de la gendarmerie. Ils arrêtent les véhicules civils pour dégager la route aux militaires. Quittant la route principale, les hommes de Ababou accélèrent la cadence, et dépassent bientôt le complexe balnéaire de “l’Amphitrite”. Le palais royal est en “visuel”.

    13h40. Le roi, qui fête ses 42 ans, accueille ses invités. Toute la famille royale est réunie : le prince Moulay Abdellah est de la partie, mais aussi le prince héritier Sidi Mohammed, alors âgé de huit ans, et Moulay Rachid, qui vient de souffler sa première bougie.

    13h55. Ababou longe la muraille du palais de Skhirat à la tête d’une première unité. En faction devant la porte sud, les éléments de la Garde royale, les gendarmes et les parachutistes n’opposent aucune résistance, si ce n’est de vaines sommations. Les hommes du colonel pénètrent dans le palais sans tirer un seul coup de feu, roulent sur le terrain de golf, en direction de la résidence de Hassan II.

    Arrivé devant la porte principale, Ababou fait signe aux chauffeurs de s’arrêter. Il ordonne à ses troupes de débarquer des camions et de tirer sur toute personne opposant résistance. Les officiers et les sous-officiers répercutent l’injonction aux cadets. “Une fois au sol, ils ont commencé à tirer en l’air, puis dans tous les sens et à lancer des grenades à tort et à travers…”, témoigne le capitaine Hamid Bendourou lors des interrogatoires. “Un lieutenant de la gendarmerie surgit, pistolet à la main, et cria à Ababou : mais qu’est-ce que vous faites mon colonel ? Vous êtes ici dans un palais royal, vous n’avez pas le droit d’y entrer sans permission, raconte Ahmed Marzouki. Ecarte-toi de là, répondit Ababou menaçant. Non je ne vous laisserai pas entrer, répliqua le lieutenant”. Un échange de balles plus tard, le lieutenant de la gendarmerie gît sur le sol, tandis que Ababou s’en tire avec une balle à l’épaule.

    14h00. A l’entrée de la porte nord, l’aîné des Ababou, qui mène la deuxième unité à l’assaut, ordonne à son chauffeur de forcer le barrage, une grosse chaîne métallique. Le convoi s’engage dans le palais, dépasse les dunes de sable adjacentes au green, avant de s’arrêter au niveau des bungalows donnant sur la plage. Les bras écartés, un commandant de la brigade de parachutistes, le commandant Loubaris, tente de stopper l’assaut. “Il s’est mis à marcher en direction du colonel Mohamed Ababou, qui était assis dans sa jeep, et armé de sa mitraillette”, se souvient un témoin, présent sur les lieux. Loubaris lance à Ababou frère : “Tu comptes aller où comme ça ? Tu te rends comptes de ce que tu es en train de faire, Inaâl Chitane, arrête tout, maintenant !”. Mais le lieutenant-colonel ne l’entend pas de cette oreille, il vise le commandant au niveau du ventre. Loubaris parvient à esquiver le gros de la rafale, mais il est tout de même grièvement blessé. Interrogé après son arrestation, Mohamed Ababou livrera une tout autre version des faits : “Une personne accourt vers moi comme pour m’empoigner, je tire sur elle. J’ai appris par la suite qu’il s’agissait du colonel Loubaris…”, peut-on lire sur les PV militaires enregistrés au lendemain de la tentative de putsh.

    14h25. Non loin de la tente caïdale dressée pour le roi, le célèbre joaillier de la place Vendôme, l’héritier Chaumet, discute avec des invités des prix qu’il compte offrir aux vainqueurs du tournoi de golf. Soudain, “on entend des pétarades, on croit à une fantasia surprise, à une idée du prince Abdallah, volontiers farceur”, écrit Claude Clément, présente à Skhirat ce samedi 10 juillet. “Ce fut à un moment où je me trouvais en pleine discussion avec des collègues et amis sous une grande tente, non loin de Hassan II, entouré de Bourguiba junior et d’autres personnalités, que nous avons entendu des coups de feu”, rapporte Abdelmjid Tazi, chargé de mission auprès du Premier ministre, lors de son témoignage en 2001 devant l’Association des familles des victimes des évènements de Skhirat (AFVES). Tout le monde pensait au début qu’il s’agissait de sport, d’une partie de “tir aux pigeons”.

    On s’interroge, mi-surpris mi-étonné : c’est peut-être le feu d’artifice, initialement prévu pour la nuit, un court-circuit ou une mauvaise manipulation, qui a fait partir des fusées ? “M. Perrier, ministre plénipotentiaire français, saigne de la jambe. Il peste contre ces imbéciles qui laissent partir horizontalement, au risque de blesser les passants. Il peste jusqu’au moment où une grenade vient exploser au pied du roi, sans blesser personne. C’est le coup de semonce. L’orchestre égyptien s’enfuit, abandonnant ses instruments”, détaille Claude Clément. Certains invités fuient, d’autres continuent de croire à la plaisanterie, et mettent leur club de golf en joue, pour singer les cadets, ou protestent contre les militaires, qui abiment le green en le piétinant.

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    • #3
      14h30. Les grenades éclatent de toutes parts, les mitraillettes crachent des centaines de balles. “Dix, quinze, vingt soldats casqués et en tenue de campagne se ruent vers la grande entrée. Ils sont courbés en avant, crispés sur leurs fusils, avec lesquels il tirent devant eux au petit bonheur. Haut les mains ! Tous dehors, rugissent-ils”, rapporte Benoist Méchin dans Deux étés africains (Ed.Albin Michel, 1972). Comme les serveurs et les cuisiniers tardent à sortir, peut-être ont-ils cru que cet ordre ne s’adressait pas à eux, l’un des deux soldats lance une grenade dans le tas. Elle explose. Des lambeaux de chair volent dans tous les sens”.

      Quand des soldats aperçoivent le buffet gargantuesque, leur fureur décuple, ils tirent en direction du festin, renversent les tréteaux, détruisent les pyramides de vivres à coups de crosses, piétinent les assiettes et les verres… “Vous avez assez bâfré avec les porcs, s’écrie l’un d’eux en esquissant un geste de menace en direction de la foule. A présent, vous allez payer !”, écrit Méchin. Joignant l’acte à la parole, officiers, sous-officiers et cadets tirent sur la foule, sans discernement, sans sommations. Dans le chaos généralisé, “un déluge de feu partait des deux colonnes de camions qui encadraient les lieux (…) Les personnes restées debout sur le terrain de golf furent fauchées par les tirs croisés, ainsi que beaucoup d’élèves.

      Le nombre de ces derniers ne fut pas révélé après les événements, mais plus de deux cents d’entre eux tombèrent sous les balles de leurs camarades”, rapporte Aziz Binebine dans son livre. “Les soldats continuent de tirer au petit bonheur, sans aucune autre raison que le plaisir de tuer ; sur un homme épuisé qui abaisse les bras au lieu de les tenir levés, sur une chemise dont la couleur leur déplaît, sur une figure dont l’expression ne leur revient pas”, poursuit Méchin. Ahmed Marzouki rapporte l’anecdote suivante.

      Non loin de la grande piscine du palais, un cadet se dirige vers une Européenne, “ébloui par l’éclat d’une fine chaînette en or qu’elle portait sur sa taille nue. Il l’arracha brutalement”. Un sous-lieutenant qui assistait à la scène intervient, et assène une mandale à l’élève, en guise de réprimande. “Celui-ci, d’un bon rapide, se retourna et braqua son arme sur son instructeur : si c’était un autre gradé que toi, je te jure mon lieutenant que je l’aurais abattu comme un chien. Ne refais jamais ça. Ici nous ne sommes pas à Ahermoumou…”.

      14h40. “Les gens brisaient des vitres pour aller vers la mer, et moi-même j’ai donné des coups de pied en fermant les yeux pour briser une vitre et m’enfuir. On a essayé de se cacher derrière les bosquets, derrière les arbres, comme dans un film de guerre”, témoigne Eric Vo Toan, architecte du Mausolée Mohammed V, lui aussi de la partie ce jour-là. “Je revois toujours Allal El Fassi, pieds nus, turban défait, du sang recouvrant sa jellaba blanche. Il avait beaucoup de peine à marcher, je lui tendis la main pour l’aider.

      Me fixant de ses yeux bleus hagards, il me dit : ‘Sauve-toi, tu es encore jeune mon fils’”, raconte cet autre témoin. Alors que Ababou effectue une ronde pour s’assurer du bon déroulement des opérations, Allal El Fassi, le leader de l’Istiqlal, blessé à la main, l’apostrophe : “Ababou s’excusa poliment et répondit : patientez un peu Si Allal ! ‘Je reviendrai vous voir plus tard’”, révèle Raïss. Anecdote cocasse rapportée par le même Raïss : “Mahjoubi Aherdane (fondateur de la Haraka et plusieurs fois ministre, ndlr) fut maltraité par nos élèves qui firent semblant de ne pas le reconnaître.

      Ils lui ordonnèrent de se déchausser, ce qu’il fit aussitôt, ensuite d’enlever sa chemise et son gilet de corps, il s’exécuta docilement. Pour le pantalon, il hésita au début avant de l’abaisser, mais lorsqu’ils exigèrent d’enlever le caleçon, il devint furieux et refusa catégoriquement en disant : tout sauf le caleçon, je ne suis pas un singe quand même. L’intervention d’un sergent berbère de la même région qu’Aherdane mit fin à cet incident”. Alors qu’une vague d’invités, souhaitant échapper au massacre, se dirigent vers le rivage, les soldats encerclent le palais et attendent les fugitifs du côté de la plage. Les fuyardsrebroussent chemin, tentent de trouver refuge à l’intérieur du palais, s’agrippent aux baies vitrées, se coupent les mains, se font faucher par les balles. Mais “la cible” est toujours hors de portée.

      15h00. Oufkir et Hassan II se dirigent vers la salle du trône… et s’engouffrent dans les toilettes. “Une petite pièce divisée en deux par une cloison, quatre WC et des lavabos d'un côté, une rangée de téléphones muraux de l'autre”, décrit Stephen Smith dans Oufkir, Un destin marocain (Ed. Hachette, 1999). C’est la grande foule dans les WC royaux, où s’agglutinent Hassan II, Oufkir et une quinzaine de personnes. Le roi et son ministre de l'Intérieur font brièvement le point. Oufkir surveille, par une lucarne ouverte, pendant que Hassan II s'aventure à regarder par le trou de la serrure.

      16h10. La bande à Ababou commence à constituer les premiers prisonniers. “Les soldats nous ordonnaient une fois de nous coucher à plat ventre, les mains derrière le dos, une fois de nous mettre debout les mains sur la tête, et ainsi de suite”, se remémore un témoin. La famille royale n’est pas en reste : le prince Moulay Abdallah, blessé pendant l’assaut, est fait prisonnier par les cadets. “Revêtu d’une jellaba blanche tout imbibée de sang dont un pan lui couvre l’épaule comme une toge romaine, le prince avance à pas lents (…). Sa main droite soutient son coude gauche qui est désarticulé. Tout, dans son attitude, exprime un calme imperturbable.

      Un sourire un peu hautain flotte sur ses lèvres”, décrit Benoist Méchin. L’épouse de Moulay Abdallah, Lalla Lamiaa Solh, alors enceinte de plusieurs mois, rejoint son mari bon gré mal gré. Une poignée de soldats la précèdent, et lui assène des coups de crosse dans les reins. Du haut de ses huit ans, le prince Sidi Mohammed, effrayé, se fait du mouron pour ses proches, en particulier pour son père. “Le prince Sidi Mohammed vient vers moi et me dit dans un français impeccable : ‘Qu’est-ce qu’ils vont faire Madame, ils vont tuer mon papa ?’”, raconte Solange Masseli, une des convives entendue par l’AFVES. “Il y avait aussi Moulay Rachid et sa gouvernante. Interrogée sur l'identité de l'enfant, elle a répondu que c'était son fils”, témoigne Abdelhamid Bennani, ancien ambassadeur.

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      • #4
        16h30. Dans le jardin du palais, les généraux Bougrine, Hammou, Habibi et Amharrech sont en état d'arrestation. Les galonnés de l'armée marocaine, mis en joue par des cadets affolés… D'après les témoignages récoltés par Stephen Smith, le quatuor de galonnés reste de marbre quand M'hamed Ababou s'approche d'eux et leur demande de “soutenir le coup d'Etat armé”. Refusant de serrer la main au “colonel félon”, Hammou aurait allumé un cigare et qualifié la tentative de putsch de “khedmat drari sghar, un travail d'enfants”. Ababou patiente, revient à la charge, et leur propose d'intégrer le “Conseil de la révolution”, improvisé le jour même.

        16h50.
        Le docteur Benaïch, médecin particulier de Hassan II, sort le premier pour assister les enfants du roi. Les cadets, qui avaient reçu l’ordre d’abattre toute personne qui tenterait de sortir des WC de l’aile royale, tirent sur le médecin. “Mais le général Medbouh, qui voulut au dernier moment empêcher cette exécution, tomba sous la même salve”, rapporte un médecin français.

        17h10. Un hélicoptère décolle du palais de Skhirat. “Ababou lève les yeux et le voit se diriger vers Rabat”, nous apprend Abderrahim Irchidi, alias Foufou (feu en berbère), ancien d’Ahermoumou et proche de Ababou, comme il se définit lui même. “Il en conclut que Hassan II s’est fait la malle”. Les reclus des toilettes sortent et sont acheminés par les soldats, mains en l'air, vers les jardins. “Le roi, qui était à deux mètres de moi, était habillé en chemise courte et portait un chapeau de paille, les soldats ne l’avaient jamais vu comme ça, ils le connaissaient seulement sur la photo officielle”, explique une invitée. “A une époque où la télévision n'a pas encore pénétré tous les foyers, aucun des insurgés n'a reconnu le monarque, son Premier ministre ou son ministre de l'Intérieur”, renchérit Stephen Smith.

        Tout s'enchaîne très vite et, comme par miracle, c’est le retournement de situation. La scène est narrée par Hassan II dans Paris Match : "Il (le sergent Kennouch Mahouch, ndlr) était tellement énervé, excité, que sa mitraillette tremblait dans ses bras. Soudain, coup de théâtre! Mon geôlier se met au garde-à-vous et me salue militairement. Je commande : “repos!” Je devine que quelque chose d'extraordinaire, d'insolite, se passe. Il faut y aller à fond. Je l'apostrophe : “Pourquoi ne me baises-tu pas la main? Etes-vous devenus tous fous, vous, les soldats de l'armée royale, mes enfants ?” Le cadet se montre angoissé, il me supplie?: “‘Notre Seigneur, ne parlez pas trop fort, il y a encore ici beaucoup de gens qui vous veulent du mal’. Il m'embrasse les pieds, le cou, les épaules.

        Sur le chemin, l'ensemble des cadets m'entourent, m'embrassent les mains. Au même instant, j'entame la Fatiha, les premiers versets du Coran, repris par les cadets et par l'assistance”. Hassan II ordonne à Oufkir de se lever et le charge de prendre l'affaire en main. Il lui délègue tous ses pouvoirs civils et militaires. Les premiers blessés sont acheminés vers l’hôpital Avicenne de Rabat, vite débordé. “Nous sommes arrivés à Rabat après 5h de route, dans un car rempli de voyageurs. L'armée fouillait les passagers le long de la route entre Casablanca et la capitale. Rabat ressemblait à un champ de bataille, à part des soldats et des agents d'autorité en grand nombre, les rues étaient désertées par les civils”, décrit ce Rbati.

        17h45. La rue Brihi est encerclée. La radio tombe aux mains des mutins. Parmi les soixante-quinze prisonniers de la RTM, Abdelhalim Hafez. Ababou n'a qu'une seule priorité: rendre public le coup d’Etat. On ordonne à la légende égyptienne d'annoncer la prise de pouvoir par l’armée. Devant son refus, les militaires se rabattent sur le compositeur Abdessalam Amer, tout de même un peu plus marocain. “Aveugle, il doit apprendre par cœur les phrases qu'on lui dicte, avant de les réciter, debout devant un micro, dans le studio numéro 3”, raconte Smith. Teneur du commmuniqué : “L'armée vient de prendre le pouvoir. Le système monarchique a été balayé. L'armée du peuple a pris le pouvoir. Vigilance, vigilance. Le peuple avec son armée est au pouvoir. Une ère nouvelle vient de poindre”. A l’annonce de la nouvelle, et dans la pagaille générale, des Rbatis, encore dehors, manifestent leur joie place Pietri.

        18h10. M'hamed Ababou et le gros des troupes forcent l'état-major des FAR. Une simple formalité : le siège de l'armée tombe en moins de cinq minutes. “Au sein des Forces armées royales, personne n'est prêt à mourir pour Hassan II”, écrit Stephen Smith. M'hamed Ababou s'attribue le poste de chef d'état-major. “On est passés ensuite à l’infirmerie pour soigner Ababou”, se remémore un sous-officier. Entre-temps, Oufkir a fait appel à ses unités spéciales et donne l’ordre au général Bachir Bouhali, commandant des FAR, de reprendre l'état-major. “En sortant, nous nous sommes trouvés nez à nez avec Bachir Bouhali et ses militaires. Il avait aussi fait encercler la ville par les blindés et les parachutistes”, poursuit-il. “Tu vas te rendre, espèce de chien ?”, lance Bouhali à Ababou. Akka, homme de main du colonel putschiste, baroudeur qui a fait ses armes en Indochine, arrose le camp adverse avec son AK47. Bouhali tombe sous les balles, tandis que Ababou est à nouveau blessé. Touché grièvement, il demande à Akka de l'achever.

        18h20. C'est la panique chez les cadets, privés de leur tête pensante. Mohamed Ababou s'enfuit, il sera arrêté lundi 12 juillet.

        19h00. La BLS (Brigade légère de sécurité) et les fantassins du camp de Benslimane “nettoient” le dernier foyer putschiste. Plus de cent cadets tombent sous les balles, certains après s’être rendus. Oufkir fait arrêter Bougrine, Hammou, Habibi et Amahrech.

        22h45. L'annonce radiophonique du putsch, qui, jusque-là, était diffusée à intervalle régulier, cesse.

        23h30. Le général Oufkir informe Hassan II que tout est rentré dans l'ordre. Chat échaudé craignant l’eau froide, le roi ne se réfugie dans aucun de ses palais. Il s’installe sous haute protection dans sa villa, allée des Princesses dans le quartier Souissi.

        1h15. Les Marocains apprennent l’échec du putsch sur les ondes nationales.

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        • #5
          Hassan II
          Une journée particulière

          Au matin du 11 juillet 1971, le palais de Skhirat s'active. Un tournoi de golf est organisé. En l’absence de Hassan II, convaincu par le général Melbouh que la compétition l'aurait retardé pour la cérémonie. Il est 13h30 lorsque le roi accueille ses hôtes. Près de mille personnes sont attendues au palais de Skhirat, “Tout le monde est joyeux. En short, j'ai déjà fait deux fois le tour de mes invités”, raconte Hassan II dans Le défi, (Ed. Albin Michel, 1976). La détente festive ne dure pas longtemps.

          Le buffet est posé pour les hôtes, la table du roi est dressée dans la tente caïdale. “Juste au-delà de la première enceinte, d'autres tentes servent champagne ou whisky aux invités qui ne veulent pas se passer de boissons alcoolisées, même chez le commandeur des croyants”, raconte Stephen Smith, dans Oufkir, Un destin marocain (Ed. Hachette, 1999). Après les premières rafales, Hassan II, alerté, prend refuge dans les toilettes de la salle du trône, entouré du général Oufkir, du Premier ministre Ahmed Laraki, du colonel Dlimi et d'une dizaine de serviteurs. Jusqu'à 17h, Hassan II et ses proches sont enfermés.

          Mais l'ambiance dehors est trouble. Les coups de feu se sont tus et le doute s'est répandu. Hassan II aurait quitté Skhirat… Le roi est séparé des autres prisonniers, puis emmené derrière un mur. Il n'est pas tout de suite reconnu par les sous-officiers. Lorsque le sergent Kennouch Mahouch comprend qui est devant lui, il se met au garde-à-vous, explique à Hassan II qu'on leur avait fait croire qu'il était en danger. A 17h20, les six ou sept officiers, guidés par le roi, récitent la Fatiha et se soumettent aux ordres du souverain. Hassan II délègue à Oufkir tous ses pouvoirs, civils et militaires, pour qu'il se charge de l'affaire. A 23h30, il informe Hassan II que tout est rentré dans l'ordre. Le roi se méfie de ses palais et s'installe dans sa villa princière, rue des Princesses. “C'est là qu'il répond par téléphone aux questions d'Ivan Levaï, sur Europe 1”. Les Marocains apprennent la fin du putsch à 1h15, sur les ondes nationales.

          Témoignage*
          “Oui, j’ai tué…“

          “Je suis arrivé à Ahermoumou en même temps que M’hamed Ababou. Le lieutenant-colonel m’a très vite pris sous son aile. Il m’appréciait parce que j’étais comme, lui, un fonceur qui n’avait peur de rien. Si nous étions au courant de ses projets de renverser Hassan II ? Je suis sûr que presque personne ne l’était à Ahermoumou, pas vraiment. M’hamed Ababou était quelqu’un de très distant et surtout très méfiant. Même à ceux qui l’entouraient, il ne faisait guère de confidences. Mais contrairement à ce que prétendent certains anciens d’Ahermoumou, tout le monde se doutait que quelque chose se tramait dans les coulisses. Quoi exactement ? Chacun y allait de son interprétation. Parmi les hypothèses les plus citées : le coup d’Etat. Est-ce que j’aurai suivi M’hamed Ababou s’il m’en avait parlé ? Oui, peut-être… A l’époque, beaucoup de camarades étaient choqués par la pauvreté et l’injustice qui frappaient les Marocains. Par contre, le roi, lui, continuait à vivre dans le faste et la décadence. C’était vraiment frustrant.

          Le jour J, j’ai tiré dans le tas comme tout le monde. Et comme tout le monde, j’ai tué. Combien de personnes ? Une, deux, trois... Je ne sais pas. J’ai également maltraité beaucoup de gens lors de ces évènements. Je me souviens avoir malmené Allal El Fassi (fondateur du Parti de l’Istiqlal). Je l’ai même tiré par la barbe, pour vous dire. Je ne vais pas dire que j’étais drogué comme le prétendent certains. Je n’ai pas pour habitude de me défiler, j’ai fait beaucoup de mal ce jour-là, et j’en suis conscient. Je le regrette sincèrement. J’espère que les familles des victimes et Dieu me le pardonneront un jour. Mais, ce jour-là, est-ce que j’avais le choix ? Non, j’étais un soldat en situation de combat qui se devait d’appliquer les ordres. D’ailleurs, un article du règlement militaire est très clair à ce sujet : un soldat doit exécuter et ensuite réclamer. Le lendemain du putsch manqué, cet article a été supprimé par la hiérarchie militaire”.
          *Abderrahim Irchidi, Elève cadet
          en troisième année à l’école
          d’Ahermoumou, acquitté (et radié
          de l’armée, comme les autres
          cadets) le 29 février 1972 par le
          tribunal militaire de Kénitra



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          • #6
            Portrait

            Ababou, le Petit Napoléon


            L’instigateur du coup d’Etat de Skhirat était loin d’être un novice. Malgré son jeune âge au moment des faits (36 ans), l’enfant du Rif traînait derrière lui un sacré CV. Après des études primaires à la mission française de Taza, et secondaires à l’Académie militaire de Meknès, M’hamed Ababou a opté pour une carrière sous l’uniforme, qui va le mener jusqu’au grade de lieutenant- colonel, à l’époque le plus jeune de toute l’armée marocaine. Un tournant dans son parcours (et celui des Marocains) : en 1968, il est nommé à la tête de l’Ecole militaire d’Ahermoumou qu’il va entièrement repenser pour y préparer son coup d’Etat.


            Ababou commence par tripler les effectifs de son école, les faisant passer à 1200 élèves avant de passer à l’opération relooking des lieux. “Avec l’arrivée de Ababou, Ahermoumou est devenue la base la plus moderne du pays” , raconte Mohamed Moutakillah, ancien d’Ahermoumou, qui explique comment “L’maâllam” s’y est pris : “Il envoyait régulièrement sa garde rapprochée se servir dans les chantiers de la région. Elle revenait avec du ciment, des briques, des marteaux-piqueurs, des poteaux des PTT…” Le programme d’instruction jusqu’ici en vigueur à Ahermoumou est également revisité par le nouveau directeur. “Auparavant, l’école dispensait un enseignement de base, mais avec son arrivée tout a changé. Ceux qui passaient entre les mains de Ababou avaient droit à une formation de commando”, ajoute Moutakillah. Souvenir de l’aspirant Mohamed Raïss : “Dès son retour d’un voyage d’études à l’étranger, il (Ababou) nous appliqua un emploi du temps typiquement américain, nous obligea à enseigner aux cadres une méthode d’instruction de tir canadienne et nous apprit à défiler à l’iranienne”.


            Et de poursuivre : “Il n’avait jamais cessé de perfectionner son travail. Ainsi, il mit sur pied des salles “musées”, des salles d’instruction et des champs de tir de nuit inspirés de France. Il fit construire une piste de risques, un parcours d’agressivité identique à ceux des Rangers ou des Marines et un stand de tir à cibles mobiles ou sur chenilles de chars, calqués sur ceux des USA”. Surnommé le Petit Napoléon pour sa petite taille, M’hamed Ababou est dans le temps une petite célébrité dans l’armée, pour son intelligence, sa personnalité mais aussi pour sa rigueur, sa fermeté et son goût très poussé pour la discipline. Et gare à celui qui osait désobéir à ses instructions. “Lors d’une partie de chasse, il n’a pas hésité à tirer une balle dans la jambe de son frère, à qui il avait ordonné de ne pas rater un sanglier qui passait”, raconte Abderrahim Irchidi, un ancien d’Ahermoumou et proche de celui qui avait pour projet, à la base, de renverser le roi lors d’une manœuvre à El Hajeb le 14 mai 1971, avant de tout repousser au 10 juillet…



            Verdict

            Exécutions au sommet


            Le 13 juillet 1971, à 11h15, la télévision marocaine diffuse en direct du champ de tir d’El Mezel dans la région de Rabat un programme macabre : l’exécution de dix hauts gradés, accusés d’avoir participé à la tentative avortée de renverser Hassan II trois jours plutôt. Condamnés à mort la veille par une cour martiale présidée par le général Oufkir, les quatre généraux, cinq colonels et un commandant, dont les visages sont tuméfiés à cause des séances de torture qu’ils ont subies, ont été d’abord dégradés par de simples soldats, avant d’être attachés à des poteaux symétriquement installés. Etaient ils tous véritablement impliqués dans “Skhirat” ? Pas sûr ! “Oufkir en a profité pour régler ses comptes avec certains d’entre eux”, nous explique cet officier à la retraite. Sont debout aux premières loges, des personnalités civiles et militaires, à leur tête le ministre de l’Intérieur Mohamed Oufkir, et le Premier ministre Ahmed Laraki, qui auraient, d’après de nombreux témoignages, craché à plusieurs reprises sur les dix conspirateurs.


            Derrière tout ce beau monde, les familles des victimes de Skhirat sont également présentes. “On nous a téléphoné la veille pour nous annoncer la nouvelle de l’exécution et nous inviter à y assister”, raconte Najiba Sedrati, veuve de Moncef Sedrati, un cadre à l’époque à la DGSN. “Chacune des familles avait le droit d’y être représentée par un ou deux de ses membres”, ajoute-t-elle. Un seul homme manque à l’appel ce jour-là?: Hassan II. Mais le monarque n’est pas bien loin. Il est à l’abri des regards, quelque centaines de mètres plus loin, en train de suivre le spectacle à l’aide d’une paire de jumelle. Jusqu’à la fin, certains condamnés ont gardé la tête haute, refusant de se faire bander les yeux, préférant regarder la mort en face. Leur seul regret : avoir raté leur coup. D’autres, peut-être dans l’espoir d’une grâce royale de dernière minute, n’ont cessé de crier : “Vive le roi !”. En vain.


            Les dix corps, en plus de ceux du général Mohamed Medbouh et du lieutenant-colonel M’hamed Ababou, auraient été ensuite jetés dans une profonde fosse commune non loin de là. Les 1100 cadets encore vivants ont eu pour leur part plus de chance. Après quelques mois d’emprisonnement, ils sont acquittés par le tribunal militaire de Kénitra le 29 février 1972. Quant aux officiers et sous-officiers, 74 au total, ils sont condamnés à des peines de prison allant d’un an à la perpétuité. Parmi eux, certains ont été envoyés au tristement célèbre bagne de Tazmamart. Rideau.



            © 2009 TelQuel Magazine. Maroc.


            Dernière modification par orion, 08 février 2009, 15h39.

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            • #7
              Je me demande toujours comment le roi l'a toujours échappé belle et pourquoi les putshistes n'ont jamais réussi !
              pour le roi , ce n'est surement pas le peuple qui l'a aidé , les putshistes aussi ne se sont jamais appuyé sur le peuple pour mener a bien leur besogne !

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              • #8
                Il y'a une erreur dans l'article celui qui saignait dela main n'était pas Allal el Fassi,mais son ennemi légendaire qui a disparu de l'historiographie officielle Mohammed Hassan El-Ouazzani, qui mettait aussi un turban aussi agé que Allal et dont la main a été amputée.
                Pour info ce grand nationaliste(El Ouazzani bien sur) a fait ses études à sciences-po, et était un leader central dans la lutte pour l'indépendance; dommage de le confondre à Ssi Allal qui n'en demeure pas moins un très grand homme.

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                • #9
                  Pour le peuple, tout le monde était pétrifié, mes parents me racontent qu'ils étaient en vacances, comme beaucoup de marocains, et n'en revenait pas de ce qui se passait. Les gens n'osait rien commenter, la peur était palpable partout.

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                  • #10
                    Le peuple n'a jamais voulu de changement dans le système, car ils le connaissent et s'y sont habitués. Ils savent à quoi s'attendre avec lui, et ils ont vu les dégâts des "républiques arabes". Au Maroc nous sommes conservateurs. Et nous le serons pour longtemps.
                    La guerre, c'est la guerre des hommes ; la paix, c'est la guerre des idées. V. Hugo

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                    • #11
                      pour le roi , ce n'est surement pas le peuple qui l'a aidé !

                      Il y a une supposition, c'est que les putshistes ne se sont pas bien préparés,
                      Le peuple est resté observateur, donc vive celui qui gagne la bataille !

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                      • #12
                        Le peuple n'a pas eu le temps de réfléchir ni d'agir. A chaque putch l'histoire a été bouclé en l'espace de quelques heures, quelques jours tout au plus.
                        La majorité du peuple étant derrière son Roi, l'armée a à chaque fois réagit très vite.
                        Les putschistes étaient bien équipés et organisés. Mais le Roi Hassan II a eu beaucoup de chance, il a survécu a pas mal de tentatives d'assassinats, je ne parle même pas du nombre de fois où Kaddafi a essayé de le tuer. Mais le Roi jouit aussi de beaucoup de soutient dans la société civile et dans l'état à cette époque, il s'est toujours vite relever et renforcer à chaque fois.
                        La guerre, c'est la guerre des hommes ; la paix, c'est la guerre des idées. V. Hugo

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                        • #13
                          A chaque putch l'histoire a été bouclé en l'espace de quelques heures,

                          Il n'y a d'autres options que celle du travail souterrain des services secrets marocains et étrangers très actifs et puissants !

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                          • #14
                            Eh bien tant mieux. Ca nous convient. C'est l'essentiel non?
                            La démocratie c'est bien le choix du peuple envers et contre tout?
                            La guerre, c'est la guerre des hommes ; la paix, c'est la guerre des idées. V. Hugo

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                            • #15
                              Pourkoi ne pas dire et reconnaitre qu'il y a eu un véritable massacre parmis les jeunes cadets.DES CENTAINES D EXECUTIONS POUR ASSOUVIR LA SOIF DE VENGEANCE DE LA FAMILLE ROYALE.

                              "les 1100 cadets encore vivants" encore vivant , encore vivant , encore vivant, encore vivant.
                              " Celui qui passe devant une glace sans se reconnaitre, est capable de se calomnier sans s'en apercevoir "

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